Homélie du Père Joseph de la Veillée Pascale, année B (2021)
« Ne soyez pas effrayés ! N’ayez pas peur ! » Ce sont là les paroles que l’ange adresse à Marie-Madeleine, Marie, Mère de Jacques et Salomé ! Plus tard, c’est un pape polonais, devenu saint Jean Paul II, fraîchement élu comme successeur de Pierre à Rome qui s’adresse aux catholiques en leur disant : « N’ayez pas peur ! Ouvrez-largement les portes au Seigneur ! » La peur ! Dieu sait quels ravages la peur est capable de faire dans notre vie. La peur est intrinsèque à la vie humaine. Le philosophe théologien protestant Danois Sören Kierkegaard dit que l’angoisse, la peur est quelque chose d’ontologique, d’existentiel ! Nous vivons de nos peurs. Peur de vivre, de ne pas vivre, peur de combien de temps il nous reste à vivre. Elle est irrationnelle et est l’un des premiers sentiments que nous éprouvons. A la naissance, nous pleurons de peur de ne plus être dans ce sein maternel où nous étions bien en sécurité, bien au chaud ! Bébé, nous avons peur de ne pas avoir la maman à nos côtés, chaque fois qu’elle ne répond pas quand nous la cherchons ou que nous prononçons son nom par des cris, des pleurs…. Pendant l’enfance, nous avons peur d’être trahi par nos copains et copines, peur d’être exclu du groupe de copains qui peuvent nous trouver moins sympathique !
L’adolescent a peur de ne pas plaire maintenant que son corps se métamorphose. L’adolescent a peur, non pas tant d’être abandonné, exclu ou de ne pas trouver un amoureux ou une amoureuse, peur d’être la victime des petits durs harceleurs du collège, du lycée, du club et ainsi d’être mis de côté. Les grands-jeunes ont peur pour et de leur futur comme nous pouvons en faire l’expérience actuellement ! Nous parlons beaucoup de la souffrance des personnes âgées ! C’est important de veiller sur nos anciens. N’oublions cependant ces millions des jeunes qui souffrent aujourd’hui et ne savent plus se projeter dans le futur ! Les jeunes ont peur parce qu’ils ne voient rien de consistant, à cause de la culture du zapping, de tel sorte que le concept de « définitif » disparait petit à petit de notre vocabulaire du quotidien. Envisager un amour définitif, « pour toujours » est devenu presque inconcevable pour la jeunesse d’aujourd’hui !
Les adultes ne sont pas vaccinés contre la peur ! Ils ont peur, non pas tant du futur, mais bien et surtout de l’aujourd’hui, de la vie quotidienne : peur de tomber malade, de choper la Covid19, peur de ne pas nouer les deux bouts du mois, peur de perdre son boulot, peur que nos enfants suivent une mauvaise voie, fassent un mauvais choix, aient une mauvaise fréquentation, peur que quelque chose leur arrive le soir quand ils sortent…
Plus tard, si nous avons la chance d’atteindre le grand âge, au soir de notre vie, naissent les peurs de la vieillesse et des anciens : peur de n’avoir pas bien compris ce que le médecin nous a dit, peur de déranger ou d’être un poids pour nos enfants et nos petits-enfants, peur de sortir de la maison à cause de la peur que nous avons de tomber dans la rue, peur de perdre la mémoire, peur de la solitude….
Il s’agit d’une peur permanente, parce qu’elle ne nous abandonne jamais, parce qu’elle est présente sous diverses formes à chaque âge, parce que nous n’arrivons pas à nous en débarrasser définitivement, parce que nous ne connaissons pas toujours très bien l’objet ou la raison profonde de nos peurs. C’est donc cet inconnu qui nous fait peur. Parmi nos inconnus, il y a un qui est très poignant : c’est « l’après nous ! », l’après, ce qui adviendra après nous, ce qui se produira après. Après la mort, la grande inconnue, l’unique grande certitude que nous sommes sûrs de pouvoir affronter un jour, on ne sait quand ni comment, et mais nous ne savons pas ce qui se passera après notre mort.
Le « sabbat terminé », les saintes femmes du matin de Pâques vont au tombeau mais elles ont peur. Le sabbat terminé signifie « après le vendredi » pour lequel il n’y avait pas plus grand-chose à faire que ce qui avait été fait : plus de larmes à verser parce qu’elles avaient tellement pleuré quand elles ont vu mourir Jésus comme un criminel. Tout était fini, accompli, terminé, et il ne restait plus qu’à embaumer le corps, un petit dernier soin pour l’éternité pour que la corruption du corps de Jésus arrive le plus tard possible. Elles ont de l’huile parfumée qu’elles emmènent au tombeau avec la peur de ne pas réussir à rouler la pierre à l’entrée du tombeau : « qui nous roulera la pierre pour dégager l’entrée du tombeau ? » se demandent-elles.
La peur monte, crescendo lorsqu’elles voient ce jeune homme vêtu de blanc, assis à droite dans le sépulcre. Qui n’aurait pas peur en trouvant, dans une tombe, une personne assise, bien vivante, et qui, plus encore, s’adresse à nous…. Pire encore est la surprise de voir qu’il ne s’agit même pas de la personne décédée que nous avons enterrée dans cette tombe ? La peur s’est tellement diffuse dans tout le corps et l’âme de Salomé et des deux Marie à tel point qu’elles prennent la fuite, terrorisées, sans rien dire à personne, c’est-à-dire qu’elles ont tellement peur au point d’être incapables d’annoncer la résurrection de Jésus. Ceci, nous ne l’avons pas lu dans l’évangile d’aujourd’hui. C’est le verset suivant qui le dit : « Elles sortirent et s’enfuirent du tombeau, parce qu’elles étaient toutes tremblantes et hors d’elles-mêmes. Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur. »
L’annonce de la résurrection de Jésus contrairement à ses miracles, ne change pas tout d’un coup l’état d’âme des personnes, ne les fait pas passer sans transition de l’angoisse à la joie. L’annonce de la résurrection doit être assimilée, comprise par l’âme, acceptée, accueillie par le cœur. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’une réalité inconfortable, parce que la résurrection de Jésus nous invite à reprendre tout à zéro, dès le début, retourner en Galilée où le Ressuscité nous précède et nous attend.
Pourtant, ce jour-là, le sabbat terminé, Jésus ressuscité était déjà dans le cœur de Salomé et des deux Marie. Saint Marc nous dit que ce jour-là, elles arrivèrent au sépulcre « au lever du soleil », au petit matin, comme nous aujourd’hui. La Covid19 pensait nous punir, mais elle nous donne l’occasion de faire l’expérience des saintes femmes du matin de Pâques, au lever du soleil ! Les premiers chrétiens appelaient Jésus « Soleil victorieux d’en haut » Le verbe « lever », en lien avec le soleil, a la même signification que résurrection.
Sans le savoir, sans en être conscientes, ces femmes sont arrivées au tombeau en portant Jésus vivant déjà dans leurs cœurs tristes mais remplis d’amour pour lui. Cela est possible parce qu’à la veille de ce premier sabbat, elles avaient eu le courage de rester au pied de la croix, avec Marie, notre Mère. Le lendemain, elles sont capables de défier la peur pour aller au Sépulcre. Toi aussi, si tu es au pied de la croix, inondé de douleur, de tristesse et de peur à cause du Mal et de la mort présentes sous différentes formes dans ta vie, si malgré tout tu acceptes d’entrer dans le tombeau de Jésus… alors tu le trouveras vide parce que la mort n’a pas pu retenir la vie prisonnière grâce à la Résurrection de Jésus. N’ayons pas peur d’ouvrir largement notre cœur à Jésus ressuscité. Nous verrons alors que la mort et le mal ne nous feront plus peur. Nous pourrons alors vivre pleinement, plein de joie, d’espérance parce que nous vivons désormais avec Jésus Ressuscité qui a besoin de nous comme témoins de sa victoire sur le mal, sur la mort dans ce monde qui en a besoin. Amen.