Mes chers frères et sœurs!

Nous venons de vivre plus d’une année comparable à cette traversée du lac, une véritable nuit de tempête. Nous avons navigué à vue. Nous ne savions pas où aller, comment avancer. La peur de la maladie, peur de la  mort, peur de perdre  le travail ou carrément perte du travail. Au niveau pastoral, nous savions pas  comment avancer. Un verbe nouveau s’est imposé, d’après les grandes gueules de RMC: “Progrannuler” qui veut, programmer un événement tout en sachant que nous pouvons annuler. Programmer des rassemblements  KT, aumônerie, un  weekend ou camps scout…tout en sachant que ça ne peut ne pas avoir lieu. Au niveau personnel, ecclésial, professionnel, pastoral, familial… nous avons tous un jour vécu une expérience similaire à ce que vivent les disciples qui ont peur de mourir et pendant ce temps, nous avons pensé comme eux que  Jésus dormait tranquillement sans se soucier de ce qui se passait.

Aucune existence humaine n’échappe à la souffrance car la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Chaque vie porte son lot de douleur et d’épreuve. Je ne voudrais pas vous pourrir le moral alors que nous avons la joie d’avoir le soleil, de quitter le masque en extérieur, de voir le risque pandémique baisser….N’oublions cependant pas que tout cela peur repartir malheureusement. La souffrance, la douleur, les épreuves, il y en a eu dans le passé, nous en vivons actuellement à des niveaux très différents et il y en aura encore dans l’avenir : une maladie grave qui nous touche l’entourage, les attaques injustes, la haine gratuite de quelqu’un qui est aigri qui vous fait passer pour quelqu’un d’horrible en vous balançant un mail odieux juste pour vous faire du mal… Dans expériences tempêtueuses, il est normal et naturel de s’adresser à Dieu avec plus ou moins de colère :“Seigneur, ça ne te fait  rien que je souffre tant,” “Pourquoi dors-tu pendant que le malheur s’abat sur moi”, “ Mon Dieu pourquoi m’abandonnes-tu?”.

La Bible est remplie de ce genre de question. Certains psaumes, le cri de Job devant les malheurs qui s’abattent sur lui, Jésus sur la croix… Même les grands saints ont fait l’expérience de l’abandon et du silence de Dieu au moment des épreuves de la vie. Une dame dont j’ai célébré les funérailles du mari décédé après 40 ans de mariage me disait, lors de la préparation qu’elle avait le sentiment que  Dieu l’avait abandonnée. Pour l’aider à regarder les choses différemment,  je lui ai dit que mon père est décédé avant que j’ai 12 ans, mais en voyant Jésus sur la croix, je sais qu’il a porté sa propre croix  et la mienne aussi depuis cet âge jusqu’aujourd’hui, et que jamais je n’ai  douté de sa présence à mes côtés! Cela l’a fait réfléchir! Mais, ne comparons jamais les croix et les épreuves. Ces douleurs et ces épreuves peuvent avoir la vertu bénéfique d’affiner notre vie, nous aider à cerner ce qui est essentiel, purifier notre foi, comme l’or qu’on purifie par le feu. Mais, gravez bien de manière indélébile dans vos cœurs que Dieu n’abandonne jamais ses enfants que nous sommes.

Pourquoi avez-vous tellement peur? Dieu n’est pas ailleurs! Dieu ne dort pas! “Non, il ne dort pas, il ne sommeille pas le gardien d’Israël” nous  dit le psaume 120. Le Seigneur est toujours présent et agissant dans notre vie, mais il est présent à sa propre manière, pas à la nôtre. Nous aimerions tellement qu’il soit là à notre manière, quand et comme nous le voulons. Heureusement que ce n’est pas le cas. Dieu est toujours présent mais il refuse de se laisser manipuler par nos chantages, nos caprices d’enfants gâtés et de se faire prendre par les sentiments. Le Seigneur est là, il veut me sauver, il ne veut pas qu’un seul cheveu de ma tête ne se perde… Cependant, il le fait en me demandant de me bouger, de me prendre en main, d’utiliser toutes mes facultés, ma force intérieure, ma créativité. Une relecture cette période Covid19 nous montre combien nous avons été créatifs, inventifs dans nos manières d’être ensemble, de garder le lien. Je pense à ce groupe scout qui, à défaut de se rassembler, a pu organiser une sorte de jeu de piste dans la ville de Tournefeuille, avec une étape dans l’église pour permettre aux louveteaux de faire quelque chose malgré l’interdiction de se rassembler.  Le Seigneur ne veut jamais intervenir à notre place  parce qu’il nous fait confiance. Il ne  nous épargne pas la traversée de la mer avec ses turbulences, mais il  nous accompagne. Il nous a dit, il y a trois semaines: “Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde”. Dieu est toujours présent dans la traversée de nos vie, il prend soin de nous, nous protège pas de la peur ( c’est normal d’avoir peur) mais sa présence est une assurance tout risque.

Notre vie est une traversée parfois très dangereuse qui contient son lot de peur et d’angoisse. Au cours de cette traversée, Dieu nous appelle à vaincre la peur et à devenir meilleur, à être toujours plus responsable.  S’engager dans le mariage est une traversée qui peut faire peur si on  prend cet engagement  au sérieux. Faire confiance à un homme, à une femme et se donner entièrement pour la vie fait naturellement peur, surtout de nos jours… et nécessite beaucoup de confiance. Passer le BAC de Philo,  le Grand Oral, un concours, est une traversée qui fait peur, surtout dans une année bâclée à cause de la Covid19. Changer de paroisse, comme le père Dao qui s’en va à Villemur, déménager et tisser des liens avec une nouvelle communauté est une traversée qui peut faire peur. Accepter d’accueillir des étrangers, surtout quand ils débarquent par la Méditerranée est une traversée qui peut faire peur à certains.  On en parle beaucoup des étrangers en cette période d’élections régionales. Accueillir un pauvre dans sa maison peut faire peur…. Toutes ces peurs sont légitimes, normales, naturelles, mais, de grâce, ne laissons jamais la peur briser notre générosité et étouffer notre confiance dans le Seigneur et dans nos frères et sœurs. Contempler Jésus en croix fonde ma certitude qu’il est présent dans mes propres croix.

L’évangile de ce dimanche décrit ce sentiment de peur et d’abandon dont les disciples ont fait l’expérience. Toute la journée,  sur les rives du lac de Tibériade, Jésus a enseigné à  une foule tellement nombreuse qu’il a pris une barque pour permettre que tout le monde puisse le voir et l’entendre. La nuit tombée, il est obligé de congédier la foule et demande ensuite aux disciples de traverser pour aller à l’autre rive Survient une violente tempête. Les vagues se jetaient sur la barque, si bien que déjà elle se remplissait. Lui dormait sur le coussin à l’arrière. »

Au cours de la traversée du lac, la menace réelle et objective, le danger de mort imminent. « Maître, nous sommes perdus. Cela ne te fait rien ?» Réaction de peur, manque de confiance. Tout d’un coup, un miracle s’opère : en peu de mots paroles et un simple geste d’autorité : « Silence !». Le vent s’arrête, le calme revient. Jésus s’adresse ensuite aux disciples « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ».

Les disciples sont saisis de crainte devant ce geste puissant et totalement nouveau : « même la mer et le vent lui obéissent ». Pourtant, ils avaient assisté aux miracles et gestes extraordinaires accomplis par Jésus. Ils étaient censés avoir foi en lui, mais ce n’était pas le cas. Ceux qui ont eu la chance de voir Dieu à l’œuvre sont souvent ceux qui ne font plus attention à Lui. Dieu leur devient un quelqu’un de familier, de normal, de banal mais en qui ils ne croient plus. Les disciples avaient déjà entendu ses enseignements et assisté à ses miracles et prodiges… mais il leur manquait toujours la vraie foi.

La nécessité de la foi est l’enseignement essentiel de l’évangile de ce dimanche.  Même au cœur de l’épreuve la plus douloureuse, celui qui regarde vers Jésus sera toujours sauvé et joyeux de cette joie profonde que seul Jésus peut donner. Au milieu de nos tempêtes, Jésus traverse avec nous et nous sauve, même s’il semble parfois dormir !  Même devant la mort, la foi dans le Christ nous procure le salut et la vie éternelle que la mort ne pourra jamais nous ravir. Demandons la grâce d’une confiance et de la foi solides lorsque nous traversons une période de tempête et d’ouragan. Comme et avec les disciples, sachons toujours crier, avec de confiance « Seigneur, nous sommes perdus, sauve-nous ». Amen.