Mes chers frères et sœurs !

L’apôtre Pierre nous accompagne depuis les deux derniers dimanches. Nous l’avons rencontré dans ses douteslors de la marche sur le lac, lors sa profession de Foi à Césarée de Philippe, reconnaissant que Jésus est le Messie.  Aujourd’hui, nous constatons qu’il est totalement à côté de la plaque sur sa vision du Christ, du Messie. Pour Simon Pierre, comme pour les Juifs, le messie devait être fort, glorieux, identifié au nouveau grand roi, avec la mission de restaurer la gloire d’Israël en le libérant des dominateurs Romains.

Jésus explique aujourd’hui ce que veut dire pour lui être le messie et en quoi consiste sa mission. Être messie veut dire : aucune gloire, aucun pouvoir, aucun compromis ni de compromission ! Le Messie veut vivre à fond la mission que le Père lui a confiée et y rester fidèle.  Jésus explique que son choix est radical, et qu’il est plutôt disposé à mourir, en donnant sa vie sur la croix.

Ces explications  choquent terriblement les disciples qui sont atterrés. Il y a encore une heure, sur la route, ils faisaient un mini-sommet pour savoir comment ils allaient former le gouvernement, qui devait occuper le poste le plus important, se mettre à gauche ou à droite de Jésus, qui était le plus grand parmi eux. Matignon était déjà pris ! Pierre leur avait fait comprendre que ce poste-là lui appartenait déjà depuis sa profession de foi à Césarée de Philippe. Tous les calculs étaient faits, les accords signés, gouvernement révolutionnaire de combat était presque à pied d’œuvre ! Mais maintenant, Jésus leur parle de douleur, de souffrance et de mort. Ça ne va plus du tout ! Le Messie a certainement perdu le nord et il faut dans l’urgence faire quelque chose pour sauver le pouvoir.

C’est encore Pierre intervient ! Toujours le même ! Il prend Jésus à part, l’interpelle et lui fait une petite leçon de politique et de diplomatie : « Ecoute Jésus, il faut que tu changes de langage. En politique, la Com est importante. Il faut la soigner. Là, tu commences à tout brouiller le message et casser le moral des troupes ! Tu risques de te retrouver tout seul, avec des ministres démissionnaires si tu continues à envoyer de tels messages ». J’essaye de reformuler et d’actualiser le message de Pierre. Combien de fois nous aussi, nous essayons de faire la leçon au Seigneur en lui disant que faire, comment le faire, comment le dire, comment gérer le monde qu’il a créé. La réaction de Jésus ne se fait pas attendre ! Opération de recadrage ; Jésus interpelle Pierre en l’invitant à changer de mentalité et à redevenir disciple.

Nous aussi, très souvent, au lieu de nous mettre derrière, à la suite du Seigneur, comme disciple, nous le précédons en nous mettant devant lui pour que ce soit lui qui nous suive dans nos désirs et décision.  Au lieu de suivre le chemin que, lui, nous indique, nous voulons lui indiquer le chemin qu’il doit suivre : nous lui suggérons les solutions à nos problèmes, au lieu de lui de lui faire confiance. Nous prétendons ainsi que c’est à Dieu de devenir notre disciple. Combien de fois nous nous sommes fâchés contre Dieu parce qu’Il n’a pas réalisé ce que nous voulions ou désirions avoir. Le prophète Jérémie, dans la première lecture se comporte de la même façon. Il se plaint et se lamente contre Dieu. « Seigneur tu m’as séduit, et je me suis laissé séduire, tu m’as maîtrisé, tu as été le plus fort ». Jérémie voulait être le prophète annonçant que de bonnes nouvelles. Mais Dieu a voulu faire de lui un prophète un casse-pied détesté de tous, même de sa famille. Jérémie en a eu marre et a voulu tout laisser tomber. Mais il est revenu à la source de sa vocation et s’est rappelé l’Amour de ce Dieu qui l’avait séduit et à qui il n’a pas pu résister. Il comprend qu’il doit poursuivre sa mission, mais comme Dieu veut.

Après avoir recadré Pierre, Jésus en profite pour préciser ce qu’il attend des disciples, de nous, sans nous caresser dans le sens du poil en nous faisant de la démagogie, de la publicité mensongère, du marketing professionnel comme un chasseur des têtes ou un RH voulant séduire les candidats qui postulent en nous disant : « Vous allez voir, c’est super ! Ce poste est vraiment fait pour vous. Vous allez vous éclater professionnellement avec cette mission passionnante, dans cette entreprise à la pointe. Vous aurez de la promotion chaque année, et une augmentation de salaire tous les 6 mois, des RTT, des vacances en famille payées par le CE. Cool n’est-ce pas ? ».

Non, Jésus ne promet pas la facilité à ses disciples faciles et sa proposition d’embauche est lourde à assumer. Il nous dit « Tu veux être mon disciple, tu veux travailler pour moi. C’est parfait ! Mais voilà, cher ami, ma proposition d’embauche se résume en trois impératifs: Il va falloir que tu « renonces à toi-même », que tu « portes ta croix » et que tu « me suives».

Cela veut dire qu’un chrétien doit renoncer à la tentation de vouloir être toujours le centre de l’univers, renoncer cette tentation de vouloir prendre les meilleures places à tout prix, pour être vu et être. Le chrétien est convaincu d’être unique, spécial, précieux, aux yeux de Dieu et n’a pas besoin de se battre pour le démontrer ou le prouver aux autres. Nous sommes chacun infiniment précieux aux yeux de Dieu. Au lieu de se battre pour le pouvoir en écrasant les autres, un chrétien est appelé à prendre cœur le bonheur de ceux qui sont autour de lui, jusqu’à mettre en jeu sa propre vie par amour pour les autres, les faire rentrer dans le Royaume. Ma vocation de prêtre trouve son origine dans le témoignage vivant d’un prêtre missionnaire qui a failli perdre sa vie, au cours d’une terrible nuit de guerre, pour sauver, mes camarades et moi à l’internat du lycée, alors qu’il aurait pu facilement se barricader dans son couvent bien protégé. Mais ce missionnaire a voulu en sortir pour sauver la vie de quelques dizaines lycéens sous la responsabilité. C’est cela suivre le Christ : risquer sa vie par amour !

Toi aussi au lieu de chercher la gloire à tout prix, prends ta croix. Ne crains pas de souffrir par amour, d’aimer jusqu’à te perdre !  Le chrétien s’attache au Christ, jusqu’à la croix qui est la mesure de l’amour qui se donne jusqu’au bout. Dieu ne nous demande pas de souffrir mais d’aimer en vérité. Et vous savez par expérience qu’aimer signifie parfois accepter de souffrir. Jésus nous le montre sur la croix, en nous aimant jusqu’au bout.

Cet amour fou qui se donne jusqu’au bout, Dieu nous dit que nous pouvons le vivre avec lui dans nos maisons, nos vies familiales, professionnelles parfois blessées, nos missions ecclésiales et associatives parfois ingrates. Cet évangile exigeant à la fin de nos vacances est un envoi qui nous lance en cette rentrée en nous rappelant que, tout ce que nous serons, ferons, vivrons, chercherons dans notre vie paroissiale et personnelle, ce n’est rien d’autre qu’être vraiment à la suite du Christ et lui laisser la première place dans notre vie ! Amen