Mes chers frères et sœurs, chers paroissiens !

L’évangile proposé par l’Eglise en ce dimanche de notre rentrée paroissiale est une invitation à méditer ce lien tellement paradoxal mais ô combien fondamental entre la croix et la gloire.  La providence divine a voulu que cet évangile soit lu et médité ce dimanche, alors que mardi, le 14 sept, nous allons célébrer la fête de la Croix Glorieuse et mercredi 15 sept ( une petite pensée à la communauté de la Croix glorieuse de la paroisse de l’Immaculée conception qui a fêté 40 ans d’existence qui a fêté hier samedi) ; nous célébrerons ensuite la fête de Notre-Dame des Douleurs, occasion pour nous de confier à la Vierge Marie les croix plus ou moins lourdes que nous portons ou devons porter dans nos vie personnelle, professionnelle, familiale et ecclésiale….  Dans la tradition biblique, la croix est l’instrument de l’extrême humiliation. Dans le judaïsme, c’est scandaleux de concevoir un Dieu crucifié.  Pourtant, avec Jésus, la croix devient l’étape nécessaire d’élévation et de glorification pour les chrétiens. « Si nous souffrons avec lui, si nous mourons avec lui, avec lui nous vivrons, avec lui nous régnerons », rappelle saint Paul. Soren Kierkergaard, un philosophe et théologien protestant Danois que j’aime beaucoup, dit dans un de ses ouvrages que l’on ne peut concevoir, envisager, penser une vie « authentiquement chrétienne sans la dimension de la croix »

Pourtant, nous venons de l’entendre de l’évangile, Simon Pierre, le premier des apôtres, a du mal à accepter cette voie que Jésus lui-même a choisie pour nous sauver. En s’adressant aux disciples marchant derrière lui et qui autour de lui à Césarée de Philippe, c’est à nous paroissiens de l’ensemble paroissial de Tournefeuille que Jésus s’adresse et interroge sur la connaissance qu’ont les gens de lui et que nous avons-nous-mêmes de lui. « Chemin faisant, il interrogeait ses disciples : « Au dire des gens, qui suis-je ? »

Il ne s’agit pas du tout de cette curiosité, qui trouve sa source dans notre orgueil et qui nous pousse à savoir tout ce que les gens peuvent sur nous, ce qu’ils disent de nous, quelle opinion, quel jugement ils portent sur nous. D’ailleurs, vous remarquerez que Jésus ne demande pas « ce que » les gens disent (quoi). Il s’agit « de qui il est », de son identité profonde.  Voyez bien la différence entre « qu’est-ce que les gens disent de moi » et « qui suis-je aux dire des gens ? ». Dans sa question, Jésus veut rencontrer les gens sur le terrain de leurs convictions, ce qu’ils croient vraiment. C’est sur le terrain de nos convictions profondes que le Seigneur veut nous rencontrer pour nous montrer qu’il s’intéresse à la personne, et non pas à l’idée ou l’opinion que nous pouvons avoir de nous-même ou des autres. Dans la vie de nos paroisses, nous ne pouvons pas annoncer le Christ aux gens que nous rencontrons ou qui frappent aux portes de nos maisons, presbytères et églises si nous ne cherchons pas à savoir qui ils sont réellement, quelles convictions font vivre et fait bouger leur vie.

En cette année nouvelle où nous sommes encore appelés à grandir dans la dimension missionnaire, Jésus nous rappelle que c’est lui que nous devons suivre et annoncer, mais en partant des convictions des gens que nous rencontrons. Les apôtres répondent : « Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres, un des prophètes. » La réponse donnée par les apôtres est, dans une certaine mesure, comparable à ce que nous entendons souvent. Pour beaucoup de gens que nous rencontrons, Jésus est parfois considéré comme un grand homme, un prophète, (même les musulmans reconnaissent Jésus est un prophète !) quelqu’un qui sort du lot, presque superman, un grand personnagede l’histoire de l’humanité. J’ai même entendu, de mes propres oreilles, dans un autre ensemble paroissial, une catéchiste qui parlait aux enfants de Jésus comme d’un homme extraordinaire qui a fait beaucoup de bien, porteur de grandes valeurs, des super-pouvoirs pour faire des miracles, qui a fait tellement de bien aux gens, qu’il nous faut imiter… mais cette brave catéchiste avait du mal à leur dire et expliquer que Jésus est Dieu, comme le Père !

Quand vous lisez les Actes des Apôtres, lorsque Pierre et les autres apôtres commencent leur mission, le contenu de leur message, qu’on appelle le Kérygme, « c’est que Jésus, cet homme juste qui n’a fait que du bien, il a été condamné injustement, a été crucifié, est mort en croix, mais il est ressuscité, c’est lui le Christ, le Sauveur, nous en sommes témoins ». Dans tous nos services, groupes et mouvements, c’est cela qui doit être le contenu de notre message et de notre témoignage. Nous pouvons faire des choses tellement gentilles et sympathiques dans toutes les pastorales, catéchèses et préparation sacramentelle, mais si nous n’annonçons pas que Jésus est le Christ, le Sauveur, nous passons à côté du cœur du message chrétien.

« J’ai la foi, j’ai mes croyances, même si je ne vais pas à la messe, je suis croyant, mais pas pratiquant ! » Voilà un refrain que j’entends à longueur des journées ! En cette rentrée pastorale, nous pouvons demander la grâce de passer de cette foi conceptuelle, un peu hasardeuse à une réelle rencontre personnelle avec la personne Jésus. C’est cela que nous sommes appelés à vivre pendant cette année pastorale qui commence : grandir chaque jour dans la rencontre et la connaissance avec Jésus, aller chercher et accueillir nos frères et sœurs qui s’approchent de l’Eglise pour qu’ils grandissent et approfondissent leur propre relation personnelle avec le Christ en le découvrant à vraiment l’œuvre dans leur vie.

C’est facile de mettre des étiquettes sur les autres, de les enfermer dans une boîte parce qu’on entend dire ceci ou cela.  On ne peut pas connaître l’autre et savoir qui il est si l’on n’a pas fait l’effort d’entrer véritablement en relation avec lui. Une communauté paroissiale comme la nôtre, risque toujours de s’appauvrir si nous n’accueillons pas, si n’allons pas vers les autres, à la rencontre de l’autre pour l’accueillir, pour découvrir qui il est vraiment.  Il est vrai que rencontrer et accueillir en vérité est couteux et demande fournir des efforts… Mais celui qui fait le choix de la rencontre vraie et de l’accueil authentique découvre tout le trésor que l’autre peut lui apporter. Nous nous trompons très souvent sur le Seigneur, sur les gens, les membres de la communauté, nos voisins de palier, de l’immeuble, du quartier ou du village, les membres de nos équipes, parce que nous n’avons pas fait le choix de les rencontrer et de les connaître vraiment. Ce qui vaut pour ceux qui nous entourent dans nos communes, communautés et équipes, vaut aussi pour notre relation avec le Seigneur.

Un baptisé qui n’a pas encore tissé une relation personnelle avec Jésus ne peut pas se dire chrétien. C’est pour cela que Jésus vérifie si ses disciples le connaissent, au-delà des sondages d’opinions. C’est pourquoi il les interroge pour avoir une réponse personnelle et engageante : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » C’est beau d’entendre Simon Pierre toujours spontanée dans ses réponses, confesser : « Tu es le Christ ». Il dit la vérité. Jésus est le Christ, le Messie. Mais là encore, les disciples, et Pierre en particulier, doivent grandir dans leur foi. Pour les juifs, le Messie qu’il attendait devait être puissant pour les libérer de la domination des oppresseurs Romains.

Jésus profite donc de la révélation de son identité par Pierre pour parler à ses disciples de sa croix, sa mort et sa Résurrection. Pierre, qui venait de faire une belle profession de foi refuse le projet de Jésus qui passe par la Croix. Lui qui avait abandonné son bateau de pêche et ses filets pour suivre Jésus, le voilà qui veut prendre la place de son maître. Pierre n’accueille pas le projet du Christ parce qu’il veut une gloire sans épreuve, sans souffrance ni douleur ! On ne peut pas réussir sans travailler, obtenir un succès sans faire efforts. Ca vaut pour le travail, les études, les affaires… et sa vaut aussi pour la sainteté, pour la mission dans l’Eglise.   Pierre veut décider à la place de Jésus et se permet même de lui donner des leçons de morale, de recadrer le Messie dont il vient de professer la foi : « Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches : non Seigneur, cela ne t’arrivera pas ». Combien cela nous arrive souvent.

La réponse de Jésus à Pierre s’adresse à nous aussi en cette rentrée paroissiale : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » Notre place est derrière le Seigneur, et notre mission est de Le suivre, d’emboiter ses pas en non pas de prendre sa place.  Pape, évêque, vicaire épiscopal, curé de paroisse, vicaire, prêtre, diacre, membre de l’EAP, fidèle laïc, responsable de tel service, groupe, mouvement … nous sommes tous disciples, c’est-à-dire, tous derrière le Christ qui nous appelle à le suivre au service de la mission d’annonce de la Bonne Nouvelle.  Méfions-nous car les apôtres de Jésus, dont le premier, Simon Pierre, ont été attiréspar le pouvoir, la gloire facile sans passer par la croix, le simple chrétien comme vous et moi, n’est pas vacciné contre la tentation du pouvoir dans l’Eglise à tout niveau, et même au niveau d’une paroisse.

En ce début d’année pastorale, la remontrance de Jésus à Pierre est un appel à la conversion pour chacun de nous. « Passe derrière-moi Satan ! »  De grâce, chers confrères et chers paroissiens, ne donnons jamais à Satan la possibilité de se glorifier au sein de notre communauté en semant le trouble, en cherchant le pouvoir, en créant des divisions ou des clans, en construisant des murs et barrières entre-nous, en répandant des mensonges, en refusant d’accueillir l’appel et le projet de Dieu comme tente de le faire Pierre dans l’évangile de ce dimanche. Que toute notre communauté dans son ensemble, et chacun de ses membres, nous accueillons ces paroles de Jésus pour en faire notre programme de communauté : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera. » Être chrétien, c’est suivre le Crucifié, Serviteur portant sa croix, mais Vainqueur et Victorieux de la Croix et de la Mort par son Amour. Que le Seigneur nous donne la grâce de nous mettre au service les uns des autres, dans la gratuité généreuse de notre présence et de nos engagements pour la mission. Amen