Ces œuvres de miséricorde qui nous sanctifient et nous sauvent.
Mes chers frères et sœurs !
Avec la fête du Christ-Roi, nous clôturons l’année liturgique, une année que beaucoup aimeriez vite oublier. Quelqu’un me confiait hier son envie de tourner sans tarder la page et oublier l’année 2020 avec son lot des malheurs. Beaucoup de chrétiens étaient impatients d’en finir aussi avec cette année liturgique dans laquelle nous n’avons même pas pu célébrer les grands mystères de notre foi à cause du confinement : un carême et un temps pascal confinés, des mariages, premières communions, confirmations, profession de foi reportés à cause du confinement. On a eu beaucoup de chance pour la Toussaint…! Il est donc bien normal de vouloir oublier cette année liturgique.
Mais, aujourd’hui, comme on le fait le 31 décembre, en fin d’année civile, je vous invite à faire une relecture de cette année liturgique confinée pour y voir, malgré tout, les grâces vécues et reçues du Seigneur. Alors, cette fête du Christ Roi de l’Univers, loin de nourrir en nous quelques nostalgies monarchiques (il parait qu’il y a beaucoup de nostalgiques de la monarchie en France), cette fête nous invite humblement, à rendre grâce à Jésus notre Roi qui conduit notre vie et nous invite à travailler pour que son règne advienne ! Cette image du Christ Roi de l’Univers, -pour certains, un peu vieillotte, – veut réaffirmer une donnée importante de la foi chrétienne : Jésus, ce charpentier de Nazareth, ce juif marginal qui a vécu il y a un peu plus de deux mille ans, condamné, couronnée d’épines et mort en croix, c’est vraiment Lui le Vrai Roi de l’Univers, l’Alpha et l’Oméga, celui qui donne sens à notre vie et à l’histoire de l’humanité. Ses bras ouverts en croix, attirant à lui tous les hommes, nous invite à lever les yeux vers lui, mais les pieds solidement enracinés dans notre histoire présente. C’est dans cette tension dialectique entre les yeux levés vers ce Roi Crucifié qui nous ouvre ses bras et nos engagements concrets dans ce monde, que nous trouvons le Salut.
Nous sommes déjà suffisamment angoissés par le contexte que nous traversons. Et comme si cela ne suffisait pas, l’évangile de ce dimanche vient en rajouter un peu à cette angoisse déjà lourde ! Nous n’aimons pas contempler ce Dieu Juge implacable qui nous fait peur que saint Matthieu décrit. Cette semaine, j’ai rencontré un paroissien qui prend de l’âge et qui réalise qu’il n’en a plus pour très longtemps ici-bas. Lui qui n’avait pas peur de la mort, depuis quelques mois, il a peur du jugement de Dieu. Il a beaucoup pleuré en pensant à sa vie passée qu’il regrette évidemment, chacun de nous. Nous avons partagé avec lui le Psaume 50 dans lequel le roi David se reconnait son péché et demande pardon à Dieu.
Qu’on le veuille ou pas, cet évangile nous parle du Jugement Dernier, une donnée de la foi chrétienne que nous avons parfois tendance à oublier parce que,- comme disait un jour, lors d’un enseignement, Mgr Olivier de Germay, l’archevêque nommé de Lyon- nous désirons professer la foi en un Dieu non pas Juge implacable et dur, mais un Dieu plein d’amour et de tendresse… au point de le prendre pour un « Baba cool » qui nous nous fait aucun reproche, un Dieu tellement cool au point de nous caresser dans le sens du poil. La preuve, quand nous célébrons les funérailles : cet évangile est parmi ceux qui sont proposés dans le lectionnaire des funérailles. Mais, curieusement presque toutes les familles aiment s’arrêter à la première partie et n’aiment pas lire la deuxième partie qui nous dérange en mettant en lumière le côté obscur de notre vie, de la vie du défunt.
La clef de lecture de cet évangile, c’est ce qu’on appelle l’option préférentielle pour les plus pauvres. Jésus, Bon Berger et Roi de l’univers accueille les brebis qui l’ont reconnu à travers le visage du plus pauvre, du plus faible, du persécuté, de l’affamé, l’assoiffé, l’étranger, du prisonnier. Dans la Bible, il y a sans cesse la valorisation de tous ces gestes de compassion envers les petits, les faibles et les pauvres. Jésus dit explicitement que c’est de lui dont nous prenons soin en étant attentifs aux petits. Le Seigneur s’identifie à la personne écrasée par la vie. Le message de Matthieu est clair : notre rencontre avec Dieu, la foi véritablement chrétienne change notre mode de voir les autres et de vivre avec eux. Dieu est présent dans le visage défiguré de nos frères et sœurs blessés. Réalisez d’ailleurs que Jésus ne parle pas de « bons pauvres », « des pauvres gentils » ou des prisonniers innocents victimes d’une erreur judiciaire ou du prisonnier meurtrier, de l’étranger que nous choisissons et l’ autre que nous souhaitons inconsciemment voir se noyer dans la Méditerranée. Même dans le pauvre qui a tout perdu à cause de sa propre faute parce qu’il a trop dilapidé sa richesse ou dans le prisonnier meurtrier condamné à perpétuité, nous pouvons toujours reconnaitre quelques traces du visage de Dieu.
Dans la deuxième partie de cet évangile, celle que nous n’aimons pas entendre… Jésus rappelle que celui qui ne le reconnait pas dans le pauvre, l’étranger, le malade, l’assoiffé et l’affamé sera jeté dans le feu de la Géhenne ! Oh, pardon, de vous avoir choqué en parlant de la Géhenne, de l’Enfer ! Il parait que beaucoup de chrétiens ne croient pas que l’Enfer existe ! Si, l’Enfer existe vraiment. Jésus nous en prévient… même si sa volonté est qu’aucun de nous ne puisse y ailler : « Or la volonté de mon Père, c’est que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a confié, mais que je les ressuscite tous au dernier jour ». Si nous refusons librement, de croire en Dieu, de L’aimer et Le reconnaître, à travers nos frères et sœurs, l’enfer est le terminus vers lequel nous nous dirigeons si nous ne changeons pas de cap.
Que va-t-il donc se produire à la fin des temps quand Jésus viendra juger les vivants et les morts, comme nous le disons dans le Credo ? Cela est écrit noir sur blanc dans l’évangile ! Mettons de côté ce petit tableau comptable Excel sur lequel nous avons mentionné seulement le compte du nombre des messes célébrées ou vécues, même pendant le confinement, derrière notre écran, les heures de prières, les pèlerinages, des confessions, les adorations, les soirées de louanges, les rosaires…. Tout cela est bien et nécessaire pour notre salut, mais Jésus nous dit que cela reste insuffisant. Le Seigneur- Roi de l’Univers et Juge nous demandera si pendant notre vie, nous l’avons reconnu dans le pauvre, le faible, la personne fragile, la personne âgée abandonnée, isolée dans une maison senior ou dans son appartement, le parent insupportable, l’étranger qui, de surcroit, n’est pas de votre religion… Oui, vous l’avez bien compris : le Jugement Dernier se fera sur ce que nous aurons fait pendant notre pèlerinage terrestre.
La foi chrétienne est concrète et transforme notre vie, pas seulement des paroles et des concepts théologiques ou spirituels. La prière véritable contamine et irrigue notre vie, elle nous convertit en nous incitant à faire le bien autour de nous. La célébration eucharistique ne s’arrête pas à la sortie d’une église, mais elle se poursuit par le témoignage d’une vie donnée qui glorifie Jésus dans le quotidien de nos familles confinées, les voisins qui attendent une attention de notre part, les collègues de travail que nous n’aimons pas toujours, les membres de la communauté paroissiale qui nous manquent en ce temps de confinement…
Alors, oui, la prière, les sacrements dont nous sommes privés actuellement…sont moyens de sanctification et de salut. Cependant, dans l’évangile de ce jour, Jésus nous invite à prendre conscience que par le baptême, nous sommes serviteurs de nos frères et sœurs, qu’à travers le témoignage d’une vie au service des autres, que l’Eglise qualifie « d’œuvres de miséricordes corporelles » que sont donner à manger aux affamés, donner à boire aux assoiffés, vêtir ceux qui sont nus, accueillir les étrangers, assister les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les morts… nous travaillons aussi à notre sanctification et à notre salut.
Si nous savons porter notre foi de l’intérieur d’une église à la vie en société, de l’intérieur à l’extérieur du cœur, en reconnaissant le visage du Christ contemplé et adoré dans l’eucharistie dans les visages de nos frères et sœurs en humanité, alors, oui nous serons sauvés ! La royauté du Christ, Roi de l’Univers se manifeste dans nos gestes concretsà travers lesquels nous le construisons déjà ici et maintenant, en vivant notre vocation de baptisé car, à travers le baptême, nous qui partageons la dignité de Jésus de Roi et Serviteur. Cette royauté du Christ grandit chaque fois que nous savons aimer nos frères en étant des miroirs de la miséricorde et témoins crédibles de sa compassion. Alors, mes frères et sœurs, tout en priant en disant que « ton Règne vienne », vivons aussi de telle sorte que la royauté du Christ se réalise concrètement à travers notre propre vie. Amen.