Homélie du Père Joseph de la Veillée Pascale, année B (2021)

« Ne soyez pas effrayés ! N’ayez pas peur ! » Ce sont là les paroles que l’ange adresse à Marie-Madeleine, Marie, Mère de Jacques et Salomé ! Plus tard, c’est un pape polonais, devenu saint Jean Paul II, fraîchement élu comme successeur de Pierre à Rome qui s’adresse aux catholiques en leur disant : « N’ayez pas peur ! Ouvrez-largement les portes au Seigneur ! » La peur ! Dieu sait quels ravages la peur est capable de faire dans notre vie. La peur est intrinsèque à la vie humaine.  Le philosophe théologien protestant Danois Sören Kierkegaard dit que l’angoisse, la peur est quelque chose d’ontologique, d’existentiel !  Nous vivons de nos peurs. Peur de vivre, de ne pas vivre, peur de combien de temps il nous reste à vivre. Elle est irrationnelle et est l’un des premiers sentiments que nous éprouvons. A la naissance, nous pleurons de peur de ne plus être dans ce sein maternel où nous étions bien en sécurité, bien au chaud ! Bébé, nous avons peur de ne pas avoir la maman à nos côtés, chaque fois qu’elle ne répond pas quand nous la cherchons ou que nous prononçons son nom par des cris, des pleurs…. Pendant l’enfance, nous avons peur d’être trahi par nos copains et copines, peur d’être exclu du groupe de copains qui peuvent nous trouver moins sympathique !

L’adolescent a peur de ne pas plaire maintenant que son corps se métamorphose.  L’adolescent a peur, non pas tant d’être abandonné, exclu ou de ne pas trouver un amoureux ou une amoureuse, peur d’être la victime des petits durs harceleurs du collège, du lycée, du club et ainsi d’être mis de côté. Les grands-jeunes ont peur pour et de leur futur comme nous pouvons en faire l’expérience actuellement ! Nous parlons beaucoup de la souffrance des personnes âgées ! C’est important de veiller sur nos anciens. N’oublions cependant ces millions des jeunes qui souffrent aujourd’hui et ne savent plus se projeter dans le futur ! Les jeunes ont peur parce qu’ils ne voient rien de consistant, à cause de la culture du zapping, de tel sorte que le concept de « définitif » disparait petit à petit de notre vocabulaire du quotidien. Envisager un amour définitif, « pour toujours » est devenu presque inconcevable pour la jeunesse d’aujourd’hui !

Les adultes ne sont pas vaccinés contre la peur ! Ils ont peur, non pas tant du futur, mais bien et surtout de l’aujourd’hui, de la vie quotidienne : peur de tomber malade, de choper la Covid19, peur de ne pas nouer les deux bouts du mois, peur de perdre son boulot, peur que nos enfants suivent une mauvaise voie, fassent un mauvais choix, aient une mauvaise fréquentation, peur que quelque chose leur arrive le soir quand ils sortent…

Plus tard, si nous avons la chance d’atteindre le grand âge, au soir de notre vie, naissent les peurs de la vieillesse et des anciens : peur de n’avoir pas bien compris ce que le médecin nous a dit, peur de déranger ou d’être un poids pour nos enfants et nos petits-enfants, peur de sortir de la maison à cause de la peur que nous avons de tomber dans la rue, peur de perdre la mémoire, peur de la solitude….

Il s’agit d’une peur permanente, parce qu’elle ne nous abandonne jamais, parce qu’elle est présente sous diverses formes à chaque âge, parce que nous n’arrivons pas à nous en débarrasser définitivement, parce que nous ne connaissons pas toujours très bien l’objet ou la raison profonde de nos peurs. C’est donc cet inconnu qui nous fait peur. Parmi nos inconnus, il y a un qui est très poignant : c’est « l’après nous ! », l’après, ce qui adviendra après nous, ce qui se produira après. Après la mort, la grande inconnue, l’unique grande certitude que nous sommes sûrs de pouvoir affronter un jour, on ne sait quand ni comment, et mais nous ne savons pas ce qui se passera après notre mort.

Le « sabbat terminé », les saintes femmes du matin de Pâques vont au tombeau mais elles ont peur. Le sabbat terminé signifie « après le vendredi » pour lequel il n’y avait pas plus grand-chose à faire que ce qui avait été fait : plus de larmes à verser parce qu’elles avaient tellement pleuré quand elles ont vu mourir Jésus comme un criminel. Tout était fini, accompli, terminé, et il ne restait plus qu’à embaumer le corps, un petit dernier soin pour l’éternité pour que la corruption du corps de Jésus arrive le plus tard possible. Elles ont de l’huile parfumée qu’elles emmènent au tombeau avec la peur de ne pas réussir à rouler la pierre à l’entrée du tombeau : « qui nous roulera la pierre pour dégager l’entrée du tombeau ? » se demandent-elles.

La peur monte, crescendo lorsqu’elles voient ce jeune homme vêtu de blanc, assis à droite dans le sépulcre. Qui n’aurait pas peur en trouvant, dans une tombe, une personne assise, bien vivante, et qui, plus encore, s’adresse à nous…. Pire encore est la surprise de voir qu’il ne s’agit même pas de la personne décédée que nous avons enterrée dans cette tombe ?  La peur s’est tellement diffuse dans tout le corps et l’âme de Salomé et des deux Marie à tel point qu’elles prennent la fuite, terrorisées, sans rien dire à personne, c’est-à-dire qu’elles ont tellement peur au point d’être incapables d’annoncer la résurrection de Jésus. Ceci, nous ne l’avons pas lu dans l’évangile d’aujourd’hui. C’est le verset suivant qui le dit : « Elles sortirent et s’enfuirent du tombeau, parce qu’elles étaient toutes tremblantes et hors d’elles-mêmes. Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur. »

L’annonce de la résurrection de Jésus contrairement à ses miracles, ne change pas tout d’un coup l’état d’âme des personnes, ne les fait pas passer sans transition de l’angoisse à la joie. L’annonce de la résurrection doit être assimilée, comprise par l’âme, acceptée, accueillie par le cœur.  Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’une réalité inconfortable, parce que la résurrection de Jésus nous invite à reprendre tout à zéro, dès le début, retourner en Galilée où le Ressuscité nous précède et nous attend.

Pourtant, ce jour-là, le sabbat terminé, Jésus ressuscité était déjà dans le cœur de Salomé et des deux Marie. Saint Marc nous dit que ce jour-là, elles arrivèrent au sépulcre « au lever du soleil », au petit matin, comme nous aujourd’hui. La Covid19 pensait nous punir, mais elle nous donne l’occasion de faire l’expérience des saintes femmes du matin de Pâques, au lever du soleil ! Les premiers chrétiens appelaient Jésus « Soleil victorieux d’en haut » Le verbe « lever », en lien avec le soleil, a la même signification que résurrection.

Sans le savoir, sans en être conscientes, ces femmes sont arrivées au tombeau en portant Jésus vivant déjà dans leurs cœurs tristes mais remplis d’amour pour lui. Cela est possible parce qu’à la veille de ce premier sabbat, elles avaient eu le courage de rester au pied de la croix, avec Marie, notre Mère. Le lendemain, elles sont capables de défier la peur pour aller au Sépulcre.  Toi aussi, si tu es au pied de la croix, inondé de douleur, de tristesse et de peur à cause du Mal et de la mort présentes sous différentes formes dans ta vie, si malgré tout tu acceptes d’entrer dans le tombeau de Jésus… alors tu le trouveras vide parce que la mort n’a pas pu retenir la vie prisonnière grâce à la Résurrection de Jésus. N’ayons pas peur d’ouvrir largement notre cœur à Jésus ressuscité. Nous verrons alors que la mort et le mal ne nous feront plus peur.  Nous pourrons alors vivre pleinement, plein de joie, d’espérance parce que nous vivons désormais avec Jésus Ressuscité qui a besoin de nous comme témoins de sa victoire sur le mal, sur la mort dans ce monde qui en a besoin. Amen.

 

Homélie du Père Joseph de la Veillée Pascale, année B (2021)2021-04-08T16:27:34+02:00

Homélie du Père Joseph du Vendredi Saint, année B (2021)

Ce soir, contemplons Jésus élevé de terre ! Il attire à lui l’humanité entière, des hommes et femmes auxquels il ouvre largement ses bras ! Lui ouvrirons-nous nos bras à notre tour pour cette étreinte qui sauve ?  Avec une infinie douceur, Jésus nous regarde et veut croiser notre regard car dans nos yeux, il verra ce que nous avons dans le cœur, les sentiments qui nous animent. Il nous ouvre son cœur mais sommes-nous capables de lui ouvrir le nôtre ? De son cœur transpercé par une lance, il fait jaillir sur nous l’eau et sang, symbole des sacrements, source intarissable à travers laquelle Dieu continue, aujourd’hui encore, à nous donner sa vie en abondance.  Dans le récit de la Passion selon saint Jean médité chaque vendredi saint, il y a quelques détails absents chez les synoptiques.  Autour de la croix, il n’y a pas une foule qui crie mais seulement des soldats romains, des païens, et des femmes qui entourent Marie, avec le Disciple Bien-aimé.

Au jardin des Oliviers, Jésus est arrêté tandis que ses disciples sont plutôt impétueux, agressifs et prêts à faire l’usage d’une épée, comme on le voit chez Pierre : « Or Simon-Pierre
avait une épée ; il la tira, frappa le serviteur du grand prêtre et lui coupa l’oreille droite
 » ! Contrairement à ce que nous avons lu dimanche dans le récit de la Passion selon saint Marc, le Jésus de la Passion selon saint Jean n’est pas triste, n’a pas peur et se préoccupe plutôt du sort de ses disciples : « Si donc c’est moi que vous cherchez, laissez-les partir » dit-il aux soldats qui agressent ses disciples.

Les disciples sont perdus, incapables de soutenir leur Maître dans ce drame. On le voit dans la fuite des apôtres et le reniement de Pierre dans la cour du Grand Prêtre.  Pour Jésus, nos trahisons ne sont pas irréversibles. Ce qui est le plus important, c’est cet Amour qu’il déverse sur ses disciples, sur nous. Son amour pour nous est infiniment plus important, plus déterminant que nos trahisons, nos misères et nos fragilités. Sa volonté de porter sur lui nos pauvretés est infiniment plus forte que nos propres pauvretés. Là où le péché a abondé, la miséricorde et l’amour ont surabondé nous rappelle saint Paul.

C’est Jésus qui prend lui-même la croix pour la porter sans aucune aide ! Pas la peine de chercher Simon de Cyrène pour lui venir en aide. Ce Roi crucifié gouverne l’histoire et les événements à travers le don total de lui-même. Notre vie est dans ses mains clouées, mais qui n’ont rien fait de mal, mais qui ont béni, nourri, purifié, touché nos lèpres, lavé nos pieds sales ! Notre destinée est dans ses bras ouverts sur la croix. En sommes-nous conscients ? Il est le Maître de l’histoire du monde, de notre propre histoire, même quand elle semble nous dépasser. Le laisserons-nous prendre le gouvernail de nos vies déboussolées ? Dans la scène du vendredi saint, la douleur, la souffrance, l’angoisse de chacun de nous sont portées intégralement, sont dépassées, vaincues et transfigurées par la puissance de l’Amour de Celui qui meurt !  Dans cette scène, où sommes-nous ? Où est notre place ? Où se trouve l’Eglise ?

Nous pouvons nous demander où nous nous trouvons dans ce tableau, dans cette période pendant laquelle nous nous sentons fragiles, perdus, angoissés et terrorisés par la peur devant le mal, dont la Covid19 n’est qu’une manifestation ? Nous aimerions que Jésus porte sur nous son regard, que quelques gouttes d’eau et de sang jaillissant de son côté transpercé tombent sur nous pour nous laver, nous purifier, nous guérir, nous sortir de cette crise. La célébration de ce soir nous invite à supplier le Seigneur, à nous approcher davantage de sa croix ! Il verra ainsi, dans nos yeux cette angoisse qui nous terrorise, angoisse née des souffrances familiales, affectives, professionnelles, sanitaires que nous traversons actuellement. Si nous nous approchons de Jésus, sûrement qu’une goutte d’eau, de sang de son côté ouvert jaillira sur nous pour purifier et abreuver nos cœurs assoiffés de vie, de bonheur et d’amour !

Mettons-nous au pied de la croix, avec Marie, les saintes femmes et les Disciples bien-aimés pour pleurer le Seigneur présent dans nos douleurs et nos deuils. Jésus nous confie Marie comme Mère. Au pied de la croix, nous sommes tous devenus ses enfants. Jésus nous demande de prendre soin de Marie, mais en réalité, c’est elle, Marie notre Mère qui prend soin de nous. Quand nous pleurons, Marie pleure avec nous. Nous avons ici une icône de piété filiale. En nous mettant au pied de la croix avec Marie, nous naissons de nouveau pour devenir fils et filles de Marie, frères et sœurs du Seigneur présents au pied de la croix grâce à travers le disciple bien-aimé qui reçoit Marie comme Mère.

L’Eglise naît au pied de la croix avec Marie. Plus tard il y aura la Pentecôte, mais au pied de la croix, Marie, les saintes femmes et le disciple bien-aimé contemplent Jésus qui rend l’Esprit et son côté ouvert d’où jaillissent l’eau et le sang : la source de tous les sacrements, dont le premier est le baptême, à travers lesquels Jésus nous fait naître à la vie divine, la nourrit, en prend soin et lui fait porter des fruits en abondance si nous restons attachés sur lui comme le sarment sur la vigne.  Au pied de la croix, Marie devient la Mère de tous les nouveaux enfants, nés par la foi, nés du baptême, comme ceux qui seront baptisés ce dimanche de Pâques et qui s’entrainent dans l’art de l’écoute du Maître, l’art du lavement des pieds, c’est-à-dire du service dans l’Eglise et dans le monde.

L’Eglise est cette petite communauté de quelques personnes qui sont au pied de la croix, qui pleurent, souffrent avec Marie, Notre-Dame de Douleurs, mais sur qui tombent l’eau et le sang jaillissant du cœur transpercé de Jésus. Ce petit groupe conserve la promesse de la résurrection.   Ce groupe devra ensuite témoigner au monde qu’on ne peut pas tuer l’Amour. Ceux qui avaient condamné Jésus étaient sûrs d’avoir crucifié, mis à mort et enseveli l’Amour, mais ils se sont trompés car au matin de Pâques, l’Amour est sorti victorieux d’une tombe laissée vide.

En ce temps difficile que nous vivons, restons au pied de tout crucifié, de tous les crucifiés dont Jésus a porté la souffrance sur la croix. Faisons-le par des gestes et des paroles simples autour de nous ! Jésus est encore crucifié dans beaucoup de visages autour de nous ! Il suffit d’ouvrir nos yeux, nos oreilles, et surtout, notre cœur pour s’en apercevoir. Faisons-le en accueillant, avec les larmes de Pierre, nos propres blessures et nos cœurs transpercés. Allons-nous nous laisser déshabiller de notre orgueil par lequel nous cachons notre peur, notre angoisse de la mort ? Pourrons-nous permettre à notre Mère Marie, Notre-Dame des Douleurs, qui a recueilli Jésus dans ses bras, de nous prendre nous aussi sur ses genoux, pour pleurer sur nous, verser sur nous ses larmes remplies de tendresse maternelle, pour nous couvrir, comme Jésus, d’un suaire de tendresse et de miséricorde ? Elle nous obtiendra la grâce d’être des enfants nouveaux, ressuscités à la vie nouvelle avec Jésus au matin de Pâques. Restons avec Marie, en silence, pleurant nos misères, dépouillés de nous-mêmes, mais confiants dans l’Amour qui se livre sur la Croix, mais qui sortira vivant et victorieux du tombeau. Amen.

Homélie du Père Joseph du Vendredi Saint, année B (2021)2021-04-08T16:27:04+02:00

Homélie du Père Joseph du Jeudi Saint, année B (2021)

Nous célébrons ce soir les dernières heures d’un condamné à mort. C’est nous qui l’avons condamné à mort, et c’est pour nous qu’il a été condamné. En avons-nous conscience ? Il ne lui reste sa disposition de Jésus qu’une journée ensoleillée. Il est le Soleil d’en haut qui a rempli de la lumière de son cœur la vie de ces 12 lunes pâles et sans éclats que sont ses disciples.  La soirée est toute particulière : Jésus a décidé d’offrir un banquet à ses disciples ! Avant d’être suspendu sur le bois, de souffrir de cette soif insupportable sur la croix, soif pour laquelle on lui a donné à boire de l’eau vinaigrée, lui, Jésus a décidé de donner à boire et d’étancher véritablement la soif de ses amis.  Plus encore ! Avant que son doux visage soit lavé de sueur et des crachats humiliants, Jésus a décidé de laver les pieds de ceux qui, depuis trois ans, l’ont suivi. C’est à eux qu’il appartient ensuite, à partir de dimanche, c’est à dire après sa résurrection, de parcourir le monde entier pour raconter de quelle mort horrible est mort le Maître de la Vie !

Jésus désirait tellement célébrer ce banquet avec ses disciples.  Saint Luc nous décrit le désir de Jésus : « Quand l’heure fut venue, Jésus prit place à table, et les Apôtres avec lui. Il leur dit : « J’ai ardemment désiré manger cette Pâque avec vous avant de souffrir ! » (Lc22, 14-15) Ardemment est l’adverbe de la flamme, une bombe prête à exploser ! La bombe qu’il s’agit ici est un Cœur débordant qui explose d’amour pour chacun de nous. Un dernier souper, une dernière Cène, particulière, avec au menu des petits pains ronds sans levain, des herbes amères, de l’eau chaude et du vin rouge ordinaire pas un grand cru ! En réalité, ce vin est le plus extraordinaire des grands crus car il va devenir le sang qui donne la vie éternelle. Tel est le menu ardemment désiré d’un condamné à mort.

Comme tout condamné à mort à la veille de son exécution, Jésus a droit qu’une petite grâce lui soit accordé un dernier plaisir, le dernier jour d’une vie qui n’a été qu’Amour ! Il a demandé quelque chose à ses disciples : « Tout le monde à table ! Tous assis autour d’une table !» Il fallait voir l’ambiance ! Les disciples sont tous muets, les visages graves de ce pressentiment que chacun avait peur de retrouver dans les yeux du voisin d’à côté ou d’en face. Ils savaient que Jésus les aimait, mais aucun parmi eux n’avait conscience à quel point il pouvait les aimer. Ce banquet fut débordant d’amour et d’émotions.

Ce soir-là, Jésus leur a réservé une autre surprise. Il leur a tendu un piège. Il leur fait un défi, pas pour les humilier, mais pour leur laisser un exemple.  Celui qui est venu d’en haut s’abaisse, à genoux aux pieds sales de ceux qui se battaient pour savoir qui parmi eux devait prendre la première place, eux qui étaient réticents au service, Jésus les défia par amour, en posant un geste que seul un esclave posait devant son Maître : « Jésus se lève de table, dépose son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ; puis il verse de l’eau dans un bassin. Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture. »  Aucun disciple n’est oublié. Tous les pieds sont comptés ! Deux, quatre, six, huit, dix, dix-huit, vingt, vingt-et-deux… Vingt-quatre ! Non ! Même Judas a les pieds sales, lui aussi a parcouru les routes de la Galilée à la suite de Jésus.

Les yeux des 11 disciples sont fixés sur les pieds de cet ami antipathique ! Judas, le trésorier du groupe, sent le poids de tous ces regards fixés sur lui, sur ses pieds. Dans la vie, il est insupportable le poids de tous ces regards fixés sur toi, quand tu sais que tout le monde te regarde de travers, avec jugement, te rappelant ta propre honte pour cette chose horrible faute dont tu portes la culpabilité, ces regards inquisiteurs qui remuent le couteau dans cette plaie incurable que tu portes pour avoir fauté un jour ! Je ne vous demande pas d’avoir de la sympathie pour Judas. Je n’en ai pas non plus.  Mais imaginons cette culpabilité qui pèse sur sa conscience et dont il est prisonnier pour avoir été voir ceux qui vont condamner à mort son Seigneur.

Jésus observe la scène sans rien dire. Il continue son service en posant les mêmes gestes, avec la même intensité d’amour. D’abord de l’eau sur les pieds, ensuite la serviette pour les essuyer, et enfin, ce baiser sur chaque pied. Ce lavement les pieds avait choqué quelques bons catholiques quand le pape François était allé célébrer le jeudi saint dans la prison de Rome Regina Ceali, et qu’il avait lavé et embrassé les pieds des 12 prisonniers, parmi lesquels il y avait des femmes, et plus encore des quelques musulmans qui étaient aussi prisonniers.

Les 11 disciples pouvaient tolérer que soient lavés les pieds de Judas, mais ne comprennent cette folie de Jésus d’embrasser aussi les pieds du traitre. Mais, c’est là exactement la folie de l’Amour de Jésus. Qui que nous soyons, quoique nous ayons fait dans la vie, même au pire des criminels parmi nous, au lieu de nous jeter en pâture aux autres, au lieu de nous condamner, Jésus désire nous laver les pieds et les embrasser pour nous montrer son amour qui nous sauve et nous appelle à la conversion. Jésus ne désespère jamais de nous. Jusqu’à notre dernier souffle, il espère que nous puissions accueillir son amour qui sauve.

Après le lavement des pieds, Jésus se relève pour servir le repas. La recette de la cène repas n’est pas compliquée parce que l’amour vrai refuse les complications.  Jésus prend la miche de pain et le donne à ses disciples en disant : « Prenez, ceci est mon corps livré pour vous ! » Les disciples s’attendaient à ce que chacun reçoive directement sa petite part, mais ils se rendent compte que non seulement il se donne tout entier dans ce pain, mais aussi, il les invite au partage : « Prenez, mangez-en tous ! ». Ensuite, il leur donne du vin : « Prenez, buvez-en tous, ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés ! ». Il est versé pas seulement pour vous, mais pour la multitude aussi !

Dans chaque eucharistie, c’est Jésus qui se donne tout entier à la communauté assemblée en l’invitant au partage. On ne peut recevoir l’eucharistie en ignorant son voisin, car nous formons un même corps, nous qui avons part au même pain. C’est cela la communion. Dans le pain, le corps livré, dans le vin, sang versé, nous contemplons l’abondance de l’amour de Dieu qui nous est donné chaque fois que nous participons à l’eucharistie, comme il nous a demandé de le refaire sans cesse : « Faites ceci en mémoire de moi ! » Dommage que les cœurs des disciples soient tellement petits, tellement étroits, incapables de recevoir une telle quantité, une telle qualité d’amour. Si nous savions ce qui nous est donné dans l’eucharistie, si nous nous rendions compte de ce qui se joue dans chaque messe, aucune raison ne nous empêcherait d’y prendre part.

En cette soirée au cours de laquelle les disciples ont vécu le lavement des pieds et la fraction du pain, nous assistons aussi à la première ordination presbytérale de l’histoire de l’Eglise. Au cours de la dernière Cène, nous recevons les 12 premiers prêtres de la Nouvelle Alliance donnés à l’humanité. Appelez-les abbé, don, père Pierre, Philippe, Jean, Jacques…et même père Judas Iscariote. Oui, lui aussi a été ordonné ce soir-là, et malgré sa trahison, lui aussi célèbre l’eucharistie et les sacrements pour les fidèles. A travers chaque prêtre qui célèbre, malgré ses fragilités, ses faiblesses, ses nombreux péchés, c’est toujours Jésus qui se donne.

N’oublions jamais qu’il y a un peu ou beaucoup de trahison dans le cœur de chacun d’entre nous, prêtres ou fidèles. Ça me fait bizarre quand un fidèle, veut que je lui donne le planning des célébrants sur notre ensemble paroissial parce qu’il veut éviter tel prêtre, je ne sais pour quelle raison, ou n’aller à la messe de tel autre prêtre seulement. Quand nous venons à la messe, nous ne venons pas à la rencontre de tel prêtre, mais du Christ qui nous invite, se livre et se donne à nous dans les sacrements, indépendamment de la figure du prêtre. L’Eglise nous dit que « quand Pierre baptise, c’est Jésus qui baptise, comme quand Judas baptise, c’est toujours Jésus qui baptise ». Mais tous les deux, Judas et Pierre ont chacun ses failles et ses fragilités.

Nous le voyons au cours de la Dernière Cène. A la fin de la soirée, Jésus est certainement très fatigué, il a mal au dos pour être resté longtemps à genoux laver, essuyer et embrasser les 24 pieds des disciples. Mais, à la fin, aucun parmi eux ne lui propose de lui laver les pieds à son tour !  Aussi, quand les disciples voient Judas Iscariote sortir, aucun parmi eux ne va le retenir pour le faire raisonner en lui disant : « Eh Judas, arrête !  Renonce à cette bêtise que tu comptes faire envie ! » Ils l’ont laissé aller à sa propre perte, comme ils ont abandonné Jésus le lendemain, par peur ou lâcheté.

Oui, nous sommes tous Judas, Pierre, avec nos pieds sales, nos trahisons et nos reniements quotidiens. Accepterons-nous de nous approcher du Seigneur qui nous lave, qui nous nourrit, qui nous conseille, en se servant de nos prêtres, avec leurs fragilités et leurs péchés. Alors, ce soir, en célébrant ensemble la dernière Cène, la messe dont fait mémoire et qu’actualise chaque messe célébrée par un prêtre, prions Dieu de veiller sur nos prêtres, qu’il nous donne de nombreux prêtres, de nombreux et saints prêtres, pasteurs selon le cœur de Jésus, le seul Bon et Grand prêtre qui nous sauve. Amen

Homélie du Père Joseph du Jeudi Saint, année B (2021)2021-04-08T16:26:36+02:00

La dimension hautement pascale de l’eau dans notre foi !

La dimension hautement pascale de l’eau dans notre foi !

Depuis une année, nous avons été privés d’eau bénite dans nos églises…! Les bénitiers à l’entrée sont secs ! Quand il a été possible, nous avons utilisé l’eau avec parcimonie et en faisant très d’attention.  Une vidéo virale circulée sur les réseaux sociaux dans laquelle on voit un monsieur entrant dans supermarché. A l’entrée, il doit se désinfecter les mains avec le gel, mais il se signe de la croix comme s’il entrait dans une église… Cela illustre la frustration de beaucoup parmi nous qui ne peuvent plus se signer avec l’eau bénite en entrant de nos églises, par respect des mesures barrières. Au lieu de l’eau bénite à l’entrée, nous avons désormais le gel pour se désinfecter ! Lors des baptêmes, nous faisons désormais attention aux rites pour que l’eau ne devienne pas un moyen qui permet au coronavirus de circuler.

L’eau est pourtant massivement présente dans la bible, la foi et la liturgie chrétienne, en particulier pendant ce temps pascal. Dès le début de la création, « le souffle de Dieu planait sur les eaux » (Gn 1, 1) pour signifier la vie que Dieu donne à toute la Création qui est son œuvre. Nous en faisons intégralement partie mais Dieu la confie aux soins de l’humain créé à son image et à sa ressemblance. Il s’agit d’un devoir, une mission, une vocation. Les célébrations pascales mettent l’accent sur la symbolique de l’eau. Le Jeudi Saint, au cours du repas eucharistique, c’est le Seigneur qui nous appelle au service les uns des autres à travers le lavement des pieds pour nous laisser un exemple : « Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres » (Jn 13, 14).  Cette année, il ne sera pas possible de vivre le rite du lavement des pieds. L’office du Vendredi Saint nous invite à « lever les yeux vers Celui dont le cœur est transpercé » (Jn 19, 34-37) pour contempler ce Cœur d’où jaillissent de l’eau et du sang, symbole des sacrements à travers lesquels Dieu nous transmet sa propre Vie dans l’Eglise.

La Vigile Pascale et le dimanche de Pâques avec l’importance accordé au baptême, sont caractérisés par la présence massive de l’eau. Dans la liturgie de la Parole, plusieurs textes parlent de l’eau : l’eau sur laquelle plane le souffle de Dieu lors de la création qui est la première Pâque, le passage du chaos à la vie (1ere lecture). Ensuite la traversée de la Mer Rouge à pied-sec qui est le cœur de foi du peuple Hébreu, libéré de l’esclavage en Egypte à la liberté dans la Terre Promise. C’est la troisième lecture tirée de l’Exode, obligatoire au cours de la veillée pascale. Le prophète Isaïe nous rappelle que Dieu étanche notre soif en nous abreuvant gratuitement (5è lecture) tandis qu’Ezéchiel nous rappelle que Dieu nous purifie de toutes nos souillures et de toutes nos idoles en répandant sur nous une eau pure qui fait de nous de créatures nouvelles (7è lecture). Dans le psaume 50, nous nous unissons à la prière du psalmiste suppliant le Seigneur dans sa miséricorde infinie : « lave-moi tout en entier de ma faute, purifie de mon offense ! » L’épître aux Romains explicite la dimension pascale du baptême qui nous lave de tout péché et plus particulièrement du péché originel, en mourant avec le Seigneur pour ressusciter avec Lui.

Le contexte pandémique ne nous permet pas de prendre toutes ces lectures de la Vigile pascale que nous allons célébrer au petit matin cette année, le dimanche 4 avril à 6h30. Je vous invite néanmoins à prendre le temps de lire ces beaux textes qui nous rappellent comment le Seigneur nous lave, nous purifie, nous pardonne, nous abreuve, nous bénit, nous sanctifie, lui qui nous invite à nous unir à Lui, dans sa mort et sa résurrection, pour être des créatures nouvelles.  Sainte et Joyeuse Pâques !

 

La dimension hautement pascale de l’eau dans notre foi !2021-03-23T17:34:10+01:00
Aller en haut