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Homélies des messes

Homélie du Père Clément, Jeudi Saint, année C

Frères et sœurs bien-aimés,
Nous entrons ce soir dans le Triduum pascal, sommet de notre foi, dans une liturgie qui nous fait goûter le cœur brûlant de l’amour de Dieu. Le Jeudi Saint, ce n’est pas une simple « veille de Pâques ». C’est la veillée de l’Amour, l’heure où Jésus, sachant que son heure est venue, prend tout en main : le pain, la coupe, les pieds de ses disciples, leur cœur et leur salut.

Trois mystères se révèlent et s’unissent :

  • L’Eucharistie, mémorial du don total.
  • Le lavement des pieds, signe du service et de l’abaissement.
  • Le sacerdoce, don du Christ à son Église.
  1. « FAITES CELA EN MÉMOIRE DE MOI » — L’EUCHARISTIE : DIEU SE LIVRE

Saint Paul nous le rappelle avec gravité :« La nuit où il fut livré, le Seigneur prit du pain… »

La première Eucharistie a été célébrée dans un climat de tension et de trahison. Pourtant, c’est dans ce contexte que Jésus dit :« Ceci est mon corps livré… Ceci est mon sang versé… »

L’Eucharistie est l’acte le plus fou d’amour de Dieu, un amour jusqu’à l’extrême (Jn 13,1).
Elle n’est pas un symbole. Elle est la Présence réelle du Christ vivant. Écoute Saint Padre Pio, ce prêtre marqué du sceau des stigmates :« Le monde pourrait bien vivre sans soleil, mais non sans la Messe. »
Et encore :« À chaque Messe, je meurs un peu. Mais je meurs d’amour. »

À la Messe, Jésus renouvelle son Sacrifice, non pas en croix visible, mais dans l’humilité du pain et du vin. Chaque fois que nous y participons avec foi, le Golgotha descend dans notre vie.

III. « IL SE MIT À LAVER LES PIEDS » — UN AMOUR À GENOUX

Le Fils de Dieu dépose son vêtement, prend le linge, verse l’eau, s’agenouille… Il lave les pieds de ceux qui vont l’abandonner. Quel mystère !

Le Dieu Tout-Puissant s’humilie jusqu’à toucher la saleté de nos chemins.
Le Très-Haut se fait le Très-Bas, pour que nos pieds sachent à nouveau marcher vers le Père.

Et c’est là que l’Eucharistie devient service : si elle ne nous pousse pas à laver les pieds les uns des autres, elle reste lettre morte.

Le Bienheureux Carlo Acutis, passionné d’Eucharistie, disait : « L’Eucharistie est mon autoroute pour le Ciel. Mais si je ne vis pas l’amour au quotidien, je suis un menteur. » Et il ajoutait : « Nous sommes tous nés comme des originaux, mais beaucoup meurent comme des photocopies. Le secret pour devenir un saint ? L’Eucharistie. »

IV. Le sacerdoce : don du Christ pour prolonger son amour

Jésus ne s’est pas seulement donné pour un instant. Il a institué le sacerdoce pour que ce mystère d’amour soit présent jusqu’à la fin des temps.
Le prêtre, dit le Curé d’Ars, « n’est pas prêtre pour lui. Il est prêtre pour vous. Laissez une paroisse vingt ans sans prêtre : on y adorera les bêtes. Le prêtre, c’est l’amour du Cœur de Jésus. »

Prions ce soir pour tous les prêtres. Pour ceux qui nous ont baptisés, confessés, accompagnés, donné Jésus. Prions aussi pour les prêtres qui peinent, qui sont seuls, qui traversent des nuits, car ils portent sur leurs épaules le poids du mystère, et souvent la croix de leur propre fragilité.

Et si tu entends un appel dans ton cœur, n’aie pas peur. Le Christ cherche encore des pieds à laver, des mains à bénir, des cœurs à relever. Il cherche des serviteurs de son Corps.

  1. UNE NUIT POUR CHANGER NOS VIES

Ce soir, nous ne sommes pas des spectateurs d’un rituel ancien.
Nous sommes participants d’un amour éternel.
L’Exode continue. L’Agneau est encore offert. Le Peuple de Dieu marche toujours vers la Terre promise.

Mais pour cela, nous devons manger en tenue de voyage (Ex 12,11), avec les reins ceints, le cœur brûlant.

Sainte Thérèse de Lisieux disait : « Jésus ne descend pas du Ciel chaque jour pour rester dans un ciboire d’or, mais pour trouver un autre ciel, le ciel de notre âme. »

Frères et sœurs, ne laissons pas cette nuit passer comme un rite de plus. Laissons-la nous bouleverser, nous convertir, nous agenouiller, nous transformer en vivants de l’Eucharistie.

CONCLUSION : RESTER, AIMER, SERVIR

Reste ce soir un peu plus longtemps. Ne fuis pas le silence du jardin.
Là, Jésus t’attend. Pas pour te juger. Pour te laver les pieds.

Et alors, redis-lui, comme Pierre bouleversé : « Non seulement les pieds, Seigneur, mais aussi le cœur, la bouche, la vie ! »

PRIÈRE FINALE — (inspirée de Saint Thomas d’Aquin et Saint Jean-Paul II)

Seigneur Jésus,
Toi qui t’es fait pain pour rassasier nos faims,
Toi qui t’es fait serviteur pour laver notre orgueil,

 

Toi qui as confié ton Sacrifice à des mains humaines,

fais de nous un peuple eucharistique,
amoureux de ton Corps, fidèle à ta Croix,
et joyeux d’aimer, à genoux, comme Toi.

Que notre vie devienne une Messe prolongée.

Amen.

 

Homélie du Père Clément, Jeudi Saint, année C2025-04-25T14:38:06+02:00

Homélie du Père Joseph du dimanche de Pâques, année C

Mes chers frères et sœurs

Au matin de Pâques, les saintes femmes vont au tombeau en portant des aromates et du parfum. Elles veulent compléter un rite funéraire qu’elles n’ont pas réussi à finir deux jours plus tôt. L’enterrement s’est fait en hâte, dans la tristesse et la colère contre cette Loi qui imposait le repos du sabbat, ce dernier était en plus la Pâque juive. Rendez-vous compte : une loi qui ne permet même pas d’enterrer dignement les morts. Cette homélie m’a fait penser à la période du Covid quand nous n’avions même pas le droit d’enterrer dignement nos morts.

Ces saintes femmes ont le cœur plus lourd que la pierre posée à l’entrée du tombeau. Elles pensent à Jésus est mort, torturé, trainé par terre, défiguré. Son visage tellement souriant et pacifique était méconnaissable, tuméfié et blessé. Elles marchent en toute hâte, mais c’est encore la nuit et le brouillard dans leurs cœurs. L’épreuve est tellement insupportable, comme quand le courage nous manque, quand la peur, de la guerre, de la crise économique, de la maladie, de la vie nous enlève toute l’énergie et nous anéantit, quand les nerfs cèdent, la foi secouée à cause des épreuves ! Alors, nous sommes épuisés, lessivés, découragés, et perdons confiance en tout, en Dieu, dans l’entourage et même en nous-même. Nous nous enfermons alors dans notre chambre, refusant tout contact, ne voulant parler à personne.

Contrairement à nous, ces saintes femmes sortent et vont au tombeau pour un dernier inutile geste d’amour. Mais quand elles arrivent, la pierre a été déplacée et la tombe est vide ! Malheur sur malheur ! C’est le sort qui s’abat sur elles. Dans l’évangile selon saint Luc écouté pendant la veillée pascale, il est dit que les femmes sont désemparées et ne comprennent pas le sens de tous ces événements. Il nous arrive aussi parfois d’être perdus, incapables de comprendre, de donner du sens aux événements, surtout difficiles qui nous arrivent. Comment lire et interpréter les événements, comment se dépêtrer de cet imbroglio des sentiments négatifs écrasants qui empêchent de bouger, paralysés par la peur et l’angoisse ?

Comme au matin de Pâques, pendant que nous portons les parfums et aromates pour embaumer Dieu, l’honorer, oui, mais en célébrant ses funérailles, alors peuvent arriver des personnes éblouissantes, illuminées, le cœur ardent qui nous disent, au matin de Pâques : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ?  Il n’est pas ici, il est ressuscité ». Ce sont les gens qui nous secouent, nous invitant à nous bouger, simplement, mais parfois fermement : arrêtez de chercher un mort ! Arrêtez de vivre dans le passé ! Arrête de te faire du mal ! Il faut tourner la page et regarder devant toi. L’épreuve du moment, la séparation, la crise actuelle ne signifient pas la fin de votre vie. On ne peut pas entrevoir la vie, avancer, envisager l’avenir, voir la résurrection si l’on n’a pas accepté la mort et fait le deuil. Ensuite seulement, la lumière du ressuscité ouvre pour nous de nouvelles possibilités.

Chrétiens, cessez de chercher un Dieu-cadavre, un Dieu du passé ! Notre Dieu est vivant aujourd’hui ! Arrêtez de vivre la foi comme un bibelot en prenant Jésus pour un simple éducateur de bonnes manières. « Oh je veux baptiser mon enfant pour lui transmettre les valeurs chrétiennes », mais, des valeurs chrétiennes sans Jésus ! Combien de catholiques considèrent Jésus comme un simple prophète, un grand homme, certes, mais pas Dieu ! On dirait un musulman honnête qui décrit Issa, un prophète, un moins que Mahomet d’ailleurs. Non, la foi de notre baptême est une relation, une rencontre avec une personne, un Dieu qui nous a aimés, qui s’est livré pour nous sur la croix mais qui a vaincu le mal et la mort par sa résurrection. Il est vivant dans nos cœurs, chaque jour car nous sommes devenus son temple par le baptême ! C’est cela qu’il faudra apprendre aux nouveaux baptisés.

Lorsque Marie-Madeleine arrive au tombeau, elle voit que la pierre à l’ouverture du tombeau a été roulée et Jésus n’y est plus. On a volé le corps de mon Maître, pense-t-elle ! Alors, elle coure chez les hommes, ces mâles qui s’étaient révélés lâches pendant la passion et la mort le vendredi saint. Pierre et un autre disciple entrent dans cette course du dimanche matin, non pas ce footing pour la bonne forme et le loisir comme on en fait le dimanche matin au lieu d’aller à la messe, mais une course remplie d’angoisse et d’inquiétude. Le disciple bien-aimé, plus jeune et plus rapide arrive en premier. C’est lui qui était au pied de la croix avec la sainte Vierge.

Ce disciple nous dit que nous sommes tous appelés à courir pour rejoindre le Seigneur. Courons donc, nous aussi, avec Pierre ! En arrivant, ils constatent que le tombeau est vide, le suaire roulé et bien rangé à sa place et les linges posés à plat. Ce sont des signes de la mort. Rien de vital, rien de décisif, rien de probant et aucune évidence de la résurrection. Pierre s’arrête, mais pas le disciple bien-aimé.  L’évangile nous dit qu’il vit et il crut

La foi chrétienne n’est pas une évidence empirique ou mathématique. La présence du Seigneur n’est pas une évidence. Heureux ceux qui croient sans avoir vu, cesse d’être incrédule, sois croyant, dira Jésus à l’apôtre Thomas. La foi ne fait pas appel à notre intelligence, mais à notre cœur. Toi aussi, ouvre ton cœur, laisse-toi aimer, et seulement ainsi tu comprendras ce que veut dire aimer. Essaye de chercher les signes de la présence de Dieu dans ta vie, dans le monde, dans l’Eglise.

Aujourd’hui, de plus en plus personnes viennent demander le baptême. Ces gens ne viennent pas parce que l’Eglise est devenue irréprochable. On le saurait ! Pas parce les curés sont devenus des grands stratèges en évangélisation et qu’ils savent attirer les personnes. On le saurait aussi ! Pas non plus parce que les fidèles catholiques sont plus décomplexés ! On le saurait. Ils viennent seulement parce qu’ils ont une soif que seul Jésus peut étancher et se laissent toucher par la grâce du mystère pascal. Réalisez que, sans compter les enfants du primaires et les bébés comme ce matin, plus de 12000 personnes ont été baptisés ce weekend de Pâques en France ! A la Pentecôte le 8 juin, au MEET de Toulouse où notre archevêque nous invite, presque 1000 adultes recevront le sacrement de confirmation. Maintenant, il faut que nous soyons à la hauteur de l’enjeu pour permettre à ces nouveaux baptisés de trouver leur place et nous bousculer dans nos églises et nos communautés tranquilles dans la routine et les habitudes et qui ont peut des nouveautés.

Toi aussi, en ces fêtes pascales, laisse-toi rejoindre par le Ressuscité. Ouvre-lui ton cœur. Si tu n’as pas la foi, ose la demander, et s’il le faut, pose au Seigneur le défi de te manifester un signe de sa présence dans ta vie. Prions pour ces 11 adultes qui ont été baptisés hier dans cette église, ces 15 jeunes qui seront baptisés dimanche et ces enfants baptisés aujourd’hui et les prochains jours. Que Jésus ressuscité leur donne et nous donne d’être toujours dans la joie, parce qu’il est vivant et avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde. Amen.

Homélie du Père Joseph du dimanche de Pâques, année C2025-04-23T10:31:28+02:00

Homélie du Père Clément, dimanche des Rameaux, année C

Chers frères et sœurs,

Aujourd’hui, nous sommes entrés dans la semaine la plus sainte de l’année, en suivant Jésus dans son entrée à Jérusalem. Acclamé par la foule, il s’avance, monté sur un ânon, non pas comme un roi de guerre, mais comme un roi de paix. Et pourtant, nous venons d’écouter le récit bouleversant de sa Passion. En quelques jours, les Hosanna se transforment en Crucifie-le !

Quel contraste ! Et pourtant, tout cela nous dit une seule chose :Jésus nous a aimés jusqu’au bout.

Il ne subit pas la Passion. Il la choisit librement, par amour. À la dernière Cène, il dit : « J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous avant de souffrir. » Oui, il sait ce qui l’attend. Et pourtant, il va jusqu’au bout. Il prend sur lui nos trahisons, nos rejets, nos croix, pour les transformer en offrande d’amour.

Et ce qui frappe chez saint Luc, c’est que Jésus pardonne tout au long de sa Passion. Il guérit l’oreille du serviteur blessé. Il regarde Pierre avec tendresse après son reniement. Il prie pour ses bourreaux : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. »

Et plus bouleversant encore : il promet le paradis à un brigand ! Ce larron n’a rien à offrir, sauf une phrase : « Jésus, souviens-toi de moi. » Et Jésus répond : « Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le Paradis. »

Frères et sœurs, voilà notre espérance. Qui que tu sois, où que tu sois tombé, Dieu peut encore te relever. Comme disait Charles Péguy : « Celui qui n’est pas tombé ne sera jamais ramassé. Celui qui n’est pas sale ne sera pas essuyé. »

La Passion du Christ, ce n’est pas un spectacle de souffrance. C’est l’histoire de ton salut. C’est l’amour de Dieu qui va jusqu’à l’extrême pour te sauver.

Mais ce n’est pas tout. Nous ne sommes pas seulement invités à admirer Jésus. Nous sommes appelés à le suivre. Le vrai chrétien, ce n’est pas celui qui agite les rameaux une fois par an. C’est celui qui porte sa croix chaque jour, qui aime en silence, qui pardonne en secret, qui sert sans attendre de récompense.

Comme le disait saint Jean Chrysostome : « Tu veux honorer le corps du Christ ? Ne le méprise pas lorsqu’il est nu. Honore-le dans les pauvres, dans les souffrants. »

Alors, en cette Semaine Sainte, mettons-nous à l’école de Jésus et de Marie. Avançons avec lui vers la Croix. Offrons-lui nos blessures, nos silences, nos fatigues. Et préparons notre cœur à la lumière de Pâques.

Que Marie, la Mère douloureuse, debout au pied de la Croix, nous accompagne dans cette montée pascale.

Seigneur Jésus, tu es allé jusqu’au bout de l’amour. Donne-nous de marcher avec toi, de croire en ton pardon, et de porter avec foi la croix de chaque jour. Amen.

Homélie du Père Clément, dimanche des Rameaux, année C2025-04-23T10:28:27+02:00

Homélie du Père Joseph de la veillée pascale, année C

Chers frères et sœurs, chers Denis, Farid, Louidovine, Julien, Geoffroy, Roland, Nelly, Marc, Marie, Louis, Benoît, appelés au baptême en cette nuit sainte !

Je commence par faire ce que font les prêtres : crier sur vous qui êtes présents à la messe. Non, je ne vais pas crier sur vous, mais laissez-moi de vous rappeler un triste constat : nous tous, il nous arrive souvent de croire et de chercher encore Jésus parmi les morts, de croire en un Dieu crucifié, mort, resté enseveli et enfermé dans le tombeau qu’avait offert Joseph d’Arimathie le vendredi saint. Ca veut dire que nous vivons et agissons parfois comme si notre Dieu était bel et bien mort et jamais ressuscité. Notre relation avec lui, – parce que considéré comme mort-, se limite à quelques fêtes, comme quand on va se recueillir au cimetière de temps en temps. Nous lui rendons ainsi quelques visites à Noël, à la Toussaint, aux Rameaux, à Pâques…

Ces occasions ponctuelles sont pour nous une manière de mettre un peu d’aromates et de baume parfumé sur le corps de Jésus mort crucifié le vendredi saint, évitant ainsi que sa dépouille ne se décompose, ne pourrisse et ne dérange notre tranquillité ! Oui, j’exagère un peu, je sais ! Avouons quand même que Dieu dérange parfois notre vie. Certains chrétiens vivent comme si Jésus était une sorte de momie, comme à l’époque des pharaons, et que nos églises sont des mausolées où l’on vient de temps en temps revivre le souvenir en allumant une bougie pour ce Dieu qui, certes, a vécu parmi les hommes, mais désormais mort et absent dans notre quotidien.

Ce soir, contemplons la foi des saintes femmes qui vont compléter le rite funéraire de Jésus mis à mort le vendredi saint. Elles n’ont pas pu honorer tous les rites à cause du sabbat qui le leur interdisait. Ca m’a fait penser au temps du Covid quand nous n’avions même pas le droit d’enterrer nos morts dignement. Désespérées et résignées, ces femmes cherchent leur Maître mort injustement pour lui redonner un peu de dignité. Elle ne pouvaient imaginer un seul instant que Jésus soit vivant.

Cependant, ces amoureuses d’un Dieu mort se trompent parce que Jésus est déjà ressuscité. Il n’est plus au cimetière ! Son tombeau est vide ! Ces femmes qui représentent chacun de nous, doivent quitter, repartir, s’éloigner du tombeau, s’en aller loin de ce lieu qui rappelle la mort pour rejoindre Jésus ressuscité là où il les attendait. Elles sont venues pour un rite de mort mais elles doivent repartir comme missionnaires et annonciatrices de la Vie plus forte que la mort. Jésus Christ, le Maître que vous avez choisi de suivre par votre baptême est ressuscité et vivant. Il ne s’est pas réincarné mais il est ressuscité ! Laissons la réincarnation aux bouddhistes ! Nous, c’est la résurrection qui est au cœur de notre foi. Jésus n’est pas non plus « réanimé » pour mourir quelques années plus tard, comme Lazare contemplé lors de votre troisième scrutin. La résurrection de Jésus est cette nouveauté spécifique de la foi chrétienne et dont nous témoignons en vertu de notre baptême.

Chers Denis, Farid, Louidovine, Julien, Geoffroy, Roland, Nelly, Marc, Marie, Louis, Benoît ! Etre baptisé, c’est être totalement plongé dans la mort avec Jésus, mais pour renaître, ressusciter et revivre avec lui. Le baptême nous fait participer à la vie divine comme créatures nouvelles. Le Ressuscité se fait connaître aux disciples par des signes. Ouvrons nos cœurs à Jésus ressuscité pour voir les fruits et signes de sa résurrection dans notre quotidien, parce que la foi véritable en Jésus ressuscité change forcément notre vie concrète.

Jésus est présent dans les plaies et les blessures de notre vie personnelle, notre histoire éprouvante. Comme les saintes femmes, nous sommes souvent de disciples fragiles, désemparés, sans forces et incapables de rouler ces nombreuses pierres qui sont à l’entrée de nos tombeaux ! Nous avons tous des pierres intérieures, les épreuves, les drames vécus dans le passé, les erreurs commises dont nous trainons parfois encore les conséquences lourdes… Ces pierres représentent ce qui nous empêche de vivre en ressuscité en dépit de la foi de notre baptême. C’est lors que nous avons tous besoin, comme au matin de Pâques, de la présence de deux hommes en habits éblouissants qui nous rassurent comme au matin de Pâques : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ?  Il n’est pas ici, il est ressuscité. Rappelez-vous ce qu’il vous a dit quand il était encore en Galilée « Il faut que le Fils de l’homme soit livré aux mains des pécheurs, qu’il soit crucifié et que, le troisième jour, il ressuscite.’ »

Célébrer la Pâques en cette année du Jubilé de l’Espérance nous appelle tous, et vous les nouveaux baptisés en particulier, à être témoins et pèlerins d’espérance dans le monde et dans l’Eglise. Notre mission est d’annoncer un monde nouveau sur lequel brille la lumière du Ressuscité, celle que nous avons allumée en chantant l’Exultet, celle que les futurs baptisés vont recevoir tout à l’heure. C’est la lumière de l’espérance qui nous montre le chemin, nous conduit et nous éclaire même pendant nos épreuves. Les baptisés sont les disciples missionnaires de la joie et de l’espérance qui trouvent leur source dans la mort et la résurrection du Christ.

Ne soyez pas des chrétiens et des baptisés tièdes, timorés qui cachent et n’osent pas parler de leur foi, cette spécialité regrettable dans notre pays où nous manquons d’audace pour témoigner de notre foi en société. Gad Elmaleh s’étonne de voir que les juifs et les musulmans de France sont fiers de témoigner de leur foi, alors qu’on a l’impression que les catholiques s’excusent d’être croyant. Il finit sont sketch en nous appelant être fier de notre foi : Jésus a donné sa vie, il est mort pour nous et il a vaincu la mort pour notre salut. Soyons fiers !

Beaucoup attendent notre témoignage pour suivre le Christ, pour sauter le pas. Jésus veut que nous soyons des chrétiens joyeux et engagés ! Cette année, et de plus en plus, le saint Esprit nous surprend : plus de 12.000 jeunes et adultes sont baptisés en France entre la veillée pascale et le dimanche de Pâques.  A la Pentecôte le 8 juin, au MEET de Toulouse où notre archevêque nous invite, presque 1000 adultes toulousains recevront le sacrement de confirmation ! Ces gens ne viennent pas parce que l’Eglise est devenue irréprochable. On le saurait ! Pas parce les curés sont devenus des grands stratèges en évangélisation et savent attirer les gens. On le saurait aussi ! Pas non plus parce que les fidèles catholiques sont plus décomplexés ! On le saurait. Ils viennent seulement parce qu’ils ont une soif que seul Jésus peut étancher et se laissent toucher par la grâce du mystère pascal et ont trouvé en Jésus ressuscité la source de leur joie et de leur espérance.  Maintenant, il faut que nous soyons à la hauteur de l’enjeu pour permettre à ces nouveaux baptisés de trouver leur place et nous bousculer dans nos églises, nos communautés tranquilles dans la routine et les habitudes et qui ont peut des nouveautés.

Par sa résurrection, le Christ est passé de ce monde au Père pour nous ouvrir les portes du Ciel et nous donner en abondance la vie divine dans les sacrements du baptême, de l’eucharistie et de la confirmation. La résurrection n’est pas quelque chose de mathématique qui exige une adhésion intellectuelle. C’est d’abord notre cœur que veut toucher Jésus pour nous donner la grâce de la Foi, l’Espérance et l’Amour. C’est lui-même qui ouvrira ensuite vos intelligences au mystère pascal. Notre quotidien libéré, illuminé par ressuscité devient ainsi le lieu où nous posons des choix pour le bien contre le mal, la vérité contre le mensonge, l’amour contre la haine, la culture de la vie contre celle de la mort. Laissions le Ressuscité façonner notre existence.

Rendons grâce pour ces catéchumènes. Ils n’ont pas choisi un sacrement, mais une personne : Jésus Ressuscité. Nos communautés ecclésiales doivent être des lieux où ces nouveaux baptisés apprennent à vivre chrétiennement comme membres vivants du Corps du Christ. Un grand merci aux accompagnateurs, parrains et marraines qui ont été pour vous des aînés dans la Foi. Comme des enfants qui viennent de naître, ces nouveaux baptisés ont encore besoin de nous, et de toute la communauté pour grandir comme chrétiens. Cela s’apprend et demande du temps ! En Eglise-famille, laissions-les prendre leur place comme pierres vivantes et avec eux, construisons une famille belle qui rayonne, qui donne envie parce qu’elle est éclairée par la lumière du Christ Ressuscité.  Jésus ressuscité, envoie tes grâces et tes bénédictions sur chacun de nous, sur ces nouveaux baptisés, sur notre communauté ecclésiale, nos familles et notre monde. Amen

 

Homélie du Père Joseph de la veillée pascale, année C2025-04-23T10:24:58+02:00

Homélie du Père Joseph, Vendredi Saint, année C

Mes chers frères et sœurs

Nous aurions peut-être préféré nous passer du vendredi saint, de cette nuit de souffrance au Golgota… pour nous retrouver au matin de Pâques ! Certains chrétiens n’aiment pas le vendredi saint. D’ailleurs, les églises sont moins remplies qu’aux rameaux, le jeudi saint ou la veillée pascale. L’ambiance du vendredi saint est lourde et insupportable. Voir Jésus souffrir de cette manière à cause nous heurte notre sensibilité. « La multitude avait été consternée en le voyant, car il était si défiguré qu’il ne ressemblait plus à un homme ; il n’avait plus l’apparence d’un fils d’homme…, il était sans apparence ni beauté qui attire nos regards, son aspect n’avait rien pour nous plaire. Méprisé, abandonné des hommes, homme de douleurs, familier de la souffrance, il était pareil à celui devant qui on se voile la face ; et nous l’avons méprisé, compté pour rien ». C’est ainsi qu’Isaïe décrit le Serviteur souffrant. Que dire devant tant de souffrance ! Silence ! Nous n’avons rien à dire sinon pleurer sur nos péchés qu’il a portés. Après la Passion et la mort de Jésus, nous entrons dans le silence du deuil, mais le vendredi saint laisse en héritage la croix, le crucifix comme spécificité de l’identité chrétienne.

Le chrétien ne peut se passer de la croix du Christ.  Ce crucifix, nous l’avons dans nos églises, nos maisons, nous les portons autour du cou ou sur notre poitrine, nous les offrons à nos filleuls et à nos enfants. Ce soir, nous vénérons la croix ! Pourquoi ? Parce qu’elle représente l’Amour qui nous a aimé jusqu’à bout. Contemplons et adorons le Crucifié, Jésus élevé de terre, attirant à lui l’humanité entière à laquelle il ouvre largement ses bras !  A notre tour, ouvrons-lui nos bras !  Avec une infinie douceur, du haut de la croix, Jésus jette sur nous son regard et désire croiser le nôtre. Dans nos yeux, il verra ce qu’il y a dans notre cœur. Alors, ouvre ton cœur au Crucifié, montre-lui ce que tu portes et poses tes joies, tes peines, tes projets et tes angoisses au pied de la croix, avec la Sainte Vierge qui t’est donnée comme mère et le disciple bien-aimé qui te représente. De son cœur transpercé, Jésus fait jaillir sur toi l’eau et sang, symbole des sacrements qui sont cette source intarissable à travers laquelle il continue à t’abreuver et te laver.

Lorsque Jésus est arrêté dans le Jardin des Olivier, ses disciples sont plutôt impétueux, agressifs et prêts à faire l’usage d’une épée : « Or Simon-Pierre avait une épée ; il la tira, frappa le serviteur du grand prêtre et lui coupa l’oreille droite ». Ce soir, laisse Jésus te guérir de ta violence, de ta rancoeur, quels qu’en soient les causes et les responsables. Laisse Jésus purifier et protéger ton cœur par l’eau et le sang jaillissant de son Cœur transpercé.

Si les disciples sont perdus, lâches, traites, comme nous… Jésus nous rappelle que nos trahisons et nos lâchetés ne sont pas irréversibles : il a tout réparé sur la croix. Le plus important, c’est l’Amour qu’il déverse sur nous. Son Amour est infiniment plus fort que nos trahisons, nos misères et nos fragilités. Sa volonté de porter sur lui nos pauvretés est plus forte que nos propres pauvretés. Notre péché n’est rien devant l’abondance de sa miséricorde. Ta vie comme la mienne sont dans ses mains clouées qui n’ont jamais rien fait de mal, ces mains qui ont béni, nourri, purifié, touché nos lèpres, lavé nos pieds sales ! Ma destinée comme la tienne sont dans ses bras ouverts. Laissons donc Jésus crucifié prendre le contrôle de notre vie pour que nos propres douleurs, souffrances, angoisses soient portées, dépassées, vaincues et transfigurées par la puissance de l’Amour qu’il déploie la croix. Mettons-nous au pied de la croix avec la Vierge Marie, les saintes femmes et le disciple bien-aimé. Pleurons avec eux Jésus présent qui souffre et meure dans nos douleurs et nos deuils.

Au pied de la croix, nous sommes devenus les enfants de la Vierge Marie qui nous est donnée comme mère. Si Jésus nous demande de prendre soin de sa mère, rappelons-nous toujours que c’est plutôt la sainte Vierge qui prend soin de nous au quotidien. Lorsque nous pleurons, elle pleure avec nous et lorsque nous sommes dans la joie, elle chante avec nous le Magnificat. En nous mettant ensemble au pied de la croix avec elle, nous formons la grande famille des fils et filles, frères et sœurs dans le Seigneur mourant sur la croix et disciples dans l’Eglise naissant grâce à la présence du disciple bien-aimé qui reçoit Marie comme Mère.

En effet, c’est au pied de la croix, avec la Vierge Marie, que naît véritablement l’Eglise. C’est là que Marie devient la Mère de tous les nouveaux enfants, nés dans la foi du baptême. Rendons grâce pour plus de 10 000 adultes et 2000 collégiens et lycéens, et les milliers d’enfants qui seront baptisés en cette fête de Pâques en France pour faire partie cette grande famille des disciples, des frères et sœurs qui sont au pieds de la croix avec la sainte Vierge. Ce renouveau de la foi dans notre pays est la manifestation de la grâce du mystère pascal du Christ qui touche de plus en plus des personnes indépendamment de nos efforts et stratégies pastorales, pour devenir membres du Corps du Christ.

En ce temps difficile que traverse notre monde, restons au pied de la croix comme pèlerins de l’Espérance de la résurrection. Restons-là avec tous les crucifiés de notre temps dont Jésus a porté la souffrance. En effet, Jésus est encore crucifié dans beaucoup de visages autour de nous ! Il suffit d’ouvrir nos yeux, nos oreilles et notre cœur pour s’en apercevoir !

Allons-nous nous laisser déshabiller de notre orgueil par lequel nous cachons notre peur, nos fragilités, nos angoisses ? Permettons à la sainte Vierge, Notre-Dame des Douleurs, qui a recueilli Jésus dans ses bras, de nous prendre aussi sur ses genoux, de pleurer sur nous en versant sur nous ses larmes de tendresse maternelle, de nous couvrir, comme Jésus, d’un suaire de tendresse et de miséricorde ! Elle nous obtiendra la grâce d’être des enfants nouveaux, ressuscités à la vie nouvelle avec Jésus au matin de Pâques. Restons avec la Vierge Marie, en silence, pleurant nos misères, dépouillés de nous-mêmes, mais confiants et pleins d’Espérance grâce à l’Amour qui se livre sur la croix, et qui sortira vivant et victorieux du tombeau au matin de Pâques. Amen.

 

Homélie du Père Joseph, Vendredi Saint, année C2025-04-23T10:22:15+02:00

Homélie du Père Joseph, Jeudi Saint, année C

Chers frères et sœurs

Je ne sais pas si vous vous en rappelez, mais le jour de la Nativité, c’est-à-dire le 25 décembre au cours de la messe, l’évangile qui est proposé est le « Prologue de l’évangile selon Jean », c’est-à-dire les premiers versets même si les exégètes précisent unanimement que cette partie a été ajoutée plus tard après la rédaction du reste de l’évangile. Saint Jean commence par le récit de Jean le Baptiste au bord du Jourdain et ses disciples le quittent pour suivre Jésus. « Alors Jean rendit ce témoignage : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et il demeura sur lui. Et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : “Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, celui-là baptise dans l’Esprit Saint. Moi, j’ai vu, et je rends témoignage : c’est lui le Fils de Dieu. »  Le lendemain encore, Jean se trouvait là avec deux de ses disciples.  Posant son regard sur Jésus qui allait et venait, il dit : « Voici l’Agneau de Dieu. » Les deux disciples entendirent ce qu’il disait, et ils suivirent Jésus. Se retournant, Jésus vit qu’ils le suivaient, et leur dit : « Que cherchez-vous ? » Ils lui répondirent : « Rabbi – ce qui veut dire : Maître –, où demeures-tu ? » (Jn1,32-38 »

Que cherchez-vous dans votre vie ? C’est la question des toutes les questions que nous pose Jésus ? Saint Jean, le disciple bien-aimé qui resta au pieds de la croix, celui qui posait sa tête sur le cœur de Jésus au cours de la dernière Cène, nous conduit à travers son évangile pour répondre à cette question qui trouve sa réponse lors de la dernière Cène, celle-ci anticipant ce qui se passe le vendredi et au matin de Pâques. La chose la plus importante que nous cherchons tous dans notre vie, c’est l’amour qui comble notre cœur. Saint Jean nous rappelle qu’au cœur de la Cène, il y a le témoignage de l’Amour infini de Jésus pour nous.  « Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. » Jésus nous a aimé jusqu’au bout et aucun amour, en dehors du sien, ne peut combler notre cœur de manière définitive. Mais il faut y croire et se laisser faire par lui, le laisser nous aimer comme il veut. Jésus est le mendiant qui nous supplie de lui ouvrir notre cœur afin de le remplir e son Amour.

Comme nous le savons, l’amour n’est pas de la théorie, un concept, des paroles. Chacun de nous est en quête de cet amour qui se donne à nous, un amour qui se concrétise dans des gestes, et pas que nous pouvons déclamer à longueur des journées mais qui se volatilise lorsque l’épreuve se présente. Saint Jean nous dit : « Voici comment nous avons reconnu l’amour : lui, Jésus, a donné sa vie pour nous. Nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères. Celui qui a de quoi vivre en ce monde, s’il voit son frère dans le besoin sans faire preuve de compassion, comment l’amour de Dieu pourrait-il demeurer en lui ? Petits enfants, n’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité. » (1Jn 3, 16-18). Koffi Olomide, un chanteur congolais dit que l’amour n’existe pas, et qu’il n’y a que des preuves d’amour. Et nous nous savons que Jésus nous a dit qu’il nous aime par ses paroles, mais il nous le montre aussi par les gestes concrets de sa vie qui trouvent leur point culminant dans le mystère pascal qui commence lors de la dernière Cène.

Imaginons un le scénario de la dernière Cène. Les apôtres sont arrivés au cénacle après une journée de marche où ils ont sillonné la ville de Jérusalem où ils sont venus célébrer la Pâques juive. « Arriva le jour des pains sans levain, où il fallait immoler l’agneau pascal. Jésus envoya Pierre et Jean, en leur disant : « Allez faire les préparatifs pour que nous mangions la Pâque. »  Ils lui dirent : « Où veux-tu que nous fassions les préparatifs ? » Jésus leur répondit : « Voici : quand vous entrerez en ville, un homme portant une cruche d’eau viendra à votre rencontre ; suivez-le dans la maison où il pénétrera.  Vous direz au propriétaire de la maison : “Le maître te fait dire : Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ?” Cet homme vous indiquera, à l’étage, une grande pièce aménagée. Faites-y les préparatifs. » (Lc 23, 7-12)

Le soir venu, Jésus réunit tous ses disciples sans exception. Jésus réunissait souvent ses disciples pour qu’ils se reposent après des journées de mission. Mais ce soir, il y autre chose. Ces galiléens sont heureux d’être à Jérusalem comme des provinciaux heureux d’être à Paris, et qui se retrouvent après avoir visité la cathédrale Notre-Dame nouvellement reconstruite. Mais la joie laisse bientôt place à l’étonnement quand Jésus enfile un tablier, une bassine d’eau pour laver les pieds de ses disciples, un geste inattendu. Le messie qu’ils ont annoncé toute la journée dans les rues et sur les places publiques de Jérusalem, le voici à genou pour laver les pieds des disciples. Il y a aussi Juda Iscarioth, le traitre. Etait-il embarrassé sachant le coup qu’il avait déjà préparé contre Jésus ? Un exégète dit que le geste du lavement des pieds a conforté Judas dans son projet parce qu’en fait, devant lui, lavant ses pieds, s’est présenté quelqu’un qui voulait vivre, non pas comme le Maître mais comme une esclave. « Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous ? Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »

Je pense à l’embarras des disciples en présentant leurs pieds sales et qui sentaient mauvais. Un, deux, quatre, vingt, vingt-quatre… Tous les pieds sont lavés, un à un. Simon Pierre a voulu résister mais Jésus l’invite à se laisser faire. Tu ne sauras pas aimer les autres si tu ne me laisser pas t’aimer en premier. Tu ne sauras pas rendre service aux autres si tu ne laisses pas Dieu se mettre à ton service. C’est seulement après avoir fait l’expérience de l’amour véritable que tu pourras en témoigner. Nous ne pouvons véritablement témoigner que de ce que nous avons réellement vécu, et nous ne pouvons pas donner de l’amour que si nous en avons reçu un peu dans notre cœur. Nous ne pouvons accepter la fragilité des autres, leurs pieds sales et qui sentent mauvais que si nous avons accepté en premier que Jésus touche à nos propres fragilités et nos pieds sales. Sinon, nous restons sans pitié envers les autres.

Saint Jean ne nous explique pas l’institution de l’eucharistie, mais nous offre le cadre dans lequel cette dernière nous est donnée par le Christ : trahisons et service forment le cadre de la dernière Cène. L’eucharistie est manifestation l’abondance de l’amour que Dieu déverse sur nous qui malgré nos trahisons comme Judas et devient ainsi le moteur qui nous pousse à aller à la rencontre de nos frères et sœurs. Chaque fois que nous célébrons l’eucharistie, nous sommes plongés dans l’Amour et appelés à aimer à notre tour concrètement dans le quotidien. C’est pour cela que le concile Vatican II appelle l’eucharistie la source et le sommet de la vie chrétienne, source où nous nous abreuvons, sommet où nous portons nos vies fatiguées par le quotidien où nous n’avons cessé de nous donner les uns aux autres.

Ce soir demandons au Seigneur une grâce : celle de vaincre la dimension routinière de l’eucharistie ! Chaque eucharistie, chaque messe est un don sublime qui nous fait revivre le mystère pascal du Christ. Que le Seigneur nous nous rende capables de vivre chaque eucharistie avec émerveillement en nous plongeant dans cette nouveauté surprenante de l’intimité avec un Dieu fait homme par amour pour nous et qui nous a aimés jusqu’au bout.

 

Homélie du Père Joseph, Jeudi Saint, année C2025-04-23T10:22:05+02:00

Homélie du Père Joseph, dimanche des Rameaux, année C

Mes chers frères et sœurs

Nous arrivons au cœur du message de l’évangile : la passion et la mort de Jésus. Les évangiles peuvent être considérés comme un récit de la passion qui est précédé par une très longue introduction de tout ce que Jésus a fait et qui trouve son point culminant dans les mystères que nous contemplons en cette semaine sainte. La passion selon saint Luc est moins dramatique par rapport aux autres évangélistes. Il est moins violent et moins scandaleux, malgré cette souffrance nécessaire vécue avec paix intérieure et dans la confiance. Saint Luc attenue les éléments plus durs et fait entrevoir tendresse et miséricorde : les disciples ne fuient pas mais s’endorment parce que très fatigués et tristes, un ange console Jésus dans le jardin de Gethsémani. Pas de témoins accusateurs. Pilate tente à plusieurs reprises de relâcher Jésus, reconnaissant son innocence, les femmes de Jérusalem sont tristes et pleurent, le peuple est ému et même un de deux malfaiteurs crucifiés avec Jésus témoigne de sa bonté (le bon larron).  Seul saint Luc rapporte un geste : Jésus déjà arrêté guérit cependant l’oreille d’un serviteur blessé par un des disciples. Jésus reste profondément attentionné, capable de compassion, de pardon et de compréhension même envers ceux qui qui le persécutent.

Contemplons donc le « spectacle de la croix », « spectacle de l’amour » des dernières heures, chargées de silence, de peur, de douleur et de trahison. Jésus ne subit pas la mort : il l’embrasse librement en s’offrant soi-même jusqu’à la mort, comme expression suprême de son Amour.

Quelques contradictions sont racontées dans le récit la Passion. La foule enthousiaste qui accueille triomphalement Jésus en chantant « Béni soit celui qui vient, le Roi, au nom du Seigneur. Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux ! » (Lc 19, 37), est la même qui criera « crucifie-le ». Pierre dit d’être prêt à sacrifier sa vie pour le Seigneur, mais le reniera devant la question d’une simple servante. Les disciples qui étaient avec lui nuit et jour depuis trois ans, mais au moment le plus douloureux du Maître, certains s’endorment et d’autres s’enfuient. Ne parlons même pas de Judas.

Lorsque nous sommes devant le spectacle de la passion du Christ, ne cherchons pas à y trouver des bons et de mauvais. Cherchons plutôt notre propre présence, avec nos lumières et nos ombres. Nous sommes les disciples qui choisissons parfois de rester avec Jésus, parfois nous préférons de prendre la fuite, de temps en temps nous le trahissons, nous choisissons avec Pilate de le crucifier hors de Jérusalem, c’est-à-dire, en le mettant hors de nos vies. La passion du Christ raconte notre propre histoire à travers celle des disciples autour de Jésus.

La Passion est un spectacle d’amour, de la passion de Dieu pour l’homme. Le corps défiguré de Jésus révèle le visage défiguré de Dieu qui subit les humiliations et la torture par amour pour toi. Veux-tu vraiment de ce Dieu défiguré, un Dieu qui ne résout pas les problèmes, qui lave les pieds sales de ceux qui sont sur le point de le trahir, qui n’élimine pas la douleur mais la partage, qui ne nous sauve pas de la souffrance mais par et dans sa souffrance, qui ne nous sauve pas de la mort mais dans et par sa mort, qui meurt comme un chien. Veux-tu de ce Dieu qui souffre ?

Les guérisons, les miracles, avoir donné du pain à plus de 5000 personnes, tout ça n’a pas empêché sa condamnation à mort. Jésus monte au Calvaire au milieu de cette foule distraite, son visage couvert de sang cherche désespérément à apercevoir, sous la couronne d’épine, l’un de ses douze amis. En vain. Ils ont eu peur et n’avaient pas compris que Dieu tout-puissant seulement dans son Amour.  Sur le chemin, Jésus n’y arrive plus. Un étranger Simon de Cyrène est chargé de sa croix. Arrivé au Lieu-dit Le Crane (Calvaire) Jésus est crucifié avec ces longs clous de 20cm. Ici se termine l’histoire de Jésus de Nazareth. Satan revient pour la dernière tentation. « N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même et nous avec ! ». Mais il reste là parce que la croix est la révélation définitive de la nature de l’Amour. Elle nous rappelle que Dieu a pris subi et embrasse le mal et la mort par amour pour nous. Sa dernière parole est une confiance au Père : « Père, entre tes mains je remets mon esprit » et puis le silence.

Les choses devaient-elles se terminer ainsi, avec la victoire du plus fort et la défaite du plus faible ? La fermeture du tombeau semble ensevelir aussi les espérances que Jésus avait allumées dans les cœurs des disciples qui ont oublié que l’Amour ne peut pourrir dans un tombeau. Ce n’est pas la souffrance qui nous a sauvé, mais l’Amour du Crucifié donné jusqu’au bout, jusqu’à la mort. Devant le crucifié nous ne nous exclamons pas « comme il a tant souffert » mais bien « comme il nous a tant aimé ! ». Comme dit saint Paul aux Galates, « Jésus m’a aimé et s’est donné pour moi ». La croix n’est pas le signe de la souffrance de Dieu mais signe de son amour, de sa passion pour nous.

En cette semaine sainte, assieds-toi, arrêtes-toi, contemple et admires ce spectacle de la passion amoureuse de Dieu pour toi. Si pendant le carême, tu as été protagoniste et acteur par la prière, le partage et le pardon donné et reçu, pendant la semaine sainte, rappelle-toi que c’est Jésus le protagoniste principal. C’est lui qu’il faut regarder. Ne te demande pas ce que tu peux faire pour lui, mais émerveille-toi de ce que fait et a fait pour toi, pour nous.

Cherche ta place et ton rôle ! Un spectacle est toujours fait par des acteurs et protagonistes. Quel personnage es-tu dans le spectacle ? Il se peut que tu te retrouves parmi les disciples qui ont peur, qui ont fui, ou en Judas qui trahi, ou en Simon Pierre qui renie, ou centurion romain qui reconnaît que Jésus est un homme juste, ou alors les femmes au pied de la croix. Contemple en silence et trouve ta place dans ce tableau. Nous y sommes tous. Ne réfléchis pas mais ouvre surtout ton cœur à l’Amour qui se donne pour toi sur la croix et dans la mort. Cet Amour triomphera au matin de Pâques car l’Amour est plus fort que la mort. Merci Seigneur de nous donner un tel amour. Amen.

 

Homélie du Père Joseph, dimanche des Rameaux, année C2025-04-10T11:50:10+02:00

Homélie du Père Joseph, Ve dimanche de carême, année C

Mes chers frères et sœurs !

Le Carême est un appel au changement de vie, mais nous savons que nous avons besoin de toute notre vie pour nous convertir. Chaque jour qui passe est un appel à changer de vie et à accueillir la lumière. La conversion dont nous avons besoin, c’est l’appel à purifier l’idée parfois approximative, limitée que nous avons de Dieu. Même nous les catholiques pratiquants et disciples de longue date. La conversion, c’est aussi oser aimer à la mesure de Dieu qui, comme un père plein d’amour, fait la fête quand il voit son fils perdu revenir à la maison. La conversion, c’est imiter la mesure sans mesure de ce Dieu grand et fou d’amour pour nous et qui ne se fatigue jamais de nous chercher. Nous pouvons comparer Dieu à un GPS : quand nous nous sommes trompés de route parce que n’avons pas suivi l’itinéraire qu’il nous a proposé au départ, le GPS réinitialise et recalcule le trajet pour nous proposer un autre itinéraire qui nous conduit à notre destination. De même, Dieu réinitialise sans cesse et ne se fatigue jamais de nous chercher pour nous conduire au salut.

Après le beau récit du père prodigue avec ses deux fils sans amour de dimanche dernier, saint Luc nous propose aujourd’hui une des plus belles paraboles de la miséricorde et de la tendresse divine.  Saint Augustin note que cette parabole est tellement choquante, forte et paradoxale au point que les premiers chrétiens l’avaient presque effacée des textes et de leur mémoire. C’est l’histoire d’une femme adultère, dont nous ne savons pas le nom, prise en flagrance mais pardonnée sans condition. Pour ses accusateurs, elle est identifiée comme étant une pécheresse, une prostituée. Est-elle fiancée, mariée, heureuse, malheureuse dans sa vie personnelle ? Rien de sa vie n’intéresse ses délateurs prêts à l’exécuter au nom de Dieu et du respect de la Loi de Moïse. Remarquons aussi l’absence des témoins et de l’amant.

La Loi dit pourtant expressément qu’une personne peut être accusée d’adultère à la présence de deux témoins. Où sont-ils et qui sont-ils ?  Et l’amant, personne ne demande ne demande de le voir. Leur a-t-il échappé ? lui est-il réservé un autre sort en tant qu’homme ? L’’évangile ne dit rien. Ces justiciers de Dieu veulent tout simplement la peau de la femme. Point.

La tension est à son paroxysme. La Loi de Moïse, brandie comme une arme, n’est même pas respectée par ceux qui prétendent la faire respecter avec cynisme et hypocrisie On le voit avec le contexte géopolitique : derrière des raisons nobles se cachent parfois des sentiments mesquins. Parfois on parle de la défense de la démocratie, la paix, alors que derrière, on veut défendre les intérêts économiques ou stratégiques.

La femme est jetée par terre, au centre des cris et de la rage de la foule. Parfois on cherche à être au centre de l’attention pour recevoir la gloire. Mais il y a des moments où être à la une de l’actualité, au centre de l’attention est un véritable enfer. Ici, elle est au centre, couchée par terre, devant ses juges qui l’ont déjà condamnée.

Jésus est appelé à exprimer son opinion en tant que rabbi ! A quoi bon, parce qu’elle est déjà jugée et condamnée.  Jésus a compris que c’est un piège : si Jésus dit qu’il ne faut pas la lapider, il s’opposerait à la Loi de Moïse, ce qui est condamnable. S’il ordonne de la lapider, il contredit la loi romaine qui demande un procès : dans ce cas, Jésus ferait ainsi partie de tous les rebelles qui s’opposent à Rome. Pire encore, cela serait un démenti à sa vision d’un Dieu bon et miséricordieux.

La foule est folle de rage, manipulée par ceux qui veulent la condamnation de Jésus ce monsieur qui s’est improvisé prophète, rassemblant de plus en plus des foules et fréquentant des publicains, des pécheurs, des prostituées comme cette femme adultère.

Jésus s’abaisse et trace des signes par terre avec son doigt. Il se sait piégé. Il se tait et essaye de réfléchir contrairement à cette foule n’a pas manipulée.  Jésus fait de gribouille.  Dans la tradition sémitique, faire de gribouille était une façon de rassembler ses idées et contenir ses émotions. Jésus reste assis mais lève son regard. Sa réponse est devenue illustre, même pour les non croyants : « Que celui parmi vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ». Certes, cette femme a péché. C’est évidement. Personne ne peut le nier. Mais qui parmi nous n’a jamais commis de péché ? Cette question est vraie raclée aux accusateurs ! Jésus ne nie pas la validité de la loi et ne justifie pas que l’adultère soit quelque chose de bien ! Il va au-delà, à la source, à l’origine de la Loi faite le bien et la vie de l’homme, non pour l’opprimer. C’est vrai que cette femme a péché, mais elle a une histoire, un nom, une dignité, même la dignité de se tromper, de se racheter, de se convertir, de devenir meilleure. Jésus appelle à faire la distinction entre le péché et le pécheur, chose que les accusateurs n’arrivent pas faire.

Jésus met aussi dans le jugement une variable inattendue pour les accusateurs : la miséricorde, cette attitude typique de Dieu qui regarde notre misère avec son cœur. Oui, cette femme a péché, mais nous sommes tous pécheurs et valons plus que notre péché. C’est pour cela que l’Eglise est contre la peine de mort. Cette femme a bien péché, mais elle ne doit pas être clouée et identifiée à ses limites qu’elle peut changer si elle voit une autre issue. « Il se redressa et lui demanda :« Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? » Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »

Jésus a pardonné cette femme, comme il me pardonne aussi. Son pardon accordé m’appelle à la conversion, au changement de vie, à la conversion. Dieu nous appelle à faire de même. Nous pouvons aussi changer et devenir miséricordieux comme notre Père ! Nous pouvons aimer parce que nous sommes aimés de Dieu, pardonner parce que bénéficiaires de la miséricorde de Dieu. A l’approche des fêtes pascales, approchons-nous du cœur miséricordieux du Christ qui nous sauve, nous pardonne et nous appelle la conversion.

 

Homélie du Père Joseph, Ve dimanche de carême, année C2025-04-04T16:25:02+02:00

Homélie du Père Joseph, IVe dimanche de carême, année C

Chers frères et sœurs

Le contexte mondial nous rappelle combien la paix est vitale. Nous sommes en guerre, sur tous les plans : politique, économique, militaire…., même avec ceux qui étaient jadis nos amis. Rappelons-nous cependant que les grandes guerres, quelles qu’elles soient, sont d’abord la conséquence du petit dictateur que chacun de nous porte dans son cœur. Pour convertir notre cœur, devenir artisan de paix, il nous faut d’abord être pacifié en nous-même et avec nous-même. Il nous faut aussi convertir l’idée horrible du Dieu que nous portons parfois dans notre cœur. Pas un Dieu qui bénit les armées, qui envoie les soldats à tuer des pauvres civils innocents, dont le seul tort est d’être différents ou de ne pas partager nos opinions politiques ou religieuses. La paix du cœur naît de l’amour, du fait de se savoir aimés et capables d’aimer, là où les autres, le père, le frère, la sœur, ne sont pas des adversaires dont nous avons peur (et toujours pour des questions matérielles, le fameux héritage) mais tous enfants de Dieu malgré nos différences.

Les deux fils de la parabole ont une très mauvaise idée du Père ! Je parle de tous les deux. Le plus jeune, dévergondé, pense que Dieu soit un concurrent, un adversaire : si Dieu existe, je ne peux pas me réaliser, pense-t-il. « Je lui demande mon dû, ce qu’il me doit et qui m’appartient » (et puis dites-moi depuis quand un père doit un héritage à son fils). Il demande l’héritage par anticipation : ce qui veut dire, dans toutes les cultures, souhaiter la mort de son père. Il est tellement avide d’argent qu’il trouve que la seule et unique solution est d’espérer la mort de son père. J’ai rendu visite à une personne âgée qui m’avait dit littéralement : mon fils et ma belle-fille (qui ne me rendent quasiment jamais visite n’attendent que ma mort pour prendre mes biens ! Si nous sommes honnêtes, nous savons aussi que parfois nous prenons Dieu comme l’ennemi ! Non, Dieu ne veut que notre bien et personne ne veut notre bonheur plus que lui. Il a donné sa vie pour nous ! Alors, ne cherchons pas à le lui comme le fils cadet ! Ouvrons-lui nos cœurs car il ne veut que notre bien car il est ontologiquement incapable du mal !

Le fils cadet veut poser de la distance avec son père, se couper de ses racines, effacer le passé qui fait partie intégrante de ce qu’il est devenu, et de ce qu’il peut encore devenir. Il part et prend le large pour être libre, pense-t-il ! Il commence la belle vie ! Il se rend compte rapidement que l’argent dure très peu, surtout lorsqu’on ne fait que le dépenser. Il s’aperçoit aussi d’une chose dont nous devrions tous être conscients : si nous n’investissons que dans les choses matérielles et les jouissances, nous ne réussirons pas à combler notre cœur. Finie l’euphorie, la famine arrive. L’argent qui lui aurait servi à vivre l’a plongé dans la misère. Il n’a même rien à manger.

Il est dans la mouise ! Il lui faut du boulot pour se nourrir. Alors, il part se faire embaucher chez un inconnu. Il a honte de sa vie. La bande d’amis avec qui il faisait la fête a disparu. Il n’a plus personne autour de lui. Le prince de la fiesta, de la bringue est dans la mouise, le roi est rétrogradé à moins qu’un esclave. Il doit garder les porcs, l’animal impur par excellence dans le judaïsme. Il souffre de faim et n’a même pas droit de manger les gousses des porcs ! Sa vie et sa mort importent peu à son patron. La misère finit par dégeler son cerveau qui peut à nouveau commencer à réfléchir. Ce n’est pas l’amour pour le père qui le fait bouger mais son ventre vide qui souffre. Même dans sa stratégie, faire semblant de se repentir, se proposer à son père comme ouvrier (en sachant que son père n’accepterait pas cette humiliation qui déshonore la famille)…tout ceci montre qu’il n’a rien compris de son père. En fait, il ne s’est pas repenti mais se met en chemin.

Il revient à la maison, contre son gré, la peur au ventre. Et voilà que quelque chose d’inattendu s’opère : le père l’attendait et va à sa rencontre ! Un père qui courre est inimaginable, surtout dans la tradition orientale ! Normalement, le père devait rester ferme, fièrement debout et attendre des gestes d’humilité de son fils. Mais il coure à sa rencontre et l’embrasse. Alors, ce fils dévergondé commence son baratin d’excuses qu’il a tellement répété mille fois en cours de route. Il a bien aiguisé les paroles, pesé chaque mot, vérifié le ton de sa voix ! Bref, un personnage de théâtre déclamant toutes les bonnes raisons pour être admis de nouveau. Le père l’interrompt ! Pas d’excuses ! Pas la peine ! Peu importe ! Il sait que son fils n’est pas encore prêt et n’est pas du tout repenti. Mais il lui redonne sa dignité symbolisée par l’anneau, l’alliance qui est le seau de la famille, les sandales aux pieds et bel habit de fête. Le pardon n’est pas la prime accordée à notre pénitence, comme nous le pensons parfois. Le père donne le pardon sans condition, en espérant que son geste convertisse enfin le cœur du fils et pour susciter sa conversion.

Fatigué, le fils aîné revient du travail ! Il est blessé et furieux de voir cette fête que le père improvise pour honorer son frère cadet. Comment lui donner tort ? Humainement, il a complétement raison. Il trouve injuste que son père ait accueilli l’autre fils, qu’il n’ose plus appelle « frère » (« ton fils que voici », dit-il à son père, après que ce dernier ait dépensé sa part d’héritage avec les prostituées, – un détail qu’il ajoute pour enfoncer son petit frère alors qu’il ne pouvait pas le savoir, étant donné qu’il n’avait de ses nouvelles). Le père essaye de lui expliquer les raisons de la fête : son frère était mort, il est revenu à la vie, il était perdu, il est retrouvé. Le fait que ce dernier revienne vivant est suffisant pour faire la fête. Le père supplie l’aîné et le prie d’entrer. Et puis ?  Il n’y a pas de happy end comme dans les films romantiques.  L’évangéliste saint Luc s’arrête là. Il ne nous dit pas si le fils aîné est entré faire la fête, si le fils cadet s’est vraiment converti, si les deux frères se sont retrouvés heureux autour de leur père. Rien !  La parabole reste ouverte, sans solution facile, sans faire du moralisme !

Tu peux rester avec le Père sans le voir, travailler avec lui sans t’en réjouir, ça dépend de toi que ta foi ne soit qu’une observance et respect des lois et rites, mais sans amour, sans joie envers Dieu et envers les autres. Notre Dieu nous considère comme adultes et libres. Il nous décider sans interférer dans nos choix de vie. La foi est un don, une vertu théologale, mais c’est aussi un choix : il nous appartient de choisir en quel Dieu nous croyons. Croyons-nous en un Dieu qui nous empêche d’être heureux, comme le fils cadet ? Dans ce cas, nous ne sommes pas vraiment libres et heureux, et c’est très dommage ! Croyons-nous en un Dieu patron sévère dont nous avons peur et devant qui nous nous comportons comme des simples ouvriers ? C’est dommage. En chacun de nous se cache à la fois le fils cadet comme le fils aîné. En ce dimanche de la joie, ouvrons-nous nos cœurs au père qui nous appelle au vrai bonheur et nous donne son amour sans compter, connaissant l’étroitesse de notre cœur. La vraie foi est un appel à la joie parfaite, à la fête, à nous accueillir les uns les autres comme frères et sœurs malgré nos différences…. Mais la décision nous appartient, parce que Dieu nous laisse paradoxalement libres. Seigneur, en ce temps de carême, touche nos cœurs, apprends-nous la vraie liberté et ouvre nos cœur à la Joie de ton Amour. Amen.

 

 

Homélie du Père Joseph, IVe dimanche de carême, année C2025-04-10T11:50:53+02:00

Homélie du Père Clément, IIIe dimanche de carême, année C

 « Un cœur lucide et un Dieu patient »

Frères et sœurs bien-aimés,

Un jour, alors que Thérèse se rendait au Carmel avec sa sœur Céline, elles croisent un homme enchaîné, conduit en prison. Ce criminel, menotté, avait commis un crime grave (on suppose un meurtre), et sa physionomie frappante la bouleverse.

Thérèse écrit : « Un jour, en allant au Carmel, nous avons rencontré un pauvre criminel conduit en prison. Céline croyait que je détournerais la tête, mais ce n’est pas ce que j’ai fait. J’ai regardé fixement ce malheureux. Je voulais voir le regard d’un homme qui avait commis un crime mortel. Je priais pour lui de tout mon cœur, sentant que sans la grâce divine, j’aurais pu tomber aussi bas que lui, je me sentais capable de tout le mal. »

Ce regard qu’elle pose sans jugement, mais avec compassion et une grande lucidité sur la misère humaine et sur sa propre faiblesse, reflète l’humilité radicale de Thérèse et sa conscience vive de la miséricorde divine.

Le Carême avance, et la Parole de Dieu vient aujourd’hui nous toucher là où nous sommes : au cœur de notre vie quotidienne, marquée par des drames, des questions, des lenteurs, des stérilités parfois… mais aussi habitée par la grâce, la patience, et l’appel à la conversion.

Et si tout cela était une parole de Dieu pour nous ?
Et si les accidents, les événements troublants, et même les apparentes stérilités de notre cœur, étaient des invitations à nous réveiller intérieurement ?
C’est ce que Jésus nous enseigne dans l’Évangile, en deux temps très percutants.

  1. Face aux catastrophes : l’appel à la vigilance et à la lucidité (Lc 13,1-5)

Jésus est interpellé sur deux tragédies :
un massacre sanglant (Pilate tuant des Galiléens),
– et un accident mortel (la chute de la tour de Siloé).

Et sa réponse est surprenante :« Pensez-vous que ces victimes étaient plus coupables que les autres ? Non, je vous le dis. Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. »

Ce n’est pas la peur qui pousse Jésus à parler ainsi, mais l’amour du vrai.
Il ne cherche pas à expliquer le mal, ni à faire le tri entre les bons et les méchants. Il nous invite à ne pas détourner les yeux, à ne pas fuir la réalité. Chaque événement dramatique, chaque secousse de la vie, est une sonnette d’alarme, un appel à revenir à l’essentiel.

Les faits divers nous bouleversent ? Mais que disent-ils sur notre propre vie ? Sommes-nous prêts à rencontrer Dieu ?

Sainte Thérèse de Lisieux disait avec une incroyable lucidité : « Si la grâce de Dieu ne m’avait pas soutenue, j’aurais pu être à la place de ce criminel. »

Elle voyait dans le mal des autres un miroir de sa propre fragilité, et cela ne la faisait pas désespérer, mais s’abandonner davantage à l’amour miséricordieux de Dieu.

  1. Le figuier stérile : la patience divine et la chance du sursis (Lc 13,6-9)

Jésus poursuit avec une parabole : un figuier planté dans une vigne, qui ne donne aucun fruit depuis trois ans. Le propriétaire veut le couper. C’est logique, non ?
Mais le vigneron – image de Jésus lui-même – intercède :« Laisse-le encore cette année… je vais bêcher autour, mettre du fumier… Peut-être donnera-t-il du fruit. »

C’est ici le portrait bouleversant de Dieu que Jésus nous révèle :
– un Dieu patient,
– un Dieu qui travaille la terre dure de notre cœur,
– un Dieu qui ne désespère jamais de nous, même après de nombreuses années de stérilité.

Un Dieu patient et un cœur disponible

Frères et sœurs,
Ne laissons pas passer ce Carême comme une formalité.
Le temps est court. La grâce est là. Dieu nous offre cette année de plus pour porter du fruit.

Alors, comme Thérèse, reconnaissons humblement : « Tout est grâce. »

Et si nous sommes encore stériles, que cette prière jaillisse de notre cœur : 🙏 Prière finale (inspirée de Thérèse)

Seigneur, je ne suis pas un figuier glorieux.
Je suis souvent sec, fermé, sans fruit.
Mais je Te tends mon cœur.
Bêche autour de lui. Verse ta patience.
Et fais-y grandir une fleur de vie, une fleur d’amour.
Et si je tombe, relève-moi.
Car je crois en ta miséricorde plus qu’en ma misère.
Amen.

 

 

Homélie du Père Clément, IIIe dimanche de carême, année C2025-04-10T11:50:40+02:00
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