Mes chers frères et sœurs !

Dimanche dernier, lors de notre belle rentrée paroissiale, nous avons médité sur la première annonce de sa Passion par le Christ à ses disciples. Cela se passait dans la ville de Césarée-de Philippe. Une semaine plus tard, Jésus nous fait une deuxième annonce de sa Passion. Mais pourquoi ? Quel besoin avait-il de faire de nouveau une annonce de sa Passion ? Voulait-il déprimer ses disciples en leur parlant de ses souffrance, mort et résurrection à venir ?  En effet, si Jésus fait une nouvelle annonce de sa Passion, cela veut dire que la première annonce, celle de Césarée-de-Philippe n’a pas suffi ! Vous vous rappelez qu’après que Jésus ait annoncé sa Passion dimanche dernier, Simon Pierre,assoiffé de pouvoir et de gloire sans effort, avait reproché à Jésus de prendre un chemin d’humiliation, au lieu de suivre celui du pouvoir et de la gloire. Nous nous rappelons le recadrage, quand Jésus remet Pierre à sa place en le qualifiant de Satan car il refusait le projet de Dieu. Ensuite, Jésus s’adressa à Pierre et à nous tous en nous disant : « Celui que veut être mon disciple, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ».

Dans l’évangile d’aujourd’hui, Jésus est toujours en route vers Jérusalem. Il traverse la Galilée comme un inconnu, il évite les foules, les scribes et les pharisiens parce qu’il veut se consacrer exclusivement au service du petit groupe d’apôtres, son staff, son conseil de groupe, appelé à partager avec lui toute sa mission. Il veut créer la cohésion dans le groupe. Il veut que dans son équipe, les gens aient des relations fraternelles et confiantes. Quand on travaille en équipe, en groupe, on ne peut pas se contenter d’être simplement des individualités juxtaposées. Il faut qu’il y ait des relations fraternelles, conviviales, de cohésion de groupe, la connaissance mutuelle des qualités et limites des uns et des autres. Une équipe de rugby, de foot, de basket, ou une autre équipe où les joueurs ne se connaissent pas, où chacun ne pense qu’à soit …est vouée à perdre tous ses matchs. Un groupe scout où chacun « se la joue solo » ne peut pas grandir.

C’est pour cette raison que Jésus s’attelle à former une vraie équipe des disciples missionnaires. Il sait qu’après sa mort, c’est cette équipe qui poursuivra la mission d’annoncer sa mort et sa résurrection, en partant de Jérusalem pour atteindre les extrémités du monde. Jésus leur ouvre son cœur et les fait entrer dans son intimité, leur partage le poids de ce qu’il porte en ce moment : « il enseignait ses disciples en leur disant : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera.» Il y a beaucoup de tristessedans les paroles de Jésus, mais il y a aussi beaucoup de confiance.

C’est la deuxième annonce de la Passion, et comme pour la première, les disciples ne comprennent toujours rien. Ils ne posent pas de question.  On dirait que cela ne les touche pas. Ils sont ailleurs, à l’ouest ! Leur intérêt est ailleurs ! Imaginez que vous vous vivez une grosse épreuve, et que vous vous confiez, presque en larmes à quelqu’un lui disant ce qui vous pèse, et lui, devant toi, tu le vois envoyer des textos sur son portable, comme si ce qui te fait souffrir ne le touchait pas.  Mercredi matin, un fidèle d’une paroisse de Toulouse m’appelle pour me partager ses difficultés à avec son curé qu’il trouvait un peu raciste dans ses attitudes. J’ai longuement écouté la personne, évitant d’alimenter ses ressentiments. A un certain moment, j’ai dû lui dire : « Bon courage vraiment ! » et la personne qui m’interpelle en me disant : « Père Joseph, c’est tout, j’ai besoin que tu me dises quelque chose s’il te plait. Son interpellation a permis à ce que je lui donne quelques conseils, lui suggérant surtout de prendre le téléphone pour prendre rendez-vous avec son curé et pouvoir échanger et lui expliquer son ressenti basé sur des faits.  En terminant, je lui ai dit que nous allions ensemble confier sa douleur à Notre-Dame de Douleur que nous fêtions mercredi. Il parait que cela lui avait fait beaucoup de bien ! Exprimer sa douleur devant quelqu’un qui ne semble pas être touché, cela la douleur plus éprouvante encore !

Les disciples ne comprennent pas, mais ils ne posent aucune question. On dirait qu’ils s’en fichent complétement. Ils pensaient à autre chose : au pouvoir, à leur positionnement. Qui va être le candidat du PS, des verts, des Républicains ? Qui sera le prochain président de la République ? Macron ? Marine Le Pen, Mélanchon ? Xavier Bertrand ? Valérie Pécresse, ect…? Nous y sommes presque actuellement avec les échéances électorales à venir.Pendant qu’il leur parlait de cohésion, d’esprit d’équipe, de don de soi, d’attention à l’autre, de solidarité, de renoncement pour le bien du groupe… Jésus découvre la triste réalité de la soif du pouvoir et des divisions parmi ses disciples. En effet, sur la route, les disciples se disputaient pour les premières places. « Ils arrivèrent à Capharnaüm, et, une fois à la maison, Jésus leur demanda : « De quoi discutiez-vous en chemin ? » Ils se taisaient, car, en chemin, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand. » Ils ont essayé de faire leurs petits arrangements, en cherchant comment se partager le pouvoir… en excluant Jésus de leurs négociations… mais ça n’a pas marché. L’amitié et les alliances basées sur le pouvoir et les intérêts ne durent jamais. Vous n’avez qu’à regarder ce qui se passe dans les partis politiques : les alliances se font et se défont selon les intérêts du moment et on peut facilement retourner sa veste, se donner au plus offrant. Aujourd’hui je suis de gauche, demain de droite, après-demain d’extrême droite, selon où souffle le vent et les sondages du moment….

Telle est la douloureuse expérience de Jésus, entouré des gens assoiffés de pouvoir. Ils ont fait leurs arrangements, ont voulu l’exclure, ils se sont disputés et à présent ils boudent, personne ne veut parler à l’autre.  Jésus s’approche d’eux et leur pose la question qui fâche : « Expliquez-moi la cause de votre dispute en chemin, pourquoi vous boudez les uns contre les autres ». Tous sont muets et personne n’ouvre la bouche. Embarrassés, ils ont tellement honte de leur comportement. Certains auraient peut-être que Jésus se fâche à son tour pour leur remonter les bretelles ! Mais, avec docilité et amour, Jésus profite de ce malaise pour apprendre à ses disciples le sens de la mission et de la responsabilité évangélique : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » Pour Jésus, l’autorité consiste dans le service. Servir, toujours servir ! Il le montrera plus tard au lavement des pieds ! : « Vous m’appelez maître et Seigneur et vous avez raison car vraiment je le suis. Si moi, maître et Seigneur je vous ai lavé les pieds, c’est pour que vous fassiez de même les uns aux autres ».

Pour Jésus, le vrai pouvoir consiste à ne pas en avoir, comme un enfant qui obéit (il s’agit d’un enfant à l’âge où il ne dit pas non à tout »). Le vrai pouvoir est l’amour parce que l’amour n’a ni pouvoir ni domination sur les autres. Dans le monde, avoir le pouvoir, c’est manipuler les autres, les avoir sous contrôle, les maîtriser autour de soi. Le pouvoir se fait sentir. Le pouvoir, c’est parfois faire du chantage, comme l’enfant qui fait plier les parents à ses désidératas à force de pleurer et de crier. Le pouvoir, c’est parfois faire la victime, « on m’en veut, personne ne m’accueille, personne ne m’aime ! ». Le pouvoir, c’est parfois humilier les autres, les rabaisser en pointant leurs limites et faiblesses : « T’es vraiment un incapable ! Ce travail qui t’a pris une semaine, vois que je l’ai fait en une soirée ! » Tel est le pouvoir du monde !

Aujourd’hui, Jésus nous demande de passer du pouvoir à l’amour, car l’amour vrai n’a pas de pouvoir. L’amour rend service et est sans orgueil. Seigneur donne-nous de mettre du cœur, c’est-à-dire, de l’amour dans les missions et responsabilités qu’il nous a confiées, de servir sans rien attendre en retour, à donner sans compter, comme dit la prière scoute, quel que soit le niveau de notre responsabilité en Eglise, en paroisse, dans le mouvement, en famille, en société. Amen.