Mes chers frères et sœurs !

Poursuivons notre lecture du grand discours de Jésus dans l’évangile selon saint Luc. Dimanche dernier, il nous appelait à aimer nos ennemis et à souhaiter du bien à ceux qui nous haïssent, nous maudissent et nous persécutent. Aujourd’hui, s’attaque à un défaut qui nous colle tous à la peau et qui s’appelle « l’hypocrisie ».

Voici une petite histoire pour illustrer cela. Une jeune maman avait son fils de trois.  Cet enfant était très vif, agité, hyperactif. Il n’arrivait pas à dormir et empêchait tout le monde de dormir ! Soucieuse, cette jeune maman alla voir Gandhi pour demander conseil. Le Mahatma, après l’avoir écoutée, congédia la dame en lui demandant de revenir 15 jours plus tard. Tellement inquiète, la dame compta à rebours les jour jusqu’à son rendez-vous. Quand elle revint, Gandhi lui donna un conseil tellement simple et banal, et pourtant tellement profond et efficace : « Ton fils mange trop de sucre, voilà pourquoi il est trop vivace et agité. S’il vous plaît, arrêtez de lui donner des gâteaux et vous verrez qu’il sera beaucoup plus calme et moins agité ».

La dame fut déçue par la réponse de Gandhi et lui dit : « Mais, pourquoi m’avoir fait revenir ici ?  Pourquoi vous ne m’aviez pas donné ce conseil quand je suis venue la première fois il y a 15 jours ». Le Gandhi lui dit : « En fait, je vous ai faite revenir 15 jours plus tard parce qu’il y a 15 jours encore, je mangeais moi aussi beaucoup de gâteaux et de sucrerie et je ne pouvais pas vous donner un conseil que moi-même ne mettais pas en pratique ! ».  Cette histoire nous apprend que si nous voulons aider les autres de manière crédible par des conseils, nous devons en premier mettre en pratique ces conseils. Sinon, nous sommes un donneur de leçon comparable à un aveugle qui guide un autre aveugle. Jésus ne nous interdit pas de nous intéresser aux autres, de les accompagner par nos conseils. Jésus n’est pas contre l’entraide ou la correction fraternelle !

Par exemple, de plus en plus, je sens le besoin et les exigences des gens qui demandent que l’Eglise se réforme, que les structures se convertissent…Le pape François, dont personne ne peut mettre en doute la volonté de réformer l’Eglise entière, en appelle chaque jour à une conversion pastorale. Mais le pape nous rappelle que pour réformer l’Eglise, nous devons vivre une conversion personnelle !!! Si chacun de nous se convertit chaque jour, c’est toute la communauté qui va bouger en devenant meilleure en vivant l’Evangile. Le paradoxe, c’est que nous attendons toujours que ce soit les autres à se convertir en premier.

« Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ? Comment peux-tu dire à ton frère : ‘Frère, laisse-moi enlever la paille qui est dans ton œil’, alors que toi-même ne vois pas la poutre qui est dans le tien ? Hypocrite ! Enlève d’abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil de ton frère »

Esope raconte que chaque humain vient au monde à la naissance avec deux paniers (sacs) suspendus à son cou. Un sac devant, sous nos yeux, dans lequel se trouvent les défauts et les vices des autres. Ils sont tellement visibles. L’autre sac est derrière le dos et dans ce dernier se trouvent nos propres vices et défauts. Naturellement, nous ne voyons facilement que ce qui se trouvent dans le sac devant nous, sous nos yeux. Nous avons toujours les yeux fixés sur les défauts des autres alors que nous ne voyons quasiment jamais nos propres vices et défauts. Cette même réalité est rappelée par Jésus mais avec un enseignement nous invitant à regarder d’abord la poutre qui est dans notre œil avant de regarder la paille qui est dans l’œil du voisin. Pour conduire et aider les autres à avancer vers le bien ou le mieux, acceptons d’abord d’être guéris de nos aveuglements. Un aveugle ne peut guider un autre aveugle !

Personne parmi nous n’est immaculé ! Nous avons Marie, l’Immaculée Conception qui est apparu à la petite Bernadette Soubirous à Lourdes. Nous l’avons fêtée le 11 févier. Seule Marie est Immaculée et sans tâche !! Mais tous, nous avons des défauts et vices que nous trainons comme des boulets, et Dieu sait combien nous avons du mal à nous en débarrasser. Contrairement à Esope qui est pessimiste, Jésus nous invite à ne pas désespérer de nous-mêmes ni des autres parce qu’il nous donne toujours la possibilité de nous convertir et de recommencer. Pensez à la femme adultère trainée à terre et que tout le monde voulait lapider. Il a suffi d’une question de Jésus qui appelle à regarder sa propre vie en vérité pour que cette femme soit sauvée parce que tous les accusateurs vont partir un à un : « Que celui parmi vous qui n’a jamais péché soit le premier à lui jeter la pierre ! »

On éviterait beaucoup de médisance, de calomnies, de désir de vengeances, de méchancetés si nous avions conscience des pailles, troncs d’arbres, poutres et pourritures que nous portons en nous. Nous sommes enclins à montrer même le plus petit défaut des autres sans reconnaitre que nous ne sommes pas meilleurs que les autres. Parfois nous critiquons les autres en relevant leurs défauts, pensant que cela nous rend meilleurs que ceux que nous critiquons !  Cela empire notre état et nous rend presque diabolique. Même quand cela part d’une bonne intention, dans le but de les corriger, nous devons faire extrêmement attention : ne prétendons pas guider les autres, si nous ne sommes pas sûrs de parler que selon nos opinions personnelles et notre jugement qui peut être très subjectif et partial. Autrement, comme dit l’évangile, nous serons comme cet aveugle qui veut conduire un autre aveugle, et tous deux tombent dans un fossé.

Un chrétien sincère est celui qui, dans un effort permanent, essaye de faire correspondre son comportement et ses paroles par rapport à ce que Jésus nous enseigne : sans prétention d’avoir atteint la perfection, il est aussi indulgent et compréhensif vis-à-vis des défauts des autres qu’il cherche à corriger avant tout par l’exemple, et si c’est nécessaire, par des reproches qu’il fait avec un sourire, sans se comporter en juge inquisiteur. Dans la foi chrétienne, nous avons un seul Maître, Jésus qui nous appelle à nous regarder avec amour et miséricorde à l’exemple de son Père qui regarde avec une miséricorde infinie les pauvres pécheurs que nous sommes.

L’exemple de l’aveugle qui conduit est un autre aveugle et qui tombent tous les deux dans un fossé veut rappeler le fait que certaines personnes, tout en étant conscientes de ses propres limites, prétendent s’ériger en maîtres et donneurs de leçons dans tous les domaines. Au temps de Jésus, ce sont les pharisiens qui prétendaient être parfaits dans la stricte observance de la Loi et qui passaient leur temps à mépriser et à critiquer sans appel ceux qui étaient différents d’eux. Pensez à la parabole du pharisien et du publicain priant au même moment au temple.  Aujourd’hui, les pharisiens sont ces chrétiens qui sont toujours prêts à juger les autres sans miséricorde, oubliant pourtant combien eux aussi ont besoin de la miséricorde de Dieu. Et méfiez-vous car, à notre insu, un pharisien peut se cache en moi, toi, et en chacun de nous. Puisse Jésus nous purifier de nos aveuglements et nous ouvrir à sa miséricorde infinie. Amen.