Mes chers frères et sœurs !

Dans la vie, dans l’accomplissement de nos missions, de nos devoirs, il y a toujours des exigences. Et dans l’accomplissement de nos devoirs, il y a toujours un minimum qui est  exigé par la loi. Par exemple, à l’école, on peut te demander un devoir en faisant le minimum des pages à écrire. Par exemple, 20 pages pour un petit mémoire écrit. Alors, un étudiant qui n’aime pas trop travailler va faire exactement 20 pages, pas un paragraphe de plus ! On dit qu’il faut travailler 35 heures, et le minimaliste fait exactement ça et s’il peut grignoter quelques minutes, il n’hésiterait pas. Au niveau spirituel, par exemple, l’Eglise nous recommande de nous confesser au moins une fois par an, avant Pâques. On appelle cela faire ses Pâques (pour les anciens !). Mais l’Eglise rappelle que se confesser est comme faire la douche ou la lessive pour son âme, et qu’il est recommandé et plus bénéfique pour notre bonne santé spirituelle de nous confesser plus souvent. Le chrétien minimaliste spirituel attend le Carême pour se confesser !

Jésus lui, refuse de nous maintenir dans le minimalisme ! Il veut nous tirer vers le haut, nous pousser à viser  plus haut, à nous donner à fond. Il ne veut pas que nous donnions très peu, le minimum syndical (comme on dit) alors que nous sommes capables de donner beaucoup plus et le meilleur de nous-même. Le Seigneur sait que nous sommes capables de plus de générosité, de plus de solidarité et nous invite à ne pas vivre plus généreusement et à donner le meilleur de nous-même.  C’est important d’entendre cela à quelques jours de l’entrée en Carême car Jésus veut vraiment que nous vivions à fond ce temps liturgique pour en recueillir les grâces.

C’est cela que Jésus nous explique dans tout son Discours sur la Montagne qui nous accompagne depuis quelques dimanches, et dans la première lecture de ce dimanche : devenir saint comme notre Père. « Le Seigneur parla à Moïse et dit : « Parle à toute l’assemblée des fils d’Israël. Tu leur diras : Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint ».  Notre vocation fondamentale depuis le baptême est de partager la sainteté du Dieu. Non seulement il nous appelle à la sainteté, mais aussi il nous donne les grâces nécessaires pour atteindre cette sainteté. Pour aider à avancer sur ce chemin de perfection et de sanctification, après les thématiques de dimanche derniers, Jésus aborde aujourd’hui deux questions délicates : la justice et l’usage de la violence.

Le proverbe, « Œil pour œil, dent pour dent » qui nous semble aujourd’hui barbare, sauvage et primitif, est en réalité, dans le judaïsme, une forme de modération, d’équilibre, de mesure : notre réaction doit être proportionnelle au dommage, à l’offense subie. D’ailleurs, dans notre vie de chaque jour et notre monde actuel, vivre ce principe tout simplement aiderait certainement notre monde à aller mieux dans le sens de la justice. Combien de fois notre réaction est disproportionnée et excessive par rapport au dommage que nous subissons. Sans aller chercher dans le contexte international ou la géopolitique comme les conflits au Proche Orient, entre Russes et Ukrainien ou contre l’OTAN, nous pouvons aux petites relations au sein de nos familles ou dans nos milieux professionnels : un petit geste, une parole de trop qui provoque en nous un déchainement de violence, une réaction excessive, une bombe de colère parce qu’on m’a regardé de travers, on m’a fait une petite réflexion désagréable !

Ton mari n’a pas remarqué que tu as été chez le coiffeur : cela te rend folle de rage et de déception au point de bouder pendant une semaine… si tu l’as pas envoyé dormir sur le canapé au salon pendant une semaine ! Ton ami, ton frère, ta sœur, a oublié de t’appeler pour ton anniversaire : c’est la crise qui te pousse à mettre son numéro de portable et son mail parmi les indésirables ! Tu es supporteur du XV de France qui prenne une raclée contre l’Irlande : pris de colère, tu balance la télé par la fenêtre !  Pense aussi à cette colère, à cette rage exprimée à travers un regard menaçant parce qu’un bébé a pleuré ou qu’un enfant a fait un peu de bruit pendant la messe en dérageant ton recueillement. Nous avons souvent des réaction excessives et disproportionnées, moins juste que la Lois du Talion.

Jésus nous appelle à dépasser la justice de la Loi du Talion, à oser plus, à aller plus loin : retenir noter colère, ne pas répondre au mal par le mal, aimer nos ennemis. Le saint Esprit peut enflammer nos cœurs en nous rendant capables de donner notre vie, en choisissant de réagir autrement au mal ou à une provocation. Pense à toutes ces occasions où tu as été capable de contenir ta colère, ta violence, à ton agressivité, à ton irritation devant le mal, devant une provocation, une agression verbale ou physique, en pensant à ce passage de l’évangile. Saint Etienne, saint François, et d’autres saints, dans les pas de Jésus en croix, ont pu demander pardon pour ceux qui leur faisaient du mal, au lieu de les maudire. Pensons à tous ces hommes et femmes témoins de la non-violence qui nous rappellent que la paix vécue en profondeur peut déraciner et désarmer la logique violente du monde.

Au temps de Jésus, aimer et pardonner était prévu, enseigné et prêché par les rabbins. Mais cela était restreint au petit cercle du peuple d’Israël. Il fallait haïr son ennemi. Comprenons alors le bouleversement et la nouveauté de l’enseignement de Jésus. Aimer celui qui t’aime est tout à fait normal et ne fait pas de toi quelqu’un de spécial ou de saint. Les païens font la même chose, nous fait remarquer Jésus. Mais aimer et prier pour celui que tu sais être ton ennemi, souhaiter la conversion et le salut de notre ennemi, cela fait de nous des saints car en cela nous imitons notre Père qui est aux Cieux.

Il est normal et naturelle de ressentir de l’antipathie envers une personne qui nous déteste, mais il est évangélique de choisir de passer au-delà de l’antipathie pour trouver ce qui pourrait me rapprocher de cette personne pour l’aimer un tout petit peu ! Il est normal de protéger ses biens, de défendre son territoire comme les Ukrainiens devant l’agression Russe ou les Congolais devant l’agression Rwandaise, mais il est hautement évangélique de choisir le dialogue, la rencontre, la réconciliation, la connaissance de l’autre afin de dépasser nos conflits. Il est normal et naturel que de temps en temps notre côté obscur réapparaisse, mais il est évangélique de combattre ce côté obscur afin de permettre à la lumière de Jésus de vaincre l’obscurité en nous. Si la foi chrétienne ne change pas nos vies, nos choix, nos réactions, cela veut dire que l’évangile n’a pas encore vraiment touché notre cœur.

On se demandait, par exemple, comment un pays chrétien comme le Rwanda pouvait sombrer dans la violence du génocide de 94 : c’est parce, avec les considérations politiques et ethniques, l’Evangile n’avait pas vraiment touché les cœurs et que la foi de cette jeune Eglise était encore une foi de façade, du nombre d’inscrits dans les registres de baptême ou de mariage… Jésus est exigeant avec nous, parce qu’il sait que nous sommes capables de meilleur ! Il ne veut pas que nous soyons de minimalistes, mais veut nous tirer vers le haut, plus loin, nous pousse à aller en eau profonde au lieu de nage dans des flaques d’eau stagnante ! Duc in altum ! Nous voulons que nos enfants et pour nous-mêmes soyons meilleurs dans les études, au niveau professionnel, sportif, artistiques…Dieu veut la même chose pour nous en matière de perfection et sainteté !

Matthieu conclut en vous invitant à imiter le Père, à ressembler à Dieu et être parfait comme lui. Cela se réalise, non en fournissant des efforts impossibles, mais en accueillant la grâce, la miséricorde et l’œuvre de Dieu en nous. La perfection, la sainteté réside dans la miséricorde, en regardant avec le cœur de Dieu notre propre misère pour la reconnaitre et demander à Dieu de nous transfigurer. Que le temps de Carême que nous commençons mercredi soit pour nous un chemin de perfection, de sainteté, à la suite du Père, à la suite du Christ. Amen.