Mes chers frères et sœurs !
Il arrive, bien sûr que Dieu nous rende visite, très souventsans nous en rendre compte. Dieu nous visite le plus souvent mais nous refusons d’accueillir parce que nos cœurs sont barricadés ou alors parce que nous avons à le reconnaitre. C’est l’histoire de cette famille qui, au cours de la prière familiale, reçoit de Jésus la promesse de la visiter. La date et l’heure sont bien fixés. Arrivé le jour, tout le monde dans la famille s’est bien endimanché. Grand ménage dans la maison, pas une seule petite poussière sur les meubles. Grand service de table et grande cuisine. L’arrivée de Jésus était prévue vers 18h30, l’heure habituelle de l’apéro. Vers 18h20 quelqu’un sonne à l’entrée. Tout le monde se précipite, s’attendant à accueillir Jésus les bras ouverts. Mais, déception ! C’était un clochard et médiant qui venait demander un peu de pain. Ce dérangement du SDF risquait de gêner le visiteur de marqueJésus que toute la famille attendait. On lui file vite fait 5 euros le suppliant de déguerpir sans tarder. Le clochard s’en allant sans se faire supplier.
La famille a attendu jusque tard dans la nuit. Finalement,déçue et résignée, la famille est obligé de diner, pour faire la prière familiale ensuite. Au cours de la prière, la maîtresse de maison s’adresse à Jésus, lui confessant la déception de toute la famille pour cette visite promise mais pas honorée. Jésus leur explique sereinement qu’il honore toujours ses promesseset rappelle à la maîtresse combien lui-même avait été d’avoir été refoulé quand il a sonné à 18h20. « Mais non, c’était un clochard qui a sonné et nous lui avons simplement dit de passer un autre jour ! Et Jésus leur dit : oui, j’étais ce clochard que nous avait refusé d’accueillir ! ». Dans le diocèse de Bukavu, nous avons eu la chance d’avoir un archevêque qui a marqué par sa simplicité. Il était rarement en clergyman et s’habillait sans beaucoup d’attention. Très souvent, on l’a traité de sentinelle de nuit à cause de son habillement et son apparence extérieur. Il avait l’habitude d’aller rendre visite aux communautés des prêtres et des religieuses le soir, à des heureux improbables, mais se faisait refouler par les agents de sécurité ou les cuisiniers à cause de son habillement. Ce Serviteur de Dieu, Mgr Christophe Muzihirwa a été assassiné par les Rwandais en octobre 1996 et son procès en béatification est en cours !
Très souvent, Dieu nous rend souvent visite mais nous refusons de l’accueillir, parce que nous avons du mal à le reconnaitre surtout en période d’épreuve. Dans la première lecture, Abraham nous invite à ne pas laisser nos épreuves barricader notre cœur à la rencontre avec le Seigneur. Dieu avait promis une descendance nombreuse à Abraham, mais dix longues années sont passées, et toujours aucun enfant. Abraham avait vécu beaucoup de choses avec Sarah son épouse, mais le fils promis n’était toujours pas arrivé. Alors, Abraham est assis, résigné, à l’ombre du chêne de Mambré.
Le message principal de la liturgie de la Parole de ce dimanche est de nous rappeler l’importance de l’hospitalité. Être chrétien, c’est réaliser chaque jour que Dieu est présent dans notre vie, qu’il nous rend visite à travers les hommes et les femmes que nous côtoyons dans notre vie, surtout les personnes les plus délaissées et méprisées. Le Seigneur nous demande ainsi de prendre soin les uns des autres, en nous accueillant mutuellement. Nous sommes capablesd’accueillir le Christ dans notre maison, nos familles, comme Abraham qui accueille avec joie ces trois personnages, comme nous pouvons le lire dans la première lecture : « Dès qu’il les vit, il courut à leur rencontre depuis l’entrée de la tente et se prosterna jusqu’à terre. Il dit : « Mon seigneur, si j’ai pu trouver grâce à tes yeux, ne passe pas sans t’arrêter près de ton serviteur. Permettez que l’on vous apporte un peu d’eau, vous vous laverez les pieds, et vous vous étendrez sous cet arbre. Je vais chercher de quoi manger, et vous reprendrez des forces avant d’aller plus loin, puisque vous êtes passés près de votre serviteur ! »
Ces trois personnages sont la préfiguration de la Trinitésainte qui renouvelle à Abraham la promesse d’avoir un enfant avec Sara. Quand on ouvre son cœur et sa maison aux autres, en particulier aux étrangers et aux pauvres, on accueille le Seigneur : « J’étais un étranger, vous m’avez accueilli… Chaque fois que vous l’avez fait à l’un des plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ! » nous dit le Seigneur. Si nous sommes accueillants et si nous vivons l’hospitalitéenvers nos frères et sœurs, nous accueillons le Christ comme Marie et Marthe de Béthanie. Accueillir Dieu, ouvrir son cœur et sa maison à Jésus permet à nos vies de devenir fécondes. C’est ce qui arrive à Abraham et Sara ! Cette rencontre au Chêne de Mambré ouvre une nouvelle étape dans la vie d’Abraham et Sarah.
C’est la même chose qui se passe à Béthanie ? On peut s’imaginer la scène. Nous sommes en fin d’après-midi, après une journée caniculaire comme celle que nous vivons depuis quelques jours. Jésus a beaucoup marché pour rejoindre ce village. Nous ignorons depuis combien de temps ils se connaissent, mais nous savons que Jésus est très ami avec Marthe et Marie qui ont presque le même âge que lui. Béthanie, la maison de Marthe et Marie est une sorte d’endroit où Jésus « devient vraiment un homme normal » : loin des foules, des apôtres et des disciples, Jésus retrouve des amis personnels dans cette famille.
La maison de Marthe et Marie me fait penser parfois à ces familles où un prêtre peut aller, invité ou pas, quel que soit l’heure, pour se poser, en short, en polo, bermuda, en chemise hawaï, prendre un café, une bière ou un verre de vin, manger sans chichi, rire, pleurer ou craquer sans avoir honte d’être un homme normal, discuter de tout et de rien, sans être interrogé sur la dernière polémique théologico-pastorale ou le dernier scandal dans l’Eglise…Bref, toutes ces maisons où le prêtre peut prendre un petit bol d’air frais, amical et fraternel sans prise de tête. A Béthanie, Jésus oublie la tension et les intrigues de Jérusalem. Il peut parler librement, se sent vraiment accueilli, met de côté ses fonctions de rabbi, oubliant les accusations de Jérusalem pour, pendant une soirée, retrouver le plaisir simple et profond de l’amitié et de la complicité.
Jésus voudrait que nous ayons ce même type de relation simple avec lui. Il veut que nous l’invitions, que nous préparions chaque jour notre maison pour l’accueillir, s’asseoir avec lui, avec simplicité, rire et plaisanter avec lui. Dans cet extrait qui nous parle d’hospitalité amicale et simple à Bethanie, Jésus nous apprend à ne pas compliquer nos relations avec lui et avec les autres. Alors que Jésus veut de la simplicité et de la vérité, pour certains chrétiens que nous sommes, j’ai parfois l’impression que nous aimons que tout soit compliqué avec Dieu et avec les autres. C’est comme si, pour nous, plus c’est compliqué dans les relation, mieux c’est ! On se complique la vie dans nos relations avec notrepropre famille, les proches, les voisins, les membres de la communauté…. On dirait même que les relations difficiles et compliquées constituent un boosteur de vie pour certaines personnes. Cela fait fuir Jésus. Essayons de retrouver la profondeur simple et vraie de la foi, la simplicité dans nos liturgies, nos prières, dans notre relation avec Dieu et avec les autres, comme nous le contemplons à travers cette amitié entre Jésus et les sœurs de Lazare.
Ecoute et action, contemplation et activité est un autre enseignement de cette rencontre de Béthanie. Marie écoute le Seigneur, assise à ses pieds, comme faisaient tous les disciples en présence d’un rabbin. Marthe elle, se charge de la logistique : comment mieux accueillir Jésus. Marthe et Marie représente deux dimensions de la vie intérieure que nous avons tendance à opposer, alors qu’elles doivent aller de pair et se complètent et s’enrichissent mutuellement ! C’est la prière et l’action. La prière nous envoie forcement à agir et notre action, pour être vraiment féconde, trouve sa source et sa motivation première dans la prière. Rappelons-nous que la devise bénédictine donnée par saint Benoit lui-même dans sa Règne est « Ora et labora » (prière et travail). Dans un monastère ou abbaye, la vie est rythmée par la prière et le travail.
Marie, dans cet évangile, représente la nécessité d’écouter la Parole de Dieu, la garder dans notre cœur, s’en abreuver. Chaque chrétien doit dire chaque jour « parle Seigneur, ton serviteur, ta servante t’écoute » L’origine de chaque vie de foi, le cœur de toute expérience religieuse est et reste la rencontre intime et mystérieuse avec la Parole de Dieu. Dans nos vies tellement mouvementées, stressantes et remplies, retrouvons le goût de la prière et du silence comme source de sérénité et de joie !
Marthe réaliste la béatitude de l’accueil, de l’hospitalité, d’un amour qui se fait concret. Elle sait que l’écoute de la Parole de Dieu est importante, mais elle sait aussi que si la prière ne change pas concrètement notre vie, celle-ci reste stérile et inféconde. Par son action, Marthe nourrit le Christ que sa sœur Marie adore. Une prière réellement authentique débouche forcement sur le service des frères. Si notre charité, notre activité, notre apostolat, notre mission ne trouvent pas leur source et leur accomplissement dans la prière, ils deviennent stériles et asséchants. Jésus ne demande pas à Marthe d’arrêter de faire la cuisine : il lui demande de ne pas s’agiter et d’arrêter de râler, de récriminer et de fonder son action dans l’écoute. A travers ces deux visages de Marthe et Marie, Jésus nous apprend comment doit être conduite notre vie de foi. Puisse l’exemple d’Abraham, Marthe et Marie inspirer nos rencontres d’été où nous avons la chance d’accueillir ou de rendre visite aux familles et aux amis, afin que nos rencontres emplies de joie et de simplicité renforcent en profondeurs nos relations amicales et familiales. Amen