Mes chers frères et sœurs !

Dans le sport, on nous répète qu’il faut être fair-play : « Il faut savoir perdre ! On ne peut toujours gagner ! » Cette expression sportive est surtout utilisée par les vainqueurs pour humilier encore les vaincus, devenus en plus « mauvais perdants », doublement humiliés : vaincus et mauvais perdants…. Nous pouvons penser au Manager du Stade Rochelais lors de la finale du Top14 emportée par le Stade Toulousain : Ce manager a osé mépriser le Stade Toulousain, même s’il s’en est excusé plus tard. C’est difficile de perdre, surtout quand notre victoire était probable et presque certaine. Quand on est sur le point de réussir, perdre fait très mal. Nous savons pourtant qu’apprendre à « savoir perdre », accepter de ne pas toujours gagner est une loi fondamentale de la nature, de la vie humaine et de la croissance spirituelle !

Dans la tradition biblique, nous rencontrons un binôme contradictoire repris plusieurs fois sous différentes modalités : « perdre et gagner », « perdre et trouver », « mourir et ressusciter ». Par exemple, Marie et Joseph perdent leur fils adolescent Jésus âgé de 12 ans, lors d’un pèlerinage à Jérusalem et le retrouvent trois jours plus tard au Temple au milieu des docteurs de la Loi. Dans la parabole du fils prodigue, le père dit : « mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé ». Dans l’évangile de ce dimanche, Jésus nous dit : « Qui a trouvé sa vie la perdra ; qui a perdu sa vie à cause de moi la gardera. »

Dans notre culture moderne, nous acceptons de moins en moins les échecs, la perte de quelque-chose auquel nous tenons, et pire encore de quelqu’un que nous aimons… Perdre son amoureuse ou son amoureux est dramatique et déprimant. La peur de perdre notre travail nous angoisse. Sans sous-estimer ces épreuves, reconnaissons que savoir perdre est décisif et indispensable dans un processus de croissance et de maturation humaine et spirituelle.

Nous ne pouvons pas toujours tout maitriser, tout contrôler toujours et partout ! Il y aura certainement quelque chose qui nous échappe dans la vie ! Dans la vie, nous ne pouvons pas tout garder ou tout conserver ! Pensons un seul instant à la possibilité de garder tout de notre vie depuis notre naissance ! Pour que nous ayons de belles dents, il faut d’abord en perdre quelques-unes pour que d’autres plus belles et plus fortes puissent pousser ! Il est naturellement impossible, mais combien bénéfique de ne pas garder nos cheveux de bébé…

En cette fin d’année pastorale par exemple, perdre un prêtre pourrait être très difficile, pour une communauté, mais peut aussi être bénéfique et stimulant car cela permet d’en accueillir un nouveau, peut-être même deux, même si nous ne savons ni quand ni comment ! Confiance !! Je pense à toutes les questions que certains se posent de voir le père René repartir dans son pays et qui se demandent s’il sera remplacé ! Je l’espère de tout mon cœur et j’y travaille aussi. Par fatigue ou après discernement, on peut aussi « perdre » certains bénévoles dans certaines équipes qui souhaitent arrêter ou changer de mission après de longues années : cette perte apparente pourrait décourager… mais cela permet de gagner de nouveaux bénévoles qui apportent des idées nouvelles, un nouvel élan missionnaire…..Nous devons continuellement perdre quelque chose pour que quelque chose de nouveau puisse naître, croître, mûrir… En fin de compte, ces pertes naturelles et progressives sont au service de la vie car elles nous rendent plus grands, plus forts et meilleurs même si chaque perte, spécialement dans le domaine relationnel a le goût amère de l’abandon et provoque des déchirements, la solitude.

Revenons à la Parole de Dieu ! Dans la Bible, le verbe « perdre » comporte une signification très riche. Dans l’évangile d’aujourd’hui, « perdre sa vie » signifie en réalité « donner sa vie », comme Jésus l’a donnée par amour pour nous, se donner soi-même. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » nous dit-il. Donner dans une pure gratuité, sans rien attendre, donner par et avec plaisir comme on dit dans notre région toulousaine. Or, donner sans calcul, sans rien attendre est un autre grand déficit de notre époque !

Nous avons de plus en plus de mal à donner sans calcul ! Notre culture souffre d’un déficit de la gratuité du don, de ce don qui n’attend pas de celui qui reçoit un minimum de scrupule de nous devoir quelque chose, de nous renvoyer l’ascenseur à une occasion donnée. Nous avons naturellement besoin de signe de reconnaissance, de gratification.

L’évangile de ce dimanche nous invite à faire le contraire, à entrer dans une nouveauté radicale, un renouveau total dans notre mode de penser pour discerner la volonté de Dieu, ce Dieu qui est Bon et qui nous appelle à être bons et parfaits comme lui, même si cela parait paradoxal humainement. Avec et grâce à Jésus, comme dit Paul dans la deuxième lecture, nous pouvons aussi grandir dans une vie radicalement nouvelle : si nous sommes dans le Christ, nous sommes des créatures nouvelles, faire mourir le vieil-homme en nous pour laisser naitre l’homme nouveau. Cela suppose que nous acceptions de perdre notre vie, de porter cette croix scandaleuse qui nous pèse et nous humilie parfois, ces épreuves qui nous font désespérer de notre capacité de repartir, de rebondir de nouveau, de sortir de nos peurs et de nos échecs.

Quand le Christ parle de la croix, il ne s’agit pas simplement de l’épreuve et de la souffrance que nous subissons. Il ne suffit pas qu’une situation soit douloureuse pour qu’elle se transforme en croix salutaire. C’est seulement quand ces épreuves ne sont pas portées de manière stoïque, mais accueillies, assumées et embrassées qu’elles deviennent occasion de grandir dans l’Amour, dans la Foi et dans l’Espérance.

Ces épreuves deviennent ainsi une présence nouvelle, celle du ressuscité qui marche à nos côtés, portant lui aussi les marques des plaies de la croix, mais vivant à jamais et victorieux du Mal. Jésus ne nous appelle pas seulement à prendre la croix ! Il dit : « celui qui ne prend pas sa croix pour me suivre n’est pas digne de moi ». Nos souffrances ne deviennent véritablement des croix salutaires que quand nous acceptons de les porter en suivant Jésus, c’est-à-dire de les porter dans la Foi.

L’autre nouveauté radicale de la foi chrétienne, c’est ce Dieu qui nous invite à l’aimer plus que nos parents et nos enfants, un contre-courant des lois du cœur qui nous penche naturellement à aimer nos proches, ceux avec qui nous avons des liens de sang….Cela parait paradoxal mais la foi authentiquement chrétienne, n’est-elle pas une folie, un scandale, un aller à contre-courant et au-delà de la logique purement humaine.

Seigneur, en cette fin d’année scolaire et pastorale, apprends-nous à transformer nos croix pastorales, familiales, professionnelles, physiques, celles de l’âme et du corps… en instruments de salut parce que nous les vivons dans la Foi, l’Espérance et l’Amour. Amen.