Mes chers frères et sœurs !
Lors des confessions et dans mes échanges avec vous, j’ai souvent entendu « Père Joseph, je crains malheureusement de n’avoir pas été un bon parent. J’ai l’impression d’être passé à côté et avoir échoué la transmission de la foi à mes enfants parce qu’aujourd’hui aucun de mes enfants va à l’église, même pas à Pâques ! D’ailleurs, mes petits enfants sont déjà en primaire et aucun n’est baptisé ! » Douleur des parents et grands-parents qui m’a souvent été exprimée. Combien parmi vous ressentent la même douleur et souffrent du fait que leurs enfants ou petits-enfants se désintéressent de la foi chrétienne. Ces parents et grands-parents se sentent parfois coupables et responsables de cette situation, pour avoir peut-être trop forcé ou pas assez proposé à leurs enfants d’aller à la messe, au KT, à l’aumônerie…
Une chose est vraie : la foi chrétienne est une question de liberté. Ce n’est pas aux parents ou aux grands parents de porter la responsabilité coupable du rejet de la foi de la part leur descendance, surtout s’ils ont essayé de « donner de faire au mieux » à travers l’éducation offerte aux enfants. Ceci vaut aussi pour la transmission des valeurs. Ce couple bien engagé dans le monde associatif et solidaire, pour qui le partage est vraiment une valeur importante, mais qui est déçu que leur petit dernier ne pense qu’au profit et à devenir toujours plus riche, à gagner toujours plus d’argent, ou ceux pour qui la famille est importante et qui voit certains de leurs enfants mener un style de vie qui les coupe du reste de la famille, tout le contraire de la philosophie de vie des parents et de l’éducation donnée. Nous transmettons des valeurs à nos enfants, à nos élèves et étudiants, leur donnant le bon exemple, mais à un certain moment, ayons l’humilité de les laisser assumer librement et de manière responsable ces valeurs, au risque même de les rejeter ! Nous sommes responsables de la transmission, du témoignage, de l’exemple donnés autour de nous, mais pas de ce que les autres décident de faire.
Dans l’éducation et la transmission de valeurs, le témoignage et l’exemple valent plus que toutes les belles théories du monde. C’est beau d’apprendre aux enfants les préceptes, les enseignements, les grandes prières qu’ils faut mémoriser, un catéchisme théorique sur le contenu doctrinal de notre foi ! Je trouve dommageable le déficit doctrinal chez nos enfants, voire même chez nous les adultes. Je rêve que nos enfants aient un maximum de connaissance doctrinale de notre foi. Mais tout ceci pourrait s’avérer inutile si ce n’est pas accompagner par l’exemple et le témoignage concret dans le quotidien. Je dis toujours aux parents qui demandent le baptême de leur enfant que c’est l’exemple et le témoignage d’une vie de foi chez les parents qui marquera leurs enfants. Beaucoup d’adolescentsdisent, quand ils écrivent leur lettre de demande de confirmation par exemple, combien l’exemple et le témoignage de foi des grands-parents a été décisif et déterminant dans leur propre cheminement de foi.
Parfois on pense avoir tout loupé dans la transmission, mais à de moments décisifs et cruciaux de leur vie, nous sommes surpris de nous rendre compte que finalement, certaines valeurs sont enracinées dans le cœur de nos enfants, petits-enfants car ils réagissent en fonction de cela, en nous disant, avec beaucoup de reconnaissance : « papa, maman, merci de m’avoir transmis cette valeur sur laquelle je puis m’appuyer aujourd’hui. »
Le soir du jeudi Saint, lors de la Dernière Cène, Jésus nous laisse un témoignage, un bon exemple. Après trois années passées à parcourir la Galilée, la Samarie et la Judée, rejoignant même les périphéries ; après avoir accompli des signes, de prodiges, des miracles ; après avoir enseigné sur les places, dans les synagogues, le temple et les maisons particulières, Jésus, « ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout ». Le dernier soir qu’il passe avec ses disciples, c’est-à-dire, Jésus décide de leur laisse un exemple et un témoignage qui devra les accompagner pendant toute leur vie.
Jésus accomplit un geste symbolique, apprécié par certains mais incompris par d’autres parmi ses disciples. Le lavement des pieds était un geste de l’esclave, du serviteur envers son maître ; un geste de soumission par lequel on affirmait de manière claire qui commandait. « Quand il leur eut lavé les pieds, il reprit son vêtement, se remit à table et leur dit : « Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous ? Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »
Par ce geste, Jésus redit et souligne clairement que ce qui doit commander dans la communauté de ses disciples, c’est le souci des autres et le service. Il est important de constater que Jésus fait ce beau geste au cours de la soirée où fait l’institution de l’eucharistie. Malheureusement les disciples n’ont pas bien compris. Dans le récit de la Passion selon saint Luc que nous avons écouté le dimanche des Rameaux, au moment de l’institution de l’eucharistie, c’est-à-dire du lavement des pieds, il est apparu une discussion entre les disciples pour savoir qui était le plus grand parmieux. « Les Apôtres commencèrent à se demander les uns aux autres quel pourrait bien être, parmi eux, celui qui allait faire cela. Ils en arrivèrent à se quereller : lequel d’entre eux, à leur avis, était le plus grand ? Mais il leur dit : « Les rois des nations les commandent en maîtres, et ceux qui exercent le pouvoir sur elles se font appeler bienfaiteurs. Pour vous, rien de tel ! Au contraire, que le plus grand d’entre vous devienne comme le plus jeune, et le chef, comme celui qui sert. Quel est en effet le plus grand : celui qui est à table, ou celui qui sert ? N’est-ce pas celui qui est à table ? Eh bien moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert. » Cette discussion montre bien que l’exemple du lavement des pieds n’a pas été bien intégré dans les cœurs des disciples ! Il vient de leur laver les pieds, mais eux sont toujours tenté par le pouvoir !
Vivre sa mission pastorale, professionnelle, politique comme étant un service est un combat, un travail permanent. Prions pour ceux qui ont le pouvoir, ceux qui doivent décider pour la destinée des pays et du monde, celle de l’Eglise car, comme disait un de mes enseignants, le pouvoir corrompt forcément et il nous faut faire attention chaque jour à cette tentation de pouvoir qui nous guète tous, qui que nous soyons. L’esprit de service commence d’abord dans le cercle familial, avec le conjoint, les enfants, les parents, la fratrie. Nous ne serons jamais de serviteurs dans l’Eglise si nous sommes incapables de nous laver les pieds au sein de notre cercle familial. Malheureusement, même dans nos missions ecclésiales, nous ne sommes pas toujours dans un esprit de service : consciemment ou inconsciemment, de manière sournoise, nous tombons dans la tentation du pouvoir, et parce que nous sommes souvent des bénévoles, nous avons du mal à reconnaître ce piège du pouvoir.
Dans le geste du lavement de pieds, il y a déjà, de manière implicite celui du baptême qui nous lave de tout péché, et du péché originel. C’est pour cette raison que j’ai voulu laver les pieds des futurs baptisés à Pâques et leurs accompagnateurs. Grâce au baptême, nous sommes configurés au Christ prêtre, prophète et roi. Ce roi que nous contemplons lavant les pieds des disciples, et demain vendredi saint, couronné d’épines, est un roi-serviteur.
Par le baptême, nous devenons des serviteurs appelés à rendre le monde plus solidaire, plus juste, plus fraternel, à rendre l’Eglise plus belle et plus vivante. C’est dommage que beaucoup de baptisés pensent que le plus important est seulement d’aller à la messe, de faire des prières et qui ne se soucient guère de s’engager, de servir dans l’Eglise et dans le monde. Rappelons-nous toujours qu’après l’eucharistie, Jésus nous envoie dans le monde pour le glorifier par nos engagements et notre témoignage, partageant ainsi avec les autres l’Amour dont il nous comble. Eucharistie et service forment un binôme que le Christ nous laisse à la Dernière Cène, dans l’institution de l’eucharistie et le lavement des pieds. Puisse Jésus, que nous recevons dans le pain et le vin consacrés, celui que nous adorons à la consécration, faire de nous des serviteurs à son image. Amen.