Mes chers frères et sœurs !

« Si vous m’aimez ! »  Voilà une expression que Jésus reprend plusieurs fois dans sa soirée d’adieu, le jeudi saint, en s’adressant à ses disciples. Au cours de cette soirée, Jésus parle à ses disciples à cœur ouvert. Il leur livre ses émotions et ses sentiments les plus intimes. Les apôtres ne comprennent pas tout ce qu’il leur dit, comme on l’a pu le voir aussi dimanche dernier à travers les questions posées par Philippe et Thomas.

« Si vous m’aimez !», « Si tu m’aimes ! »  Nous utilisons cette expression en s’adressant nos enfants, nos parents, notre conjoint, nos paroissiens, nos amis, nos collègues… « Si tu m’aimais, tu devrais faire ceci pour me le prouver », « Si tu m’aimes, tu ne devrais pas faire cela…. », expressions que nous utilisons pour tester l’amour de l’autre,  l’éprouver, vérifier si l’autre nous aime réellement comme il le prétend ou comme nous le souhaiterions. Il parait que les pervers narcissiques aiment bien s’adresser aux proches en abusant de cette expression !  Négativement, cette expression peut porter un jugement, une remise en cause de l’amour de l’autre.  « En fait, si tu ne fais pas ceci, cela veut dire que tu ne m’aimes pas ! ». En utilisant abusivement cette expression, nous nous comportons comme des petits dictateurs affectifs, des juges qui fixent les conditions, les règles, les paramètres que l’autre doit observer pour démontrer et prouver son amour pour nous.…  Il parait qu’un prêtre qui ne voulait pas quitter sa paroisse avait incité ses paroissiens à écrire à l’évêque : « Si vous m’aimez, vous devez écrire à l’évêque pour lui dire tout le bien que vous pensez de moi pour que je reste ici ! » Et l’évêque qi disait que chaque fois que des paroissiens doivent écrire pour empêcher la nomination de leur curé, cela lui conforte dans la conviction qu’il faut absolument changer ce curé, et prouve en cela que son rapport avec les paroissiens n’est pas chaste !

« Si vous m’aimez ! » Cette expression a fait naître d’autres plus fortes encore, mais malheureusement dangereux dans leur contenu. Par exemple, nous affirmons « aimer à la folie » une personne. « Aimer au-delà du raisonnable », qui dit tout le contraire de l’amour car « aimer, amours », sont des expressions parmi les plus galvaudées du vocabulaire. Dire qu’on aime quelqu’un, et poser un geste qui dit tout le contraire de l’amour ! Par exemple, le meurtrier passionnel désespéré affirme avoir tué sa victime par amour, parce qu’il l’aimait trop ! C’est la contradiction paradoxale de tuer la personne que nous aimons parce que nous l’aimons à la folie ! Là on voit se mélanger amour, folie et égoïsme au paroxysme !

Jésus utilise aussi plusieurs fois cette expression le jeudi saint !  Mais que veut-il dire quand il s’adresse ainsi à ses disciples ? Il ne demande pas des preuves ni des conditions à respecter, comme le ferait un manipulateur narcissique. Jésus ne veut pas  culpabiliser ses disciples en leur disant « Si vous m’aimez, vous observerez mes commandements ».

Le premier de tous les commandements, c’est : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Jésus nous rappelle que nous sommes capables d’aimer vraiment, en vérité, sans égoïsme qu’à condition d’accueillir son amour inconditionnel pour nous. Nous devenons « capables d’aimer amour grâce à l’Amour que nous recevons de lui ». Un enfant qui se sent mal aimé, qui est convaincu de n’être pas aimable ni aimé de personne aura beaucoup de mal à aimer ses copains à l’école ! Nous aimons, nous sommes capables d’aimer seulement parce que nous avons d’abord reçu de l’amour.  « Dieu le premier nous a aimés, et nous devons nous aimer les uns les autres… ! » C’est Dieu qui nous rend capables d’aimer les autres. Nous n’aimons pas parce que nous sommes plus sensibles, meilleurs que les autres… Nous aimons parce que nous sommes d’abord aimés de Dieu.

Vu ainsi, le commandement de l’amour perd toute sa dimension juridique d’obligation et de loi. Ce commandement devient le modèle de l’amour vrai, le mode concret que nous avons de manifester notre affection aux autres.  Dire à quelque « je t’aime mais je refuse de te rencontrer », « je t’aime mais je te laisse mourir de faim ou de solitude », est une contradiction ! A quoi sert un amour qu’on ne cesse de répéter, de déclamer comme un refrain à longueurs journées mais qui ne se concrétise jamais dans les œuvres ?

Le même soir où Jésus donne ce nouveau commandement aux disciples, leur en donne aussi un exemple concret dans le lavement des pieds et de sa vie donnée jusqu’au bout sur la croix. C’est là qu’il nous redit c’est Lui qui est le modèle de l’amour : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés », c’est-à-dire, accueillez mon amour pour que vous deveniez capables de vous aimer personnellement et de vous aimer les uns les autres. Aimer les autres comme Jésus les aime, et s’aimer soi-même comme Jésus nous aime, telle est la dynamique de la morale chrétienne : le cœur du chrétien est appelé à devenir un vase qui se remplit de l’amour de Dieu, un amour tellement énorme qu’il déborde pour irriguer tout ce qui se trouve autour de nous !

Cependant, très souvent, nous ne sommes pas capables d’accueillir l’amour de Dieu. Nous nous en approchons, mais nous refusons de l’accueillir en nous parce que nous nous reprochons quelque chose, parce que le Malin nous dit que nous n’en sommes pas dignes d’être aimé de Dieu, parce que la part obscure en nous nous accuse, créant au fond de nous un sentiment de culpabilité qui nous condamne et nous juge. Nous sommes alors remplis de sens de culpabilité, écrasés par un jugement très sévère sur nous-même…

Et là encore, c’est Jésus qui vient à notre secours en nous envoyant le paraclet, comme il le promet à ses disciples « Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous ». Le saint Esprit que nous attendons à la Pentecôte, que nous avons déjà reçu au baptême et la confirmation est ce Défenseur, l’Avocat envoyé par Jésus d’auprès du Père et qui nous guérit de la terrible logique du jugement et de culpabilité envers nous-mêmes en envers les autres. L’Esprit saint révèle la vérité sur nous même pour nous aider à prendre conscience de nos limites, de nos fragilités, pour nous convertir ou pour nous révéler le merveilleux cadeau que nous sommes ou pouvons devenir pour les autres, pour le monde, pour l’Eglise.

Cette vérité sur vous, révélée par le saint Esprit nous aide à demeurer dans le Christ. Demeurer dans l’amour, ne jamais se désespérer de ses péchés, ne pas céder à la culpabilité morbide du Malin qui nous écrase, approfondir sa foi, désirer cheminer chaque jour en sainteté, à la suite du Seigneur, voilà ce que le saint Esprit provoque en nous.  Le saint Esprit nous aide ainsi à rendre compte de l’espérance chrétienne qui est en nous, parce qu’il nous rend aimables et aimants parce nous aide à réaliser combien nous sommes d’abord infiniment aimés de Dieu avant toute chose !

En cette semaine qui nous conduit vers l’Ascension, ensuite vers la Pentecôte, prions le Seigneur d’envoyer sur nous le saint Esprit, le Défenseur, l’Avocat par excellence, l’Esprit de vérité, de liberté et d’Amour qui fait de chacun de nous, dans nos familles, dans l’Eglise, dans le monde, un vrai témoin d’Amour. Amen.