Mes chers frères et sœurs !
Dimanche dernier, l’évangile avait pour thème : la foi, le peu de foi de Pierre, le premier des apôtres dans une mer agitée par le vent. Hier samedi, nous avons célébré l’Assomption qui nous a fait contempler Marie, exaltée grâce à sa foi ! Aujourd’hui, c’est la foi d’une païenne une Cananéenne que l’Evangile nous nous fait contempler.
Pour comprendre la grandeur de la foi de cette femme, plongeons-nous dans le monde, la culture, la terre et les racines de Jésus : le monde juif, avec sa religion, sa culture et son territoire. La vie de Jésus s’est épanouie entre la Galilée, la Samarie et la Judée, ces frontières considérées comme la Terre Promise donnée par Yahvé au Peuple Elu. Jésus vit et enseigne à l’intérieur de ces frontières, sauf à deux exceptions où nous le voyons à l’étranger, en dehors de son pays natal. Jésus n’est pas beaucoup sorti de la Palestine. Il est comme nombreux de nos compatriotes pour qui en dehors de leur commune, leur quartier, leur église de Saint Simon, Lardenne, Tournefeuille, Plaisance ou La Salvetat… la ville Toulouse, la Haute-Garonne, la France… rien n’est bon. D’où un certain mépris pour les autres paroisses, les autres villes, d’autres régions, d’autres pays, peuples et cultures…. parce qu’ils ne les connaissent pas et pensent qu’ils sont le centre du monde….
Aussi longtemps que nous ne serons pas sortis pour regarder ailleurs, nous penserons toujours être les meilleurs du monde ! ! Dans ma culture on dit que « l’enfant qui n’est jamais sorti de sa maison familiale pense objectivement que sa mère est la meilleure cuisinière du monde ! » Il est important, de voyager (actuellement c’est compliqué avec cette pandémie), de sortir, à aller à la rencontre d’autres gens, d’autres peuples, cultures, d’autres paroisses… et se rendre compte des richesses que les autres peuvent nous apporter… Cela permet aussi de prendre réellement conscience de la chance que nous avons, et cela nous fera moins râler quand le monde ne tourne pas comme nous le voulons !
Jésus a fait une première sortie, celle de l’incarnation, en venant à notre rencontre pour porter notre humanité …. Mais pendant sa vie terrestre, Il n’a pas beaucoup quitté son pays natal sauf à deux exceptions ! La première sortie est involontaire : encore bébé, Jésus est obligé de prendre la fuite en Egypte avec ses parents Marie et Joseph pour fuir Hérode qui voulait Le tuer.
La deuxième sortie est celle racontée dans l’évangile d’aujourd’hui. « Jésus s’était retiré vers la région de Tyr et de Sidon » en la Phénicie, l’actuel Liban qui souffre une crise politique et humanitaire grave depuis quelques semaines. Ces deux villes étaient reconnues, par Jésus, quelques temps avant, comme païennes et condamnées en tant qu’emblème d’infidélité : « Malheureuse es-tu, Corazine ! Malheureuse es-tu, Bethsaïde ! Car, si les miracles qui ont eu lieu chez vous avaient eu lieu à Tyr et à Sidon, ces villes, autrefois, se seraient converties sous le sac et la cendre. Aussi, je vous le déclare : au jour du Jugement, Tyr et Sidon seront traitées moins sévèrement que vous » (Mt 11, 21-22). Dans cet évangile, nous comprenons que même s’il est à l’étranger, sa réputation de guérisseur l’avait précédée. D’où cette rencontre avec cette Cananéenne qui Le supplie de guérir sa fille.
Nous sommes certainement choqués par l’indifférence affichée par Jésus devant la supplication de cette femme. On sent même de l’agacement de la part des disciples mais Jésus semble même justifier son indifférence et son mépris : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues d’Israël », c’est-à-dire je suis venu seulement pour les Juifs, le peuple Elu ! Ces paroles sont dure quand Il traite cette femme de chienne. Pour les juifs, tous les non-Juifs étaient considérés comme des chiens, impurs et idolâtres. Pour les exégètes spécialistes la méthode historico-critique, en quête de ce que ce que Jésus a vraiment dit de son vivant et qui n’est pas le fruit de la communauté des premiers chrétiens, cette phrase a vraiment été textuellement prononcée par Jésus.
Pour comprendre cela, nous sommes appelés à entrer dans la pédagogie de Dieu révélée dans l’histoire du salut. Le peuple élu pensait être le seul destinataire du salut de Dieu. Les autres étaient condamnés d’avance. Heureusement, les prophètes rappelaient au peuple Hébreux que s’il avait été élu, ce n’était pas pour exclure les autres peuples, mais que c’était en vue d’un salut qui embrassait toute l’humanité, comme le dit Isaïe « Ainsi parle le Seigneur : Observez le droit, pratiquez la justice, car mon salut approche, il vient, et ma justice va se révéler. Heureux l’homme qui agit ainsi, le fils d’homme qui s’y tient fermement ; il observe le sabbat sans le profaner et se garde de toute mauvaise action. L’étranger qui s’est attaché au Seigneur, qu’il n’aille pas dire : « Le Seigneur va sûrement m’exclure de son peuple. » Et que l’eunuque ne dise pas : « Me voici comme un arbre sec ! » Car ainsi parle le Seigneur : Aux eunuques qui observent mes sabbats, qui choisissent ce qui me plaît et qui tiennent ferme à mon alliance, je placerai dans ma maison, dans mes remparts, une stèle à leur nom, préférable à des fils et à des filles ; je rendrai leur nom éternel, impérissable. Les étrangers qui se sont attachés au Seigneur pour l’honorer, pour aimer son nom, pour devenir ses serviteurs, tous ceux qui observent le sabbat sans le profaner et tiennent ferme à mon alliance, je les conduirai à ma montagne sainte, je les comblerai de joie dans ma maison de prière, leurs holocaustes et leurs sacrifices seront agréés sur mon autel, car ma maison s’appellera « Maison de prière pour tous les peuples » (Is 56, 1-7)
Pourtant, en dépit de toutes ces explications des prophètes, les Juifs au temps de Jésus pensaient toujours que Yahvé était leur « propriété privée ». Tant pis pour les autres peuples. La Cananéenne montre bien qu’elle connaît cette mentalité juive. C’est pour cela qu’elle « se la joue très diplomate et humble » en disant : « Oui, Seigneur ; mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. » Elle ne demande pas d’être traitée comme les Juifs, sait qu’elle ne peut revendiquer aucun droit, mais elle se contenterait de miettes de pains tombant de la table sur laquelle Dieu nourrit les enfants d’Israël ! La vraie foi produit en nous l’humilité. Plus on grandit dans la foi, plus on grandit en humilité ! Pensez à Marie dans le Magnificat : Dieu abaisse les orgueilleux et élève les humbles.
Avec ce comportement, qui nous paraît indifférent et méprisant, Jésus veut manifester la foi de cette femme qui reconnaît qu’exaucer son vœu et répondre à sa requête n’est pas un droit, mais un don gratuit et généreux de Dieu. En effet, Jésus exauce sa prière et fait sa louange sans réserve : « Femme, ta foi est grande, que tout se fasse pour toi comme tu le veux ! » Par cet épisode, Jésus fait une rupture avec ses compatriotes car il admet qu’il est venu sauver tous les hommes, sans discrimination et au-delà des toutes formes de frontières. L’amour de Dieu, le salut apporté par le Christ n’a pas de frontière. Il le montre après sa résurrection quand, avant de s’en aller vers le Père, il envoie ses disciples en leur disant : « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui refusera de croire sera condamné » (Mc 16, 15-16). La foi est un don de Dieu à tout homme. La seule frontière est notre liberté qui peut refuser de croire.
C’est à cause de cela que l’Eglise est appelée Catholique, c’est-à-dire universelle. Non pas parce qu’elle est présente dans le monde entier, mais parce que par sa nature et par la volonté de sa Tête, son Chef et son Pasteur qu’est le Christ, l’Eglise est envoyée et appelée à accueillir tous les hommes pour leur annoncer la Bonne Nouvelle.
La Cananéenne était consciente de n’avoir droit à rien, mais de recevoir tout gratuitement de Dieu. Sommes-nous conscients d’être sauvés gratuitement, par pure miséricorde, conscients de cette gratuité généreuse de la grâce de Dieu ? Rendons grâce au Seigneur pour le don sublime de la Foi dont nous sommes bénéficiaires. Amen.