Mes chers frères et sœurs !
Depuis quelques dimanches, nous avons été nourris par le chapitre 6 de l’évangile selon saint Jean qui est, comme je disais dimanche dernier, une véritable catéchèse eucharistique. Jésus nous y livre un enseignement sur le pain vivant descendu du ciel. Ce chapitre commence par le grand récit du miracle de la multiplication des pains. Aujourd’hui, Jésus nous appelle à un sursaut de foi car il nous demande de prendre position pour ou contre lui, décider de rester avec lui ou de partir comme les disciples dans l’évangile de ce dimanche.
Jésus ne nous retient pas ! Son message est exigeant et il nous faut sans cesse se décider de l’accueillir ou pas, donner son adhésion et s’en aller. Nous pouvons faire des discours sur Jésus, de thèses de théologie, faire partie d’une communauté… sans véritablement être disciple de Jésus…Un chrétien décide chaque jour de renouveler son oui à Jésus, Le choisit chaque matin dans l’obéissance de la foi malgré les péripéties éprouvantes de notre existence, le suit même quand il a du mal à certaines de ses exigences très dures à avaler dans les Evangiles, dans la Doctrine disciplinaire ou pastorales.
La foi est cette ouverture, cette décision inconditionnelle, à première vue irrationnelle, mais libre pour le Seigneur. Il n’est pas rationnellement possible de concevoir qu’un bout de pain puisse contenir le Fils de Dieu, Verbe Incarné. Il est difficile d’accepter une telle proposition contraire au bon sens de la raison humaine ! Ceci ne peut être possible que dans et par la Foi, si nous ouvrons notre cœur librement et spontanément au don que Jésus fait de lui-même, si nous ouvrons notre cœur et levons les yeux de notre cœur à ce mystère extraordinaire qui s’opère dans chaque eucharistie célébrée.
La foi est toujours un acte de courage, une aventure décisionnelle parce qu’elle comporte dans tous les cas un saut qualitatif comme celui d’Abraham, de la Vierge Marie, de Simon Pierre dans l’évangile d’aujourd’hui. Oui, se livrer totalement, faire confiance à Dieu peut être comparé à un saut dans le vide, mais en même temps, c’est à travers ce saut dans le vide, cette confiance dans les bras du Seigneur que nous faisons l’expérience de la certitude de son Amour. C’est un cercle vertueux paradoxal ! Comme on ne peut réaliser et bénéficier pleinement des bienfaits d’une piscine pendant la chaleur estivale qu’en décidant de s’y jeter, de même, on ne pourra bénéficier de l’Amour Infini que si l’on fait ce saut dans les bras de Dieu par la décision de la foi. En lui ouvrant notre cœur, Dieu se révèle à nous de manière progressive, simple, et parfois même foudroyante !
C’est ce saut de la foi qui manque aux disciples qui abandonnent Jésus dans l’évangile de ce dimanche. Ils l’abandonnent après avoir entendu de sa bouche un discours trop dur qui irrite ces bons juifs qui condamnent l’anthropophagie ou le cannibalisme : « Ma chair est la vraie nourriture et mon sang est la vraie boisson… Si vous ne mangez pas ma chair et ne buvez pas mon sang, vous n’aurez pas la vie en vous… ! » Une des raisons de la persécutions des chrétiens des premiers siècles, c’est qu’on les accusait d’être de cannibales parce qu’ils disaient manger la chair de Jésus et boire son sang lors de leurs célébrations eucharistiques dans les maisons et la catacombe ! Ce difficile discours sur le pain de vie se conclut donc par une fracture. Beaucoup n’y croient pas et s’en vont. « À partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de l’accompagner. Alors Jésus dit aux Douze : « Voulez-vous partir, vous aussi ? » Jésus veut que ses disciples prennent une décision pour ne pas rester avec lui sans être convaincu, juste pour faire nombre !
Encore une fois, nous nous appuyons sur la Profession de Foi de Pierre, comme à Césarée de Philippe quand Pierre professe la foi au nom de tous les autres apôtres. Pierre répondit « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu. » En professant sa foi, Pierre se sauve lui-même et sauve les autres qui ont choisi de rester avec Jésus, et il sauve aussi le choix de l’Eglise, de tous les disciples de Jésus. Un chrétien est celui qui a l’humilité de reconnaitre qu’il est capable de trahir le Seigneur, qu’il le trahit souvent en abandonnant de vivre des nourritures et moyens de salut qui nous sont donnés dans et par l’Eglise pour rester uni à Jésus. Car si nous ne sommes pas unis au Christ, sans manger son Corps et boire son sang à travers les sacrements et l’eucharistie, nous risquons de dépérir et de mourir à petit feu.
L’amour de Dieu, comme tout vrai amour ne s’impose pas. Il se donne, se reçoit et se construit progressivement. Jésus nous a offert sa vie dans le baptême et il continue à nous nourrir aujourd’hui encore à travers l’eucharistie et les autres sacrements. Il est dramatique de voir beaucoup de baptisés qui soient privés ou se privent eux-mêmes de l’eucharistie. Il est important de se nourrir en grignotant par la prière, l’oraison, la lecture de la Bible, réciter le chapelet et autres formes de prière. Cependant, ne nous contentons de ça : cela devrait nous conduire au repas eucharistique sans lequel nous risquons de dépérir.
Dans l’eucharistie, c’est-à-dire la messe, nous avons la présence même de Christ, nous y trouvons toutes les vitamines nécessaires pour vivre déjà de la vie éternelle, comme dit Jésus dimanche dernier : « qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ! ». Pensons à ces hommes et femmes qui témoignent de la force extraordinaire de l’eucharistie, comme Mgr Nguyen Van Thuan qui pendant 13 ans de détention communiste au Vietnam a trouvé sa force en célébrant l’eucharistie avec un bout de pain et une goutte de vin ou tous ces saints qui ont puisé leur force et construit toute leur vie sur l’eucharistie.
Les disciples qui abandonnent Jésus sont ceux qui, aujourd’hui encore, malheureusement, s’éloignent de lui Christ à cause des péchés et de la fragilité de l’Eglise pécheresse dans ses prêtres et fidèles laïcs, dans certaines de ses positions morales ou doctrinales ! Aucune raison néanmoins ne devrait nous couper de la grâce extraordinaire que Jésus nous donne dans l’eucharistie, source et sommet de la vie chrétienne. Seigneur Jésus, toi qui t’offres à nous dans l’eucharistie, donne-nous la grâce de ne jamais t’abandonner, de ne jamais nous couper de toi qui es la vraie Vigne dont nous sommes les sarments, car sans toi, nous risquons sûrement nous dessécher en nous privant de ton Corps et de ton Sang la vraie nourriture et la vraie boisson qui nous donnent la Vraie Vie. Amen