Mes chers frères et sœurs
La vie et la mort forment le binôme inséparable. Même les enfants y pensent. Une catéchiste était choquée de voir que sa fille de 9 ans lui pose déjà des questions sur sa propre mort future ! On peut se demander aujourd’hui je vis comme « un vivant » ou comme « un mort », c’est-à-dire, en permettant à la vie de se diffuser, de se déployer par mon action, mon amour, mon courage, les valeurs que j’incarne, ou alors, en permettant à la mort d’être victorieuse en laissant une culture de la mort nous anéantir parce que je lui permets de s’installer dans mon cœur et dans le monde.
Le chrétien, disciple de Jésus est appelé à faire le choix de la vie car Dieu nous appelle à vivre pleinement, à partager sa vie, à vaincre la mort. Ne nous contentons pas de vivoter en perdant le goût à la vie à cause des épreuves. Pensez aux évangiles des deux premiers scrutins. Une samaritaine blessée dans sa vie et sa dignité de femme et de fille de Dieu, mais qui devient disciple missionnaire grâce à la rencontre avec Jésus…. L’aveugle-né qui retrouve la vue et qui se prend totalement en main. La rencontre avec Jésus nous rend pleinement vivants.
Quelles que soient les épreuves que nous traversons, Jésus nous appelle à la vie, à la laisser se dilater en nous grâce à la vertu de l’espérance qui permet de transfigurer nos épreuves. La mort de son meilleur ami, est une occasion pour Jésus de manifester son amour pour Lazare, pour ses sœurs Marthe et Marie.
Le contexte de cet évangile est lourd pour Jésus qui traverse un moment d’épreuve et de menace. Il est allé se réfugier à Ephraïm, car trop d’ennemis l’attendent à Jérusalem. Les épreuves s’accumulent pour lui. Son cousin Jean-Baptiste a été condamné à mort et exécuté. Son ami Lazare est très malade et Jésus aimerait bien aller le voir. Se rendre à Béthanie, en ce moment serait comme un suicide, car il risque d’y être arrêté et exécuté car les chefs de prêtres sont à sa recherche : « Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare. Quand il apprit que celui-ci était malade, il demeura deux jours encore à l’endroit où il se trouvait. Puis, après cela, il dit aux disciples : « Revenons en Judée. » Les disciples lui dirent : « Rabbi, tout récemment, les Juifs, là-bas, cherchaient à te lapider, et tu y retournes ? » (Jn 10, 5-9)
Jésus n’est pas suicidaire au point de vouloir anticiper sa mort ! Son heure n’est pas encore venue. Alors, contre son gré et pour ne pas entraver le plan du Père, Jésus attend encore quelques jours pour aller à Béthanie où habitait le défunt Lazare aves ses deux sœurs ! Marthe est la première à sortir de la maison et ses paroles sont une sorte de reproche à Jésus « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort ». Même s’il avait été là, Jésus n’aurait pas empêché la mort de Lazare. Rappelons-nous toujours que même si Jésus fait partie de notre vie par foi, nous ne pouvons éviter ni fuir la mort et la douleur que lui n’a pas refusé d’affronter. Jésus nous protège et nous sauve, mais pas toujours comme nous le voulons.
Jésus appelle Marthe, et à travers elle, à la foi et à l’espérance même quand nous sommes touchés par la mort : « Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera. » Marthe reprit : « Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. » Jésus lui dit : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? »
La résurrection embrasse et dépasse notre petite vie biologique et terrestre qui va rarement au-delà d’un siècle mais la perspective d’une vie éternelle donne sens à notre vie terrestre. La vie éternelle est la lumière qui éclaire notre vie terrestre, car c’est aujourd’hui, ici et maintenant que nous préparons notre résurrection, qui est à la fois un don généreux de Dieu et un choix libre de notre part. A quelques jours de Pâques, vous qui êtes appelés au baptême avec nous, nous sommes appelés à ouvrir notre cœur à ce mystère dans lequel nous plonge le baptême : mourir et ressusciter avec Jésus pour une vie nouvelle avec Lui.
Revenons à notre ami Lazare ! Marie, l’autre sœur était absente, et c’est Marthe qui fait le lien entre elle et Jésus. : « Ayant dit cela, elle partit appeler sa sœur Marie, et lui dit tout bas : « Le Maître est là, il t’appelle. » Le Seigneur t’appelle ! Quel beau message ! Être chrétien, c’est aider les autres à réaliser qu’ils sont appelés par le Christ. Nombreux sont nos frères et sœurs qui sont appelés, mais qui n’attendent pas cet appel à cause des bruits, des pleurs, des douleurs, du hard rock, des portables… qui étouffe la voix du Seigneur. Comme à Béthanie, devenons comme Marthe qui aide sa sœur Marie à accueillir l’appel de Jésus.
Nous en faisons tellement l’expérience dans le baptême ! Tel sera baptisé parce qu’on lui a demandé d’être parrain ou marraine, un autre parce qu’il y a le projet du mariage, l’autre parce que les amis de l’école Prépa ont été de vrais témoins de foi, une mère non baptisée qui demande le baptême de son enfant, l’autre dont le désir du baptême s’accroit lors des funérailles d’un oncle… L’appel nous rejoint de diverses manières et a besoin des médiations. Marie, la sœur de Lazare se jette aux pieds de Jésus, manifestant à la fois sa confiance mais aussi la colère, la déception lui reprochant : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. »
Pour la première fois, nous contemplons Jésus en larme : « Où l’avez-vous déposé ? » Ils lui répondirent : « Seigneur, viens, et vois. » Alors Jésus se mit à pleurer. » Dieu n’a pas un cœur de pierre, impassible, indifférent à nos joies et nos peines. Il se réjouit de nos joies, et pleure de nos peines, comme il a pleuré à Béthanie avec Marthe et Marie lors de la mort de Lazare. Nous pouvons donc lui dire nos joies en action de grâce et lui crier nos douleurs pour qu’il se réjouisse ou pleure avec nous.
« Après cela, il cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! ». En ressuscitant Lazare, Jésus signe l’acte de sa propre condamnation à mort, car il y a quelques personnes qui vont tout balancer aux pharisiens : « Mais quelques-uns allèrent trouver les pharisiens pour leur raconter ce qu’il avait fait. Les grands prêtres et les pharisiens réunirent donc le Conseil suprême ; ils disaient : « Qu’allons-nous faire ? Cet homme accomplit un grand nombre de signes. »
Jésus sait désormais que ses paroles ne sont plus suffisantes. Ainsi, il nous conduit vers l’acte suprême qu’il va poser pour nous. C’est le don de sa propre Vie, en accueillant la mort en croix. Sa vie donnée sur la croix devient la source de vie pour chaque baptisé. C’est ce à quoi nous sommes appelés dans le baptême. Alors, comme Lazare, soyons vivants, vivons pleinement, généreusement, en donnant notre vie pour les autres, et en accueillant la Vie éternelle que Jésus nous apporte par sa passion, mort et résurrection que nous célébrons dans chaque eucharistie.