Mes chers frères et sœurs !
Après la multiplication des pains, la relation entre Jésus, la foule et ses disciples se complique et devient difficile. Mais, devant cette difficulté Jésus reste très courageux et refuse de se résigner. Attristé par la réaction de la foule rassasiée, Jésus entre dans une sorte de tension, un conflit ouvert avec la foule qui l’a rejoint. Il leur rappelle leur hypocrisie, leurs ventres bien remplis et les invite à travailler pour le pain qui donne la vie éternelle. Il s’insurge contre cette foule qui veut manger gratuitement et n’a aucune envie de se convertir. Les gens ont douté après le signe de la multiplication des pains en demandant d’autres signes. Ils ont mis en cause le fait que Jésus se proclame être le Fils de Dieu, prétendant être plus grand que Moïse. En affirmant « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement », Jésus choque et accepte un conflit ouvert. « Les Juifs se querellaient entre eux : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? »
Pour accéder au Père et avoir la vie éternelle, il nous faut nous nourrir de Jésus, de ses paroles, de son enseignement, le prendre pour modèle, au point de dire, comme saint Paul, « ce n’est plus moi qui vis, mais c’est le Christ qui vit en moi ». Cela nous permet de voir le monde et les autres avec les yeux même du Christ. Se rapprocher du Seigneur, écouter et méditer sa Parole, le prier en vérité change fondamentalement notre vie. Jésus devient alors notre pain quotidien, la nourriture qui nous fait vivre, le moteur qui nous permet d’avancer ! En nous nourrissant du Christ, nous devenons à notre tour nourriture pour les autres, pour faire face aux multiples et épineuses questions comme la pauvreté, la faim, la violence, la guerre ! C’est à nous de les résoudre, comme ce garçon qui avait donné son pique-nique lors du miracle de la multiplication des pains.
« En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson. » C’est l’élément délicat qui met en crise son auditoire et ses disciples. Jésus demande de nous nourrir de lui, de manger sa chair et boire son sang ! Sommes-nous appelés à devenir des cannibales ? C’est l’une des accusations portées contre les premiers chrétienspendant la persécution à Rome ? Le concept « chair » dans la tradition juive, signifie la plénitude de la personne. Il ne s’agit pas de nous nourrir seulement de sa Parole, de sa doctrine, mais de l’assumer dans sa totalité, même dans son aspect humain. Jésus se livre à nous totalement. Sa divinité est livrée à nous, totalement donnée dans l’eucharistie.
Le sang est le principe vital des êtres, ce qui les tient en vie ! Vous le savez, les juifs mangent seulement la viande kasher, des animaux dont le sang a été versé. En buvant son sang, Jésus nous donne son propre principe vital, son essence même. Manger la chair du Christ et boire son sang transfigure et divinise nos propres vies. C’est ce qui nous rend véritablement vivants, car même si nos corps sont appelés à dépérir, l’eucharistie nous plonge déjà dans l’éternité. « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. »
En écoutant cet évangile, comment ne pas penser à la dernière Cène ? Comment ne pas sentir dans ce discours le « faites ceci en mémoire de moi » prononcé à la veille de sa mort ? » Saint Jean n’a pas repris le récit de l’institution de l’eucharistie, préférant parler du lavement des pieds le soir de la Dernière Cène. Mais tout le chapitre 6 de son évangile est une véritable et profonde catéchèse sur l’eucharistie, sur le pain vivant.
Jésus parle de ce don simple mais intense qui nous invite à la foi, qui nous sort des habitudes ! Chaque dimanche, nous nous rassemblons pour répéter la Cène du Seigneur, un geste par lequel nous obéissons au Maître. Nous nous nourrissons du pain de la Parole et du pain eucharistique, nous gardons ce pain dans nos églises, dans le tabernacle, nous l’apportons aux malades. Nous nous mettons en adoration devant ce pain parce qu’en lui nous voyons en la présence réelle du Christ. C’est pour cette raisons que nous sommes là, rassemblés, parce que affamés, assoiffés de vie divine, de vie éternelle ! Nous avons un besoin de rassasier nos cœurs, nos âmes. Cela invite à croire finalement sans ambiguïté : croire de tout notre cœur et de toute notre âme que Jésus est là, présent, qu’il se donne totalement à nous dans son corps, sa chair qui est la vraie nourriture, son sang qui est la vraie boisson. Tel est le mystère de notre foi !
Réjouissons-nous de la chance que nous avons lorsque nous participons à l’eucharistie avec ferveur et foi. Nous n’en sommes pas dignes, mais c’est le Seigneur nous lui-même qui se donne à nous, par pure grâce, dans son infinie miséricorde. Alors, nourris et abreuvés par lui, il nous envoie aussi dans le monde pour devenir nourriture pour les autres. Si Jésus nous transmet sa vie, il nous invite aussi à transmettre et à donner sa vie au monde. Notre vie est appelée à devenir totalement eucharistique, c’est-à-dire donnée par amour aux autres et au monde. Une vie n’est féconde que si elle est donnée par amour. Si le Seigneur divinise nos vies dans l’eucharistie, c’est pour que nos vies soient les vecteurs de la vie même de Dieu partout où nous sommes, là où nous vivons !
« De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi ». Seigneur, nous te remercions de te donner à nous dans l’eucharistie. Donne-nous de vivre de toi et de nous donner à notre tour à nos frères et sœurs, dans l’Eglise et dans le monde. Amen.