Mes chers frères et sœurs
Après la fête de la Sainte Trinité, nous contemplons un autre mystère tellement grand, mais tellement familier à tel point que nous risquons de le sous-estimer ! Toute chose que nous vivons au quotidien, qui devient familier court le danger de devenir banal. Parce que nous le vivons chaque dimanche, ou même chaque jour (parce qu’il y a des gens qui vont à la messe même chaque jour !), nous courons le risque de banaliser la messe et tout ce que nous y vivons. Prions pour que le Saint Esprit nous aide à comprendre et accueillir le mystère que nous célébrons dans chaque messe : la présence réelle du Christ de l’eucharistie, c’est-à-dire celle du pain et du vin consacré. C’est cette réalité extraordinaire que nous célébrons dans chaque messe, un repas répété avec fidélité au Christ qui a dit, lors de la Dernière Cène, la première eucharistie : « Ceci est mon corps livré pour vous, ceci est mon sang versé pour vous et pour la multitude : faites-ceci en mémoire de moi ».
Malheureusement, cet acte répété souvent risque de devenir banal, trop familier, posé par pure habitude et perdre sa saveur et sa profondeur. Prions et faisons attention pour que l’eucharistie ne devienne jamais pour nous, pour notre communauté un geste mécanique, routinier et banal. La messe est toujours cette rencontre joyeuse avec ce Jésus, Fils de Dieu, qui se donne, de manière spéciale mais réelle dans le Pain et le Vin qui, après la consécration, deviennent « réellement corps et sang du Christ ». C’est l’extraordinaire miracle de la messe ! Dans l’eucharistie, c’est Jésus lui-même qui se rend présent et se donne à nous dans le pain rompu et le vin consacrés par un prêtre. C’est parce que Jésus est réellement présent au moment de la consécration que l’Eglise invite les fidèles à se mettre à genoux, dans la mesure du possible.
Le Concile Vatican II rappelle que l’eucharistie est la source et le sommet de la vie chrétienne. Notre vie chrétienne, reçue dans le baptême, puise sa force et sa vitalité dans l’eucharistie. C’est cette force vitale qui soutient notre vie dans le monde pour rendre témoignage du Christ vivant en nous et faire ainsi de nouveaux disciples qui viennent se nourrir et s’abreuver à la même source. L’eucharistie, la modalité par excellence où Jésus se donne à nous au quotidien. Si tel est le cas, je me suis toujours demandé pourquoi les fidèles ne participent pas massivement aux messes ! Parmi les excuses ou les raisons, j’entends des gens qui trouvent que les messes sont ennuyeuses ! (les enfants), que les assemblées ne sont pas toujours sympathiques et accueillantes ( les étrangers, les jeunes parents qui ont des enfants qui courent partout et qui se font regarder de travers par quelques mamies qui n’aiment pas des bruits d’enfants à la messe), que les homélies sont trop longues et pas toujours de bonne qualité, (je pense aux intellos qui critiquent tout le temps les homélies des prêtres ! Ce serait intéressant de faire les homélies à tour de rôle pour que chacun de vous se mette un peu à notre place !), que les chants ne sont pas assez joyeux, (Dieu merci nous avons la chance d’avoir Lèv aujourd’hui et des bons animateurs et musiciens dans nos paroisses le dimanche !) ou d’autres raisons telles que le repos dominical après une semaine chargée et stressante….
Toutes ces excuses sont compréhensibles, mais insuffisantes par rapport à ce qui se joue à la messe qui est le lieu où Jésus lui-même se donne, indépendamment des chants, de l’assemblée, de l’homélie, de l’accueil des assemblées habituelles…. Pour me faire l’avocat de ceux qui ne viennent pas pour ces raisons évoquées, rappelons-nous toujours que c’est parce que ce qui se joue à la messe est tellement important qu’il nous faut soigner, préparer, célébrer avec joie, par la beauté de nos chants et nos gestes. Notre participation active doit être à la hauteur de Dieu qui se donne dans la messe…
Au désert, le peuple Hébreu qui mourrait de famine avait été nourri avec la manne et la caille tombé. Quand le peuple mourrait de soif, il a été abreuvé par l’eau de Massa et Mériba ! Cela manifestait la présence de Dieu qui prend soin de son peuple. Nous sommes le peuple de la Nouvelle Alliance nourri par le corps du Christ et abreuvé par son sang. La vraie nourriture qu’est la chair du Christ, la vraie boisson qu’est le sang du Christ nous nourrissent et nous abreuvent pour avancer, grandir en vue de la fécondité de la vie chrétienne en nous. Rappelons-nous toujours qu’un chrétien qui ne se nourrit pas de l’eucharistie court le risque de voir mourir sa vie baptismale. De même qu’un corps qui ne se nourrit pas risque de mourir, de même, une âme chrétienne qui n’est pas nourrie par l’eucharistie risque de dépérir.
Il m’arrive très souvent de rencontrer des fiancés venus demander le mariage à l’église, des parents qui demandent le baptême pour leur enfant dire : « j’ai la foi, mais je n’ai pas besoin ou je ne sens pas le besoin d’aller à la messe ! ». C’est là que je pense à l’anorexie spirituelle : la personne malade d’anorexie ne sent pas le besoin de manger ayant perdu toute envie de manger… Son corps privé de nourriture est amaigri et dépérit petit à petit, mais la personne ne s’en rend pas compte.… Il suffit alors de manger un peu pour avoir encore un peu de force et de vigueur. De même, sans s’en rendre compte, des chrétiens baptisés sont devenus des « anorexiques spirituels » parce qu’ils ont perdu l’envie et le besoin de participer à l’eucharistie, se privant ainsi de ce qui ressource et requinque la vie chrétienne.
Dans la deuxième lecture, saint Paul s’adresse à une communauté secouée par les divisions à cause des personnalités fortes et de leurs conditions sociales très différentes, exactement comme notre communauté paroissiale. Saint Paul leur rappelle que l’eucharistie fonde et cimente la communion et l’unité entre eux malgré leurs différences. Aujourd’hui encore, dans certaines communautés, groupes, services … les membres sont divisés à cause de leurs fortes personnalités, leur responsabilité, les petites jalousies et querelles de pouvoir, les appartenances politiques… ! Tout cela n’a plus de place quand nous célébrons l’eucharistie parce que c’est Jésus qui nous réunit. Nous communions à son corps pour être en communion entre nous. L’eucharistie appelle et construit l’unité, invite à remettre le Christ au centre de notre vie communautaire. L’Eglise n’est pas un club de gens parfaits et intelligents…mais une communauté de gens différents appelés et réunis autour du Christ, et qui sont nourris par le même pain et abreuvés à la même coupe. L’eucharistie devient ainsi le catalyseur de notre unité et de notre communion, malgré nos différences réelles.
C’est le sens de la fête du Corps et du Sang du Christ. La question n’est pas la langue, la formulation, le rite, de forme liturgique… mais la foi. C’est vrai qu’il serait mille fois mieux si nos assemblées étaient plus accueillantes, plus joyeuses, nos chants plus beaux, nos églises propres, nos homélies brillantes.… Mais, ne nous faisons pas d’illusions ! Beaucoup ne viennent pas à la messe surtout parce qu’il leur manque la grâce de la foi que c’est Jésus lui-même qui est réellement présent et qui se donne à nous dans le pain et le vin consacrés. Que cette eucharistie nous obtienne la grâce de la fraîcheur de foi et d’une passion amoureuse pour l’eucharistie. Amen.