Mes chers frères et sœurs, chers amis appelés au baptême.
Il y a des jours ou des périodes de notre vie où nous sommes presque plongés dans la nuit. Je ne parle pas de cette nuit arrive avec le couvre-feu, après une journée de travail, nuit qui peut être intense, douce, reposante avec les anges qui nous bercent ! Je parle ici de la nuit intérieure de l’esprit, celle de l’âme, de la conscience. Un état dans lequel les ténèbres obscurcissent nos choix, nos décisions, notre parcours de vie. C’est la nuit qui arrive à travers une épreuve, une maladie, un deuil, un échec, une erreur…. Nous pouvons alors faire semblant, faire comme si tout allait bien… mais les gens finissent par s’en apercevoir. Dans un monde des ténèbres et d’obscurité, on s’habitue rapidement à l’absence de la lumière. Combien des gens aujourd’hui sont dans la nuit de l’âme sans en avoir conscience, parce qu’ils ne savent plus ce que veut dire voir et vivre dans la lumière.
Ce dimanche et votre scrutin est une étape importante dans ce temps de purification, de conversion, de retour à l’essentiel, de vivification qu’est le carême. Vous êtes sur le chemin qui vous conduit au baptême (c’est bientôt). Pour nous autres baptisés récents ou de depuis très longtemps, votre cheminement nous invite à redécouvrir la grandeur de notre baptême (« France, fille ainée de l’Eglise, qu’as-tu fait de ton baptême ? » est la grande question que Jean Paul II avait posé aux Français !) L’Evangile d’aujourd’hui nous parle de l’illumination. Nous sommes assoiffés et le Christ est l’Eau vive comme nous l’avons vue dimanche dernier lors du premier scrutin avec la Samaritaine. Aujourd’hui, pour le deuxième scrutin, l’évangile nous rappelle que nous sommes tous un peu, beaucoup des aveugles, aveuglés par les ténèbres de nos péchés, par le monde, mais que le Christ est notre Lumière comme nous le chanterons en allumant le cierge pascal dans quelques jours !
A travers l’épisode de l’aveugle-né, saint Jean tente de nous décrire en quoi consiste la conversion, l’accueil de l’Evangile, la rencontre avec Jésus dans notre vie : c’est une réelle et vraie illumination. C’est comme celui qui est dans une chambre obscure depuis toute une vie, et d’un coup, à l’improviste, quelqu’un défonce la porte de cette chambre ou de la cave où l’on était prisonnier pour laisser entrer la lumière. Pensez à un otage des djihadistes, enfermé dans un bunker, dans une cave, et qui, sans s’y attendre, est libéré par les GIGN ou les Forces Spéciales ! Imaginez-vous le contraste ! L’otage est ébloui par cette lumière qui lui change la vie et lui fait voir les choses différemment.
C’est l’expérience que fait de l’aveugle-né : mendiant, jugé pécheur, lui et ses parents, dans la logique sans pitié de ceux qui le regardaient. Cet homme est habitué à vivre et à composer avec les ténèbres, le jugement et les critiques des autres ! C’est comme nous aussi, quand nous sommes suspendus aux paroles, critiques et remarquesdes autres, en faisant toujours attention à nous à avoir le look, l’image et à nous comporter comme voudraient les autres parce que nous voulons mériter leur attention, leur respect, leur approbation. Chrétiens catholiques, nous n’en sommes pas épargnés.
Heureusement que Jésus passe et remarque cet aveugle-né auquel personne ne prêtait plus attention. Comme avec David pris au milieu de sens frères les plus beaux, Dieu ne regarde pas ce que à quoi nous humains mettons l’accent. Jésus voit le cœur et voit au-delà des apparences. Ensuite, Jésus commence une liturgie des gestes simples et primitifs : « il cracha à terre et, avec la salive, il fit de la boue ; puis il appliqua la boue sur les yeux de l’aveugle, et lui dit : « Va te laver à la piscine de Siloé » – ce nom se traduit : Envoyé. L’aveugle y alla donc, et il se lava ; quand il revint, il voyait. » Heureusement qu’il n’y avait pas la Covid à ce moment-là ! Imaginez aujourd’hui que je vous touche avec mes doigts dont j’ai mouillé avec ma propre salive ! Vous auriez déjà appelé l’ARS d’Occitanie je crois !
Ces gestes sont signes du baptême qui purifie. L’illumination, la conversion advient progressivement, mais elle a commencé d’abord par une rencontre. L’être humain est aveugle, mais Dieu nous voit, où que nous soyons, qui que nous soyons et il veut nous rencontrer. Quand Dieu nous voit, comme quand Jésus a vu Zachée caché dans un arbre, comme il a vu le publicain Mathieu penché à son bureau de collecteur d’impôts, comme quand il vu Saul, devenu Paul sur le chemin de Damas… cela provoque un changement radical dans notre vie, une inexorable et puissante conversion, tellement puissante que les gens autour risquent de ne plus nous reconnaitre, comme ces gens qui ne reconnaissent plus cet homme qui était pourtant à cet endroit chaque jour pour mendier. Lorsque nous devenons disciples et amis de Jésus, inexorablement, nous ne sommes plus le même qu’avant, méconnaissable pour certains, parfois même pour les plus proches. Parfois nous-mêmes ne nous reconnaissons plus, tellement notre vie a pris une autre signification ! J’ai déjà entendu des gens dire : « je m’étonne moi-même de celui ou celle que je suis devenu depuis le jour de ma conversion ! »
Et pourtant, au lieu de danser, de rendre grâce, de se réjouir pour ce qui est arrivé à l’aveugle-né, les purs ou puritains de la Loi ont des objections. Devenus insensibles aux émotions et sentiments positifs, leurs cœurs sont devenus durs comme des pierres. Ils se sont octroyé le rôle des défenseurs de Dieu, comme si Dieu avait besoin qu’on le défende. Alors ils enquêtent, interrogent, demandent et menacent ! Pour avoir fait ce miracle le jour du sabbat, Jésus est un imposteur, un pécheur qui transgresse la Loi de Moïse qui interdit travailler le jour du sabbat. Or, il est impossible qu’un imposteur, un pécheur fasse un miracle. Conclusion logique, ce miracle n’a pas eu lieu et cette guérison est bien un coup monté, un mensonge.
Ces juifs, pharisiens et docteurs de la Loi ont enfermé Dieu dans une logique absurde et sans cœur. Ne sommes-nous pas parfois comme eux quand nous refusons que Dieu ait de la fantaisie, quand Dieu agit avec humour et pas toujours selon nos normes ? Autour de l’aveugle-né, la guerre est dure, et au milieu, il y a la plus terrible des armes de destruction massive : le sens de culpabilité. Un aveugle-né, un handicap de naissance, est pour eux la conséquence pour eux de la faute quelqu’un. Si ce n’est pas lui, cela doit être la faute des parents qui, dévorés et nourris de sens de culpabilité depuis des décennies, sont terrorisés au point de ne pas prendre la défense de leur propre fils ! Imaginez un enfant abandonné même par ses propres parents à cause de la peur. La querelle est dure, les questions fusent, toutes philosophico-théologiques et compliquées les unes que les autres sur l’origine du mal. Dieu n’entre pas dans ce jeu ! Il n’est pas l’auteur du mal et ne veut trouver aucun responsable coupable ! Le seul désir de Dieu est seulement faire une création nouvelle, faire de l’aveugle-né une nouvelle création !
Entre-temps, Jésus a disparu. Il laisse grandir l’aveugle-né qui maintenant y voit très bien et est déjà personne nouvelle. Non plus la victime du sens de culpabilité, mais un homme nouveau, libre, vivant, debout, et capable de se défendre, d’argumenter. Lisez la Bible, lisez la Loi de Moïse, je vous prie ! Il argumente et se met au même niveau que les docteurs de la Loi, répond, presque en se moquant d’ailleurs ! « Voilà bien ce qui est étonnant ! Vous ne savez pas d’où il est, et pourtant il m’a ouvert les yeux. Dieu, nous le savons, n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce. Jamais encore on n’avait entendu dire que quelqu’un ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance. Si lui n’était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire » Eux qui croient de tout savoir ne savent même pas expliquer comment un pécheur peut guérir un aveugle ! Alors, qui est vraiment aveugle dans cet épisode ? Ce sont bien ceux qui ne veulent pas quitter leur logique absurde malgré toutes les explications et les faits. Dans la vie parfois, devant les résistances de quelqu’un qui est aveuglé qui ne veut pas comprendre, tellement bourré par une idéologie, il vaut mieux ne pas discuter pour ne pas se torturer la tête et le coeur !
A la fin, on voit bien que c’est l’aveugle qui est libre et dans la lumière pendant que les autres restent fermés dans les ténèbres de leur logique. A présent, ayant retrouvé la vue, l’aveugle guéri a tous les éléments pour comprendre. Il est libre, il y voit, n’est plus opprimé par le jugement des autres, surtout ce ceux qui se considéraient pieux et gardiens d’une religion pure. Le Seigneur nous rejoint toujours. Il prend l’initiative, nous suit…si nous le désirons vraiment. Il nous donne sa lumière et nous libère de nos aveuglements. Mon frère, ma sœur qui te prépares au baptême, toi qui es baptisé depuis bien longtemps, de quels aveuglements veux-tu être libéré par Jésus ? Il est notre Lumière qui brise les ténèbres du mal et de la Mort au matin de Pâques ? Présente-lui ta vie avec tes handicaps, tes aveuglements pour qu’il te libère et te donne sa lumière. Amen.