Mes chers frères et sœurs !
Dans la tradition religieuse juive, on recite chaque jour une prière appelée le « Shema Israël ! », c’est-à-dire « Ecoute Israël ». C’est comme le crédo pour les catholiques ! Cette prière est donnée dans la première lecture et l’évangile de ce dimanche : « Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’Unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. Ces paroles que je te donne aujourd’hui resteront dans ton cœur. Tu les rediras à tes fils, tu les répéteras sans cesse, à la maison ou en voyage, que tu sois couché ou que tu sois levé ; tu les attacheras à ton poignet comme un signe, elles seront un bandeau sur ton front, tu les inscriras à l’entrée de ta maison et aux portes de ta ville » (Dt 6, 4-9). Ce texte est le sujet de l’échange entre Jésus et un scribe dans l’évangile.
En étudiants la Torah, c’est-à-dire la Loi de Moïse, constituée par les 5 premiers livres de la Bible, appelée aussi le Pentateuque, les spécialistes juifs en avaient tiré plus de 600 préceptes plus ou moins importants les uns que les autres. Dans ce code de la Loi, les Dix Commandements donnés à Moïse étaient les plus importants. Pouvez-vous retenir 600 préceptes et s’en rappeler dans son comportement quotidien ? Ces préceptes sont pourtant le trésor législatif et religieux des juifs à l’époque de Jésus.
Etant donné la difficulté d’assumer et hiérarchiser ces 600 préceptes, le scribe de l’évangile de ce dimanche veut aller à l’essentiel. Il voudrait observer fidèlement l’essentiel et la substance de la Loi. C’est pour cette raison qu’il demande à Jésus quel est le principal commandement. Jésus lui répond en citant le « Shema Israël » qui souligne que le premier devoir du croyant est d’aimer Dieu de toute son âme, son cœur, son esprit et ses forces.
Mais Jésus ne s’arrête pas là ! Il ajoute immédiatement quelque chose qui ne lui est pas demandé, un deuxième commandement : « Et voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. » Par ce complément de réponse, Jésus rappelle le lien étroit et indissociable entre l’amour de Dieu et celui du prochain. C’est le cœur de morale chrétienne ! Chaque être humain est appelé à aimer Dieu, comme réponse à l’amour que Lui, le premier, a reversé et déverse dans cesse en nous.
Aimer Dieu signifie le respecter, l’honorer, faire sa volonté, en particulier en aimant ceux que Lui-même aime, c’est-à-dire, tous ses enfants, nos prochains, nos frères et sœurs dont il est à la fois le Créateur et le Père. « Voici en quoi consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés, et il a envoyé son Fils en sacrifice de pardon pour nos péchés. Bien-aimés, puisque Dieu nous a tellement aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres. Dieu, personne ne l’a jamais vu. Mais si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et, en nous, son amour atteint la perfection » (1Jn 4, 10-12)
Celui qui n’aime pas son prochain ne peut pas prétendre aimer Dieu. C’est l’amour du prochain rend crédible notre amour pour Dieu. Sans l’amour du prochain, notre foi, notre amour pour Dieu reste finalement quelque chose de purement conceptuel et cérébral. C’est cela que souligne saint Jean : « Si quelqu’un dit : « J’aime Dieu », alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas. Et voici le commandement que nous tenons de lui : celui qui aime Dieu, qu’il aime aussi son frère. » (1Jn 4, 20-21).
Je revois encore une scène qui m’a maqué il y a quelques années : un enfant de 5 ans qui, lors d’une messe, était heureux donner le geste de paix à ses voisins. Il s’est retourné, grand sourire aux lèvres, pour donner la paix autour de lui… Quelle fut sa déception de voir le paroissien qui était à sa droite refuser de lui serrer. Vous savez pourquoi ? Pour le paroissien, au moment du geste de la paix, le Christ est déjà présent dans le pain et le vain consacré…. et qu’il ne fallait plus faire du bruit, mais se mettre à genou, aimer et adorer le Seigneur présent sur l’autel. C’est cela la contradiction entre penser aimer Dieu et manquer d’amour pour son prochain, un petit enfant qui découvre encore la dimension ecclésiale de l’eucharistie.
Celui qui n’aime pas le prochain ne peut en réalité aimer Dieu, et celui qui n’aime pas Dieu ne trouvera jamais les motivations les plus fortes pour aimer le prochain. Quand Dieu nous remplit d’amour, cet amour déborde et doit se déverse sur ceux qui nous entourent. C’est un binôme que nous sommes appelés à tenir.
Mais alors, en quoi consiste l’amour du prochain ? Cela ne signifie pas tout accepter, tout avaler, mais tirer l’autre vers le haut et chercher son salut et non pas le garder dans ce qui risque de le perdre. Aimer le prochain, c’est aussi vivre les béatitudes entendues à la Toussaint : être pauvre de cœur, être doux, être artisan de paix… Aimer, c’est aussi incarner certaines paraboles, comme celle du Bon Samaritain, le Jugement dernier dans l’évangile de Mt : « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ». L’amour est concret !
Pour aimer l’autre, il faut le connaitre. Alors, cherchons à connaitre le Seigneur un peu plus chaque jour pour mieux l’aimer. Pour aimer le prochain, il nous faut nous approcher de lui, comme le bon samaritain qui se penche sur le mourant tombé entre les mains des brigands. Seigneur, donne-nous de chercher à te connaitre pour mieux t’aimer et aimer en vérité notre prochain. Amen.