Mes chers frères et sœurs,
Parce que vous avez certainement fait tous du catéchisme. Et j’imagine évidemment vous connaissez évidemment par cœur tous les commandements de Dieu tels qu’ils nous sont transmis par Dieu, à travers Moïse. Par contre, si l’on fait un test dans cette Eglise, très peu parmi nous, les fidèles catholiques, seront capables de répéter par cœur les 10 Commandement de Dieu (le Décalogue). Pourquoi ? Parce qu’à un certain moment dans l’histoire de notre pays, le catéchisme et l’aumônerie se sont transformés en un lieu convivial où l’on dessinait des petits cœurs…pour dire à Jésus combien nous l’aimons… mais sans se préoccuper de la transmission de la doctrine chrétienne aux jeunes. Un ancien séminariste de Lozère me partageait l’expérience infantilisante vécue en aumônerie de lycée quand il était en terminale où ils n’apprenaient rien de la foi chrétienne, sauf « littéralement apprendre quelques chansons de JC Giannada et de Yannick Noah et dessiner des cœurs ». Le résultat de cette méthode, c’est un grand déficit dans la connaissance doctrinale chrétienne chez beaucoup de Catholiques aujourd’hui….
Aujourd’hui encore, dans certains pays, comme jadis ici en France, au catéchisme, les enfants apprennent par cœur les commandements, les sacrements, les livres de la Bible… la connaissance d’un contenu doctrinal minimum est requise pour qu’un enfant ou un adulte soit admis aux sacrements de l’initiation chrétienne. Au bout du cheminement catéchuménal, les catéchumènes ou les enfants du catéchisme doivent faire un examen. Il y a des aberrations dans cette méthode quand le catéchisme devient très scolaire, très intellectuel, comme ce curé d’une paroisse au Congo qui, à l’examen, demandait à un enfant de 9 ans le nom de famille du saint pape Jean Paul II.
Revenons aux 10 commandements. Ils ont été donnés au peuple d’Israël par Dieu, à travers Moïse…et tout le code législatif juif est une interprétation du Décalogue. Plusieurs fois d’ailleurs, Jésus lui-même a rappelé que tout juif devait respecter la Loi et les prophètes. Avant de mourir, Jésus laisse un testament à ses disciples, pendant la Dernière Cène : « Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. » Ces paroles viennent expliciter une des deux facettes de l’unique commandement que Jésus a laissé à ses disciples. Vous vous rappelez bien qu’un jour, un scribe avait demandé à Jésus quel était le premier commandement : « Jésus lui fit cette réponse : « Voici le premier : Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force. Et voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. » Ceci nous est raconté dans l’évangile selon saint Marc (12, 29-31)
Il n’existe donc qu’un seul et unique commandement, dont le Décalogue est l’application concrète : aimer Dieu en aimant son prochain. En d’autres termes, il ne suffit pas de dire que nous aimons Dieu pour que cela soit vrai. Saint Jean nous le rappelle dans sa première lettre : « Si quelqu’un dit : « J’aime Dieu », alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas. Et voici le commandement que nous tenons de lui : celui qui aime Dieu, qu’il aime aussi son frère. » (1 Jn 4, 20-21). Nous sommes appelés à vérifier la vérité de notre amour en aimant nos frères et sœurs que Jésus lui-même a aimés en premier, car ils sont tous les enfants bien-aimés de Dieu.
Dans la foi chrétienne, l’amour du prochain sera le critère du jugement dernier, comme Jésus nous le rappelle encore dans l’évangile selon saint Matthieu : « “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !”…chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,34-36)
Bref, dans la foi chrétienne, ce qui compte vraiment, ce n’est pas la rhétorique, la théorie, mais bien la pratique, les preuves, des faits ! Saint Jean nous rappelle d’ailleurs que nous devons aimer non pas en parole et par des discours, mais en acte et en vérité. Un artiste congolais rappelle dans une de ses chansons que l’amour n’existe pas, mais qu’il n’y a que des preuves d’amour ! Avouons que nous disons et entendons à longueur des journées des gens qui se déclarent l’amour fou…mais incapables d’en donner la moindre preuve concrète.
Donc, en matière d’amour, ce qui compte, c’est la pratique, les faits, du concret. Alors, demandons-nous : jusqu’à quel point ce commandement de l’amour doit-il nous engager ? Quelle est la mesure de l’amour ? Quand est-ce que je peux aimer ? Qui suis-je appelé à aimer ? Il ne suffit donc pas d’aimer nos parents, nos amis, nos proches, les personnes sympathiques, notre équipe favorite comme le Stade Toulousain… Jésus a donné une réponse claire à toutes ces questions : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ! ». La mesure de l’amour, c’est Jésus lui-même. C’est lui qui, en premier, a aimé tous les hommes. Ensuite, Jésus n’a pas aimé par convenance, par calcul, par intérêt personnel. En troisième lieu, il a aimé de tout son être jusqu’à donner sa propre vie, comme il nous dit : « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ! »
C’est seulement dans cette perspective que son commandement devient vraiment nouveau. En effet, avant Jésus, les humains savaient aimer, et même aujourd’hui encore, sans être chrétien, l’être humain est capable d’aimer. Le seul problème, c’est que de nous-même, nous ne pouvons aimer qu’avec quelques réserves, un peu de calculs, d’égoïsme… ! Humainement, notre amour est toujours intéressé. Pour nous, c’est souvent : « J’aime un tel, mais pas l’autre ! J’aime, quand ça me convient, quand cela ne me coute pas, quand je veux ». La nouveauté de Jésus est dans l’abolition de la réserve, des frontières, des conditions, du petit calcul pour vivre l’amour comme un don total de soi. Cela n’est certes pas facile pour nous tous qui devons composer avec notre humanité fragile et égoïste. Pour cela, Jésus nous a laissé son aide dans sa Parole, les sacrements, son exemple et tous les saints qui, avant nous, ont essayé de l’imiter. Si d’autres ont su aimer comme Jésus, pourquoi ne le puis-je pas moi aussi ?
Pour finir, écoutons encore le Seigneur nous dire ceci : « À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » Si nous avons de l’amour les uns envers les autres, l’Eglise, notre communauté paroissiale, devient réellement une belle communauté, qui donne envie, attrayante et rayonnante. Récemment, j’ai rencontré quelqu’un qui avait fui sa communauté paroissiale pour une communauté plus petite en disant que là, il avait trouvé des chrétiens qui lui donnaient envie car ils s’aiment et savent accueillir les nouveaux qui arrivent, comme donner place et accueillir ces adultes nouveaux baptisés, ces confirmands pour qu’ils ne disparaissent pas après le baptême, mais deviennent réellement des pierres vivantes pour la communauté, y prenant même des responsabilités.
On disait des premiers chrétiens à Jérusalem : « Voyez comme ils s’aiment ». Nous pourrons faire les catéchèses les plus intelligentes et les plus savantes, mais si nous ne nous aimons pas, notre communauté ne sera jamais attrayante. Saint Paul nous dit que sans amour notre foi qui transporte les montagnes n’est rien, même si je me fais bruler vif pour la foi ! Le pape François nous rappelle que l’Eglise grandit par attraction et non pas par prosélytisme. C’est par l’amour que nous serons reconnus comme disciples missionnaires, non pas par nos dévotions, nos prières, nos signes extérieurs, nos organisations et nos structures. Que cette eucharistie nous donne nous aimer les uns les autres comme Jésus que nous allons recevoir dans l’eucharistie afin de le glorifier par notre vie concrète et quotidienne qui sera un témoignage d’amour fraternel. Amen.