Mes chers frères et sœurs !

L’évangile de ce dimanche est certainement une des plus belles pages de l’évangile  selon saint Marc. D’habitude bref, timide et concis dans ses récits, saint Marc se lâche un peu plus dans la narration des faits où il mêle plusieurs histoires. On dirait qu’il veut nous faire vivre les sensations et les émotions intérieures, comme celui qui veut parler et raconter le doublé du Stade Toulousain, en nous amenant à Twickenham pour le Hcup et au Stade de France pour le Top14, nous présentant à la fois les toulousains heureux, pleurant de joie, alors que de l’autre côté, les rochelais pleurent aussi, à cause de cette double déception en deux finales la même année.  L’évangéliste saint Marc veut nous faire faire l’expérience de ceux qui sont autour de Jésus : leurs perceptions les plus intimes : les mains qui ont un rôle important, le toucher, les sensations du corps, le fait de renaître à la vie, goûter à la vie, entrer en relation, sentir la richesse de l’autre en le touchant et en s’approchant de lui…Par ces descriptions, saint Marc nous guide sur un chemin de foi à la rencontre de Jésus qui nous libère des peurs en nous sortant des obligations de la Loi, de certains principes religieux et culturels qui enferment et emprisonnent. Bref, à travers un long récit, saint Marc explique en quoi consiste la vraie foi. Tout ceci est fait de manière sensible et charnelle !

La foi n’est pas une idéologie qui s’adresse seulement à la tête ni une éthique qui ne s’adresse qu’à la volonté. Devenir chrétien, c’est rencontrer Jésus, Dieu fait homme, un Dieu sensible comme cette femme tellement courageuse à qui est interdite une vie sociale et relationnelle à cause de ses pertes de sang qui la rendent impure, comme ces mères que j’ai vues souvent en larme, par amour pour leurs enfants dont elles s’inquiétaient, un Dieu blessé et éprouvé comme ce père qui s’approche de Jésus pour demander la guérison de sa fille qui est à toute extrémité. Le Dieu en qui nous croyons est celui des relations sociales libérées et libres des préjugés et exclusions : Dieu s’est vraiment incarné et notre vie de foi a une dimension charnelle, sensible, corporelle car notre corps est appelé à être touché par la divinité de Jésus. C’est pour cela que la foi chrétienne, célébrée dans la liturgie a une forte dimension corporelle comme, chanter, danser, se mettre debout, s’asseoir, dans les mains, pleurer, crier de joie, se mettre à genou, taper dans les mains…. Une foi véritablement chrétienne et sans idéologie ne peut faire fi de la dimension corporelle et sensible, surtout dans la liturgie. Dommage que des chrétiens dénigrent le corps ne pensant qu’à l’âme à sauver, alors que Dieu s’est incarné en Jésus.

Le récit de ce dimanche commence par l’amour d’un papa qui fait face à l’enfermement religieux Il s’appelle Jaïre et est chef d’une synagogue : « ll était au bord de la mer. Arrive un des chefs de synagogue, nommé Jaïre. Voyant Jésus, il tombe à ses pieds et le supplie instamment : « Ma fille, encore si jeune, est à la dernière extrémité. Viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive. Jésus partit avec lui ». De quoi souffre cette fille ? Peut-être que la maladie dont souffre cette fille est « l’amour trop possessif » d’un père qui exclut la mère, qui parle de sa fille de 12 ans, l’âge de l’entrée dans la maturité chez les juifs de l’époque, comme si c’était encore un bébé, la faisant ainsi souffrir car il l’empêche de grandir sans s’en rendre compte ?  Quelqu’un a osé dire que, comme beaucoup de parents trop possessifs, Jaïre est un père qui a besoin d’être guéri dans sa manière d’aimer sa fille.  En réponse à sa requête, Jésus ne répond rien mais il accepte de marcher, d’avancer et de cheminer avec lui.

Sur le chemin, Jésus croise une femme. Contrairement à Jaïre qui est tellement riche et qui a peur de perdre ce qu’il possède, cette femme est pauvre et n’a même pas de nom. Très malade, elle a perdu toute sa richesse dans les soins.  Cette femme qui n’a pas et ne peut même pas avoir d’enfant, est doublement condamnée à l’exclusion et à la solitude imposées par la Loi qui la considère comme impure. Elle ne peut se marier ni avoir des relations intimes à cause de ses pertes de sang.  Pourtant, dans son cœur, cette femme a pourtant un grand désir : celui de vivre ! Elle ne perd pas courage. Elle lutte de toutes ses forces mais sa situation ne fait que se détériorer.

Cette femme a entendu parler de Jésus et cela fait naître en elle l’espérance ! Témoigner de Jésus, parler de lui autour de nous, annoncer les merveilles qu’il a accomplies pour nous est une façon extraordinaire d’évangéliser autour de nous. Saint Marc nous plonge dans la tête, le cœur, la pensée de cette malheureuse femme : « Elle se disait en effet :« Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée. »  Ensuite, on passe de ce qui se de la pensée à la matérialisation dans le corps : elle doit affronter la foule, passer par derrière et toucher son manteau de Jésus « À l’instant, l’hémorragie s’arrêta, et elle ressentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal ».

Jésus a senti une force sortir de lui. Nous pouvons tous faire l’expérience de cette force qui sort de Jésus et qui nous guérit, nous libère, nous apaise…. La foi a certainement une dimension communautaire, comme célébrer l’eucharistie, faire partie d’un groupe, un mouvement, un service. Mais elle d’abord rencontrer, aimer, sentir, toucher, vivre quelque chose personnel avec Jésus, comme cette femme de l’évangile. Nous ne devons pas nous contenter pas d’une vie chrétienne soit seulement communautaire, comme aller le dimanche. Jésus veut que nous développions avec lui une relation personnelle, amicale. La femme cherchait à toucher l’habit de Jésus pour guérir. A un certain moment, c’est Jésus qui la cherche et veut la rencontrer.

Celle qui était impure et tremblante sent en elle la force, l’Amour libérateur du Seigneur qui la rend capable d’être elle-même et de dire toute sa vérité. On peut tout cacher aux hommes, à nos amis, à la famille… mais on ne peut rien cacher à Jésus qui sait tout sur notre vie. « Jésus lui dit alors : « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal. » Ta confiance, ton courage de chercher l’Amour, de me toucher, c’est cela qui te sauve.

Jésus poursuit ensuite son chemin vers la maison de Jaïre ! Mais sur ce chemin, il y a un obstacle, celui des prophètes de malheurs, ces mauvaises langues, ces pessimistes, ces critiques toujours négatives et ces médisants qui nous découragent dans notre élan vers le Seigneur et vers les autres : « comme il parlait encore, des gens arrivent de la maison de Jaïre, le chef de synagogue, pour dire à celui-ci : « Ta fille vient de mourir. À quoi bon déranger encore le Maître ? » Ça ne sert plus à rien ! A quoi sert votre foi ? A quoi sert ton baptême, d’aller à la messe alors qu’on est pauvre ! Pourquoi votre Dieu ne fait rien pour tous les malheurs du monde ? Pourquoi Dieu ne t’a pas épargné de cette maladie, de cette épreuve parce que tu es chrétien ? Ils nous disent qu’il faudrait arrêter le chemin entrepris avec Jésus car cela ne sert à rien !

Ces annonceurs de malheurs ont même un côté culpabilisant quand ils parlent à Jaïre : ta fille est déjà morte et tu n’étais même pas là ! Mais Jésus fait renaitre l’espérance dans ce père possessif qui a besoin d’être rendu capable d’un amour guéri. « Jésus, surprenant ces mots, dit au chef de synagogue : « Ne crains pas, crois seulement. ». Ne te laisse pas manipuler par la peur, l’angoisse d’avoir failli par le passé à cause de ton amour trop possessif. Crois seulement, abandonne-toi, libère-toi de toi-même, laisse-toi aimer et tu apprendras à aimer à ton tour.

A ce moment, saint Marc note quelque chose d’important : Jésus construit une communauté resserrée, restreinte avec ceux qu’il choisit lui-même parmi la foule qui le bouscule, qui pleure, critique, fait des reproches. Il prend le père, et finalement, on voit apparaître la mère, les conduit tous les deux là-où se trouve la jeune fille. Il saisit la main de l’enfant, et lui dit : « Talitha koum », ce qui signifie : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi Aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher. Elle avait douze ans ».

Dans la culture juive de l’époque, à douze ans, on est presque majeur, et pas une petite fille comme la décrivait son père qui symbolise tous ces parents qui considèrent leurs enfants comme des éternels enfants, leur refusant de devenir autonome, les appelant « mon bébé » même à 40 ans alors qu’ils sont déjà mariés. Maintenant, le papa est aussi guéri de son amour possessif. La mère retrouve toute sa place. Cette jeune femme est confiée aux deux parents pour former une nouvelle communauté créée par Jésus, car la famille. Si l’Eglise est une famille, elle est fondée et s’appuie sur la cellule familiale, parents et enfants qui constituent une Eglise domestique.

Cet évangile est merveilleux, une bonne nouvelle, la rencontre d’un Jésus qui marche avec chacun de nous, qui se laisse toucher par nos misères et qui nous touche, nous prend par la main, nous sauve de nos amours parfois trop possessifs, entre dans l’intimité de nos vies, qui restaure et rhabille la valeur de la sexualité humaine, guérit la vie des couples, un Dieu présent au sein de la communauté familiale et sociale. Puissions-nous nous laisser toucher par Jésus qui est présent dans cette eucharistie que nous célébrons ! Amen