Mes chers frères et sœurs

Nous sommes en période de rentrée ! Vous ne pouvez imaginer à quel point cela me stresse depuis des semaines pour que tout se passe bien avec tout ce qui doit être mis en place et accompagner dans nos paroisses. Vous ne vous rendez pas compte parce que je cache bien mon jeu pour ne pas faire paniquer, mais quelqu’un m’a dit un jour que j’étais hyperactif !  Conséquence : je peux stresser le monde autour de moi !

Mais, au lieu de parler de moi, ne sommes-nous pas tous, volontairement ou involontairement, consciemment ou inconsciemment, victimes de ce rythme, de cette philosophe, de cette manière d’être et de faire qui nous stresse au quotidien, qui nous angoisse, en nous poussant à nous dépasser, à viser toujours plus haut, plus grand, à faire des conquêtes, à rassembler et amasser les trophées et des médailles,  à être toujours plus performants, les meilleurs compétiteurs, même s’il faut pour cela écraser les autres pour conquérir ces premières places dans la société, dans le sport, au travail, la vie de couple, en famille? Nos enfants sont déjà victimes de cela dans le monde scolaire. Demandez à ceux qui font prépa à Fermat ou au lycée Saliège avant de passer les concours d’admission pour la meilleure des écoles.

Nous avons vécu un pèlerinage vendredi lors de la Journée diocésaine de Lourdes. Notre archevêque, Mgr de Kerimel nous a appelés, à marcher ensemble, dans l’unité, la fraternité, la communion en vue de la mission. Cette recommandation est importante parce que, malheureusement, dans l’Eglise et dans nos petites communautés paroissiales, nous ne sommes pas vaccinés contre cette rivalité et soif des premières places que décrit Jésus dans l’évangile.

Jésus parle d’une tentation qui n’est pas le vice d’une époque révolue de l’histoire, mais bien flagrante à notre époque. Cela est inscrit dans la nature même de l’être humain, parce que nous sommes fils et filles d’Adam et Eve. L’humain est dominé plus ou moins par le premier des 7 péchés Capitaux qui s’appelle l’orgueil. A l’époque de Jésus comme aujourd’hui encore, l’esprit de compétition avait ses fauteurs et faisait ses victimes. Avant de parler de l’orgueil comme péché capital, je reconnais que le progrès dans lequel nous vivons aujourd’hui est, d’une certaine manière, le fruit positif de la compétition entre les personnes et les nations. Cette compétition est donc, de ce point de vue, un moteur efficace pour le développement et progrès dans plusieurs domaines. Je pense en particulier aux facilités que cela provoque au niveau technologique et médicale.

Cependant, reconnaissons aussi que l’esprit de compétition a fini par nous obséder presque tous, que ce soit sur le plan personnel, communautaire, national et international. Même dans l’Eglise, à quelque échelle que ce soit, dans les communautés comme dans la hiérarchie, nous sommes victimes des rivalités.

Dans la société, notre jugement sur les personnes et sur les peuples est conditionné par ce critère.  Nous apprécions et admirons facilement les atouts et capacités de celui ou celle qui a bien réussi à se mettre en vue. On admire, même quand on ne l’aime pas, le fin politique Emmanuel Macron, la stratège Marine Le Pen. On se moque d’Eric Zémmour qui s’est fait laminer aux élections alors qu’il se voyait déjà à l’Elysée. Certaines pratiques et stratagèmes fourbes, malhonnêtes, la tricherie, les « tous les coups sont permis », attitudes arrivistes… sont admirées dans la mesure où elles nous ont permis d’atteindre notre but, même si cela a laissé des millions des malheureux et écrasés au passage. En d’autres mots, celui qui a réussi, qui domine a toujours raison. La quête des premières places a en soi un côté pervers que la société nous empêche de voir.

C’est « l’orgueil », ce péché capital qui nous habite tous, vous et moi, qui est la racine de tout cela. Et cette rentrée pastorale, pouvons-nous travailler et demander la grâce de l’humilité. On ne guérit de l’orgueil que par l’humilité. C’est cela que nous apprend le Christ à travers le mystère l’incarnation « Ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. Que chacun de vous ne soit pas préoccupé de lui-même, mais aussi des autres. »  (Phil 2, 3-4). C’est le témoignage que le Christ au lavement des pieds le jeudi saint : « Après leur avoir lavé les pieds, il reprit son vêtement et se remit à table. Il leur dit alors : « Comprenez-vous ce que je viens de faire ? Vous m’appelez ‘Maître’ et ‘Seigneur’, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous » (Jn 13, 12-15).  La Vierge Marie, dans son chant du Magnificatreconnait nous rappelle que le Seigneur élève les humble et disperse les orgueilleux.

Toute la vie de Jésus a été fondée sur le choix de l’humilité, des dernières places.  N’oubliez pas qu’on voulait faire de lui un roi « A la vue du signe que Jésus avait accompli, les gens disaient : « C’est vraiment lui le grand Prophète, celui qui vient dans le monde. » Mais Jésus savait qu’ils étaient sur le point de venir le prendre de force et faire de lui leur roi ; alors de nouveau il se retira, tout seul, dans la montagne. » (Jn 6, 15-15). Chaque disciple de Jésus est appelé à entrer dans la dynamique de l’incarnation, en imitant Dieu qui s’est abaissé en devenant l’un de nous, pas pour nous écraser, mais pour nous élever en nous faisant participer à sa grande dignité divine.

C’est cette grâce que nous allons demander au Seigneur : Qu’il vienne nous guérir de notre orgueil, de cet orgueil subtil et sournois qui se manifeste dans le désir et le besoin légitimes que nous avons d’être reconnu, de recevoir des remerciements pour les services que nous rendons en communauté ou en de famille, la gratitude que nous réclamons de nos amis, les parents, les collègues de travail….

Jésus nous dit qu’un disciple doit servir sans rien attendre de retour, car sa vraie récompense vient de Dieu qui voit tout ce que nous faisons dans le secret. Demandons au Seigneur de nous aider à vaincre en nous les rivalités et les jalousies sournoises qui nous hantent parfois car nous sommes tous embarqués dans le même bateau dont le Christ est le capitaine : peu importe la place que nous occupons dans la barque : l’important est d’y être avec les autres.

Seigneur, en cette nouvelle année pastorale, nous voulons nous mettre à ton école. Apprends-nous l’humilité. Donne-nous la grâce d’être une communauté accueillante et missionnaire. Donne-nous la grâce de servir, de nous engager, généreusement, mais discrètement, sans chercher à occuper les premières places dans le monde. Amen.