Mes chers frères et sœurs !
Dans sa lettre aux Philippiens, saint Paul nous transmet un hymne christologique qui illustre ce que nous célébrons à l’Ascension : « Le Christ Jésus, qui était dans la condition de Dieu, il n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix. C’est pourquoi Dieu l’a élevé au-dessus de tout ; il lui a conféré le Nom qui surpasse tous les noms, afin qu’au Nom de Jésus, aux cieux, sur terre et dans l’abîme, tout être vivant tombe à genoux, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est le Seigneur », pour la gloire de Dieu le Père ». (Phil 2, 5-10)
Quelques versets qui nous indiquent le double mouvement de la vie de Jésus. D’abord l’abaissement par l’incarnation, la « kenosis », la descente du ciel vers la terre qui finit par la mort en croix et la mise au tombeau. La vie chrétienne entre dans ce mouvement descendant parce que le baptême signifie d’abord s’unir au Christ, mourir au péché, faire mourir le Viel homme. Jésus désire faire mourir en nous tout ce qui nous empêche de vivre pleinement dans l’Amour et la Joie véritable dont il est l’Auteur et la Source.
Mais la vie du Christ comporte aussi un mouvement ascendant. Après l’abaissement, il y a la glorification et l’élévation à travers le mystère pascal, la victoire du Christ sur la mort. Cette glorification culmine dans le mystère de l’Ascension. Celui qui s’était abaissé, descendu du Ciel, est exalté et glorifié par son ascension au ciel où il siège à la droite du Père. Saint Paul nous dit que tout être vivant se mettra à genoux devant lui, et que toute langue proclamera que Jésus-Christ est Seigneur à la gloire de Dieu le Père.
L’Ascension est la manifestation de cette gloire du Christ, montée dans la nuée. Malheureusement, elle nous fait aussi contempler les disciples restés là dans la tristesse parce qu’ils se sentent abandonnés une deuxième fois. La mort en croix avait été perçue comme un premier abandon, la résurrection a été une vraie source ce joie et de réconfort, mais la montée de Jésus au ciel est perçue comme un deuxième abandon par les disciples.
Leur tristesse révèle l’égoïsme humain, de nôtre égoïsme. Nous aimons retenir à nos côtés les gens que nous aimons, pas forcément parce que nous voulons leur bonheur, mais c’est surtout parce que leur absence provoque un vide, un manque en nous. Lors d’un deuil, par exemple, nous pleurons nos morts, pas parce que nous sommes malheureux pour eux : notre foi nous dit qu’avec la mort, nous entrons dans la vie éternelle où il n’y plus ni deuil ni douleur mais seulement la joie et la paix. Donc, théologiquement, spirituellement, nous devrions nous réjouir pour nos morts. Mais nous pleurons quand ils nous quittent, parce que leur présence physique et affective va nous manquer !
Votre enfant vous demande d’aller étudier dans une autre ville à la rentrée, quitter la maison familiale pour prendre un appartement, et cela vous met en crise et vous attriste parce que les parents s’inquiètent pour leurs enfants, et surtout leur départ nous dépossède un peu et nous appelle au lâcher-prise ! Et pourtant nous devrions être dans la joie quand nos enfants deviennent autonomes, responsables…. A titre personnel, quand la plus jeune de mes sœurs, Julienne s’est mariée, alors que je célébrais la messe du mariage, j’ai pleuré de tristesse et par égoïsme, je crois !! Pourquoi ? Même si j’étais heureux pour elle et son mari, je me voyais arriver à la maison en vacances, chaque année, et ne pas la retrouver chez maman… Mes larmes étaient égoïstes car elles exprimaient ce manque de ne plus voir Julienne à la maison pour m’accueillir !
C’est ce qui arrive aux disciples : ils veulent retenir le Seigneur et le garder seulement pour leur petit groupe des privilégiés, dans leur petit territoire de Palestine et dans le petit temps de leur petite histoire juive. Grâce à son Ascension, le Seigneur casse toutes ces limites spatio-temporelles pour se rendre présent à tous et embrasser toute l’histoire toute l’humanité. Parce qu’il est désormais auprès du Père et qu’il n’est plus visible aux yeux de chair, tous les peuples, toute chair, toutes les races, toutes langues, toute culture peuvent le connaître et se mettre à genoux devant lui pour l’adorer. Chaque humain peut le rencontrer et le reconnaître grâce à la Foi. Grâce à l’Ascension, Jésus se donne à toute l’humanité assoiffée de salut.
Avant sa montée au ciel, quand Jésus envoie ses apôtres, il leur dit : « Et moi je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ! » Jésus sera toujours là, avec nous. C’est le seul l’Ami Fidèle qui ne nous abandonnera jamais. Mais Jésus ne sera plus visible de manière sensorielle et émotionnelle, mais il présent dans le silence de la Foi, et à travers les sacrements dont le baptême est le premier et le plus grand, il est présent dans l’eucharistie. Sa présence est vivante, certaine, évidente comme il l’a lui-même promis avant de monter au ciel. A nous d’en témoigner.
La fête ascension nous rappelle aussi notre vocation fondamentale : nous sommes citoyens du ciel, parce que le Christ est allé nous préparer une place auprès du Père. Nous sommes appelés à partager la destinée du Christ : partager sa gloire à la droite du Père au Ciel ! Nous sommes faits pour le Ciel, nous sommes citoyens du paradis, appelés à partager la gloire du Christ pour l’éternité. Nous hériterons le Ciel avec le Christ si nous croyons en Lui. En cette fête de l’Ascension, rappelons-nous notre vocation baptismale et témoignons de la présence du Christ vivant en nous et qui nous appelle à vivre au ciel plus tard. Amen.