Mes chers frères et sœurs !

Parmi les sujets de la liturgie de la Parole aujourd’hui est le découragement, la foi et la tempête dans notre vie. Dans la première lecture, le prophète Elie est écrasé par le découragement et la zone de turbulence qu’il traverse. Il a fait exécuter les prêtres de Baal, un dieu païen importé en Israël par la reine Jézabel. Elie espérait ainsi rammener les foules à Dieu, mais c’est tout le contraire qui se produit : les gens se sont éloignés de Dieu et la reine Jézabel est décidée à venger ses prêtres. Elie doit fuir et chercher refuge dans le désert. Désespéré, Elie désire sa propre mort. Il admet son crime et comprend que Yahvé ne s’impose jamais ! Comme dirait Eric-Emmanuel Schmitt, Elie a compris qu’il n’y a que des imposteurs qui veulent imposer Dieu.

Dans l’évangile, Jésus est aussi découragé par diverses épreuves. Jean-Baptiste vient d’être exécuté par Hérode, sa tête remise à la fille d’Hérodiade. Mais il y a pire encore ! Après la multiplication des pains, Jésus découvre que ses disciples sont restés égoïstes et sans compassion. Ils lui avaient conseillé de renvoyer la foule affamée chez elle et dans les villages pour aller s’acheter de quoi manger. Mais ces pauvres disciples aussi sont découragés : ils ne comprennent pas la pourquoi Jésus réagit durement envers eux. Il les oblige à monter dans une barque pour rejoindre l’autre rive, une région païenne que les juifs étaient censés éviter. Et comme si cela ne suffisait pas, cette traversée doit se faire sous un vent violent, la violence de la nature que nous pouvons voir à travers les incendies actuellement en Europe et aux USA.

Tel est le tableau : fatigue, découragement, désillusion, tempête, violence ! La vie est ainsi faite. Il y a inévitablement de l’ombre et de la lumière, des moments exaltants et des moments éprouvants, des grandes joies et des dures épreuves, la foi et parfois des doutes. Nous sommes confrontés de temps en temps à la violence, celle qui est en nous, comme celle du prophète Elie, victime de son propre fanatisme en combattant le fanatismes des prêtres de Baal, la violence politique qui s’en prend aux adversaires politiques, comme on peut le voir dans certains pays, ou celle d’Hérode qui fait décapiter Jean le Baptiste, la violence de l’égoïsme des disciples qui veulent renvoyer une foule affamée.

Et pourtant, c’est dans de tels moments de découragement, de tempêtes et d’épreuves que nous découvrons qui nous sommes réellement. Si au lieu de nous replier sur nous-même, nous osons nous remettre en question, attendre un peu, patienter, changer, nous convertir, espérer, prier, nous mettre en action, alors, quelque chose de mieux peut advenir, nous permettant de nous comprendre, de comprendre les situations que nous traversons en faisant un peu de relecture. Mais pour y arriver, nous devons absolument accepter d’affronter nos propres fantasmes et nos propres peurs, comme Elie qui doit accepter d’affronter la reine Jézabel, Jésus qui se confronte au doute de penser n’avoir pas choisi les bonnes personnes comme disciples, ou alors Pierre et les disciples qui doivent naviguer, ramer, affrontant la mer et la violence du vent et des vagues.

Le prophète Elie a peur et meurt d’envie de mourir dans le désert. Mais tout en pleurant son sort, il se met en chemin. Sa victoire illusoire du sang versé de prêtres de Baal qu’il a fait exécuter n’a fait qu’empirer les choses. Non, maintenant qu’Elie est sur la montagne de l’alliance, il a compris que Dieu n’est jamais dans la violence. Il faudrait que toutes ces personnes, ces extrémistes de toute religion le comprennent bien : tuer au nom de Dieu, signifie profaner son nom parce que Dieu n’est pas dans la violence. C’est la leçon qu’apprend Elie sur le mon Horeb et qu’il nous fait comprendre dans la première lecture. Dieu n’est pas dans la violence, les incendies, les tremblements de terre, les inondations ou autres cataclysmes naturels… ! Il y aura toujours quelques fondamentalismes qui trouvera la punition de Dieu dans les cataclysmes naturels. Pour trouver Dieu, nous devons aller dans l’intime de nous-même, dans la brise du matin, dans la voix du silence. Nous ne savons plus écouter le silence ! Le silence de la brise légère est le lieu où nous rencontrons Dieu. Demandons la grâce d’aimer et écouter le silence.

L’autre enseignement de ce jour est la question des doutes au cœur de notre foi. Est-ce qu’un chrétien a droit d’avoir des doutes ? Un jour, nous avons rencontré le Seigneur sur notre chemin, mais rappelons-nous toujours que la foi n’est jamais totalement libérée des doutes, et heureusement d’ailleurs. On le voit dans ce récit de l’évangile ! On le voit aussi aux apparitions du Ressuscité. Les grands saints peuvent en témoigner avec leurs nuits obscures. Nous avons tous été confrontés à un certain moment à des questions et situations qui ont bousculé notre foi, des épreuves qui, s’ils n’ont pas réussi à tuer notre foi, l’ont quand même vachement secouée. Alors que nous étions convaincus d’avoir Dieu dans notre cœur, de le voir à nos côtés et tout d’un coup, à travers quelques événements douloureux, le Malin nous fait comprendre que Dieu est lointain, un fantôme, comme les disciples dans cet évangile ! Nous ne doutons pas de son existence, mais le Malin nous fait comprendre qu’il vaut mieux lui faire confiance plutôt qu’à ce Dieu qui ne se préoccupe guère de nos petites vies ! Alors, parce que fragiles et éprouvés, nous allons voir médium, les magnétiseurs, les marabouts, les guérisseurs, nous jetant progressivement, consciemment ou inconsciemment dans les filets du Diable.

Ne craignons pas d’avoir des doutes ! Une foi évidente, sans l’ombre d’un doute ne change pas notre cœur car il nous empêche de grandir spirituellement. Le doute invite à la recherche, la compréhension, à trouver des solutions, le sens des choses. L’Evangile d’aujourd’hui est plus théologique qu’historique. La barque est agitée et battue par les vagues des vents contraires. Cela veut dire que la barque était mise à l’épreuve, testée dans sa solidité. Il en est ainsi de notre de foi. Les épreuves nous font peur, mais elles nous aident à comprendre si notre foi est robuste, affermie, fondée sur le Seigneur, notre Rocher imprenable, ou alors si elle est construite sur du sable ou de la paille. Certaines épreuves affinent notre foi, comme on affine l’or ou le métal par le feu !
Quand les vagues nous submergent, quand tout autour de nous nous dit que nous avons échoué, il y a quelqu’un qui marche à nos côtés ! Jésus marche sur la mer agitée par la tempête et nous dit « Confiance, c’est moi, n’ayez plus peur ! » Pour Israël, la mer symbolisait tous les dangers et la mort, vrai cauchemar. En marchant sur les eaux agitées, Jésus rappelle qu’il peut vaincre les tempêtes de nos vies, les plus horribles de ces cauchemars qui nous angoissent, nous empêchant de vivre, de dormir, de vivre… La maladie, la mort d’un être cher, l’abandon, la solitude…. Jésus peut vaincre tout cela si nous lui faisons confiance !

Contemplons, pour terminer, Pierre qui veut, lui aussi marcher sur les eaux ! Comme nous, Pierre veut vaincre son cauchemar et les difficultés de la vie. Il prend son courage en main, fait les premiers pas, mais par la suite, il perd confiance et sombre dans la mer agitée. Le courage ne suffit pas pour vaincre les tempêtes de nos doutes. La foi de Pierre a besoin d’être affermi, de grandir. Pierre comprend qu’il lui faut, non pas une foi héroïque mais s’asseoir dans la barque avec les autres, ramer lui aussi, avec Jésus, pour porter ses frères sur l’autre rives de la mer.
Dans nos doutes et nos tempêtes, sachons toujours, comme Elie, dans le silence de notre cœur, écouter le murmure de Dieu qui nous parle en silence, nous appelant à la confiance. Demandons la grâce de la confiance dans les épreuves, la persévérance au milieu de nos tempêtes, le silence pour mieux écouter Dieu et le refus de toute forme de violence. Amen.