Mes chers frères et sœur !
Au comment de préparer cette homélie hier soir, j’ai eu un petit malaise liturgique ! Je m’attendais à récit d’évangile dans la logique des récits deux dimanches précédents : Il y a 15 jours, c’était des disciples deux par deux, et dimanche dernier Jésus invitait ses disciples à se mettre à l’écart et à se reposer un peu, bref, à prendre un peu des vacances.… !
Au fond de moi, j’aurais bien préféré de lire un évangile qui nous dise que les disciples se sont réellement reposés et ont vraiment pris des vacances… Ce n’est pas le cas. Ce dimanche, nous contemplons Jésus et ses disciples poursuivis par une foule immense qui les empêchent de prendre un peu de repos. Combien parmi nous ici sont aussi poursuivis par le boulot même pendant leurs vacances à cause du téléphone portable, de l’ordinateur…qui nous obligent à rester accessibles et joignables, même en vacances ! L’entreprise de Dieu, dont la mission est de s’occuper de cette foule assoiffée et affamée a besoin, à tout moment, du PDG Jésus et de tous ses cadres. Quelqu’un m’a dit récemment que quand on est un grand cadre, on est presque condamné à rester joignable tout le temps !
L’évangile de ce jour nous décrit une grosse urgence à la laquelle il faut trouver une solution. « Jésus leva les yeux et vit qu’une foule nombreuse venait à lui. Il dit à Philippe : « Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? ». Jésus a pitié et est saisis de compassion pour cette foule affamée. Pour lui, il faut urgemmentfaire quelque chose. Devant cette foule affamée, il demande à ses disciples de trouver une solution. Mais la solution proposée par les disciples est celle que nous proposons aussi très spontanément devant la misère dans le monde. Leur réponse en gros : « Qu’ils se démerdent ! Ils n’ont qu’à se débrouiller !» Pardon d’être aussi vulgaire ! C’est la réponse de Philippe : « Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas pour que chacun reçoive un peu de pain ».
Le raisonnement des disciples et leur solution toute-faite, bien pratique, logique, la seule économiquement tenable qu’ils proposent est de renvoyer la foule affamée. Cela me fait penser certaines solutions que la Communauté Internationale, l’Union Européenne, le FMI, la Banque Mondiale ou la BCE donnent à certains drames et tragédies de l’humanité. Devant certains les drames, comme la famine, la guerre dans certains pays, la misère croissante… nous préférons parfois fermer les yeux pour ne pas voir… car voir et toucher réellement la souffrance de l’autre nous obligerait à faire quelque chose.
Prenons un exemple, tellement flagrant, qu’est celui de ces migrants qui meurent dans les embarcations de fortune sur la Méditerranée, ou dont les bateaux de sauvetage sont parfois interdits d’accoster par les différents pays. Ils fuient des zones des conflits, persécutés en Libye, en Tunisie, en Turquie par les réseaux criminels des passeurs. Les pays européens les rejettent. Récemment, un ami du réseau Welcome m’a parlé d’un Afgan qu’il accueillait et qui a dû se suicider devant le refus de sa demande d’asile et l’OQTF (Ordre de quitter le territoire Français ! Quel drame !). Devant la crise migratoire, nous avons des solutions logiques toute faites et prêtes ! La France, l’Europe ne peut pas accueillir toute la misère du monde ! L’Union européenne est prête à payer des milliards à la Turquie juste pour qu’elle empêche à ces migrants d’arriver nos son territoire. J’ai même appris récemment que certains pays de l’UE proposent à des pays africains comme le Rwanda pour être un « pays de transit » pour les demandeurs d’Asile ! Je ne sais pas si vous pouvez l’imaginer le Rwanda ! Le Rwanda est un pays minuscule, tellement dense, le plus dense d’Afrique, où les gens se marchent presque dessus ; et là, c’est à ce petit pays qui étouffe déjà qu’on demande et qui accepte d’accueillir encore des demandeurs d’asile qui veulent aller en Europe….simplement pour que cette misère migratoire ne nous atteigne pas, pour ne pas la voir de nos yeux, car voir cette misère nous obligerait forcément à faire quelque chose.
Nous n’avons qu’à les renvoyer chez eux en Afrique, en Syrie, en Irak, au Liban…tant pis s’ils meurent dans cette guerre et ces conflits même si c’est aussi nous qui les avons provoqués chez eux directement ou indirectement ! Nous oublions que ce sont certaines de nos politiques qui parfois provoquent ce chaos dans ces pays ! Certaines solutions proposées vont même plus loin : J’avais entendu un politique qui avait proposé de bombarder en pleine mer toutes ces embarcations pour qu’elles n’atteignent pas nos côtes méditerranéennes ! C’est très cynique et diabolique, mais ô combien pratique !
« Faites-les asseoir et donne-leur vous-même à manger ! » Jésus nous responsabilise. Inutile de chercher à qui la faute ! Nous sommes là devant un drame, et au lieu de disserter des heures et des heures, Jésus nous demande de réagir avec notre cœur et de tenter des solutions de cœur ! Tout d’un coup, devant l’insistance de Jésus, voici que les disciples cherchent d’autres solutions ! Ils auraient quand même pu se bouger plus tôt ! André a une tentative de solution généreuse : « Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit : Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ! » Voilà comment devrait réagir un chrétien : essayer de trouver une solution, essayer d’être généreux, même si nos solutions sont être limitées.
Devant la souffrance qui nous entoure, sous sommes appelés à faire notre part, de manière généreuse et responsable et ensuite Dieu fera sa part. En effet, pour 5 mille hommes et tant de femmes et d’enfants, 5 pains et deux poissons sont « rien », un simple petit pique-nique d’un enfant perdu au milieu de la foule. Un adage dit que ce sont les petits ruisseaux qui dont des grands fleuves. La générosité de ce jeune-garçon me fait penser à la légende du Colibri dont j’ai discuté récemment avec un couple de fiancés qui se marient en bientôt. La fiancée, travaille dans une banque, et elle n’en peut plus, elle est scandalisée de voir la misère s’accroitre alors que quelques personnes deviennent de plus en plus riches. Pour que cela puisse changer et vivre dans un monde plus juste et plus solidaire, cette demoiselle pense aux solutions politiques, structurelles et globales. Je lui parlé de cet évangile, avec ce pique-niqued’un jeune garçon qui permet à Jésus de faire le miracle le plus connu du Nouveau Testament, car le récit de la multiplication des pains est repris 6 fois dans les quatre évangiles. Pour changer le monde, nous ne pouvons pas attendre que les autres réagissent.
Nous sommes appelés à faire notre part, comme dans la « légende du colibri » : Un incendie se produit dans une forêt où il y a tous grands et petits animaux. Quelle tragédie qui provoque un sauve-qui-peut ! Mais le colibri, petit oiseau, s’en va à la mer et de bon bec, amène une goutte d’eau qu’il déverse sur le feu pour éteindre l’incendie, puis revient. Les gros animaux, lion, éléphants… se moquent de lui en lui faisant comprendre que le mieux est de se sauver, au lieu de vouloir éteindre un grand feu avec goutte d’eau alors que les canadairs n’y arrivent pas. Le colibri leur rétorqua : « moi je fais ma part et j’essaye de trouver une solution ! Peut-être que si vous aussi vous vous y mettez, vous qui êtes plus grands et plus forts que moi, nous pouvons arriver à éteindre ou au moins à ralentir l’incendie »
Cet enfant de l’évangile a accepté de mettre son pique-nique à la disposition de tous. Le miracle que l’on appelle souvent « la multiplication des pains », appelons-le aussi le « miracle du partage et du coeur généreux ». Cet enfant n’a pas encore la tête et le cœur bourrés et pollués par tous les calculs macro-économiques ! Il a simplement accepté de partager parce qu’il a un cœur et c’est cela qui provoque un miracle. Aujourd’hui encore, Jésus se sert de notre générosité de pour manifester sa puissance.
Je ne voudrais pas entrer aujourd’hui dans les considérations théologiques de ce miracle en parlant de sa symbolique eucharistique. Je voulais simplement voir, dans le geste de cet enfant, une invitation au partage dans notre société et dans notre monde devenu de plus en plus individualiste et égoïste. Peut-être, cet évangile est un appel à penser à partager avec ceux autour de nous qui ne peuvent pas avoir les moyens de partir de vacances ! Nos mains, notre pain, nos pieds, notre bouche, notre cœur généreux…sont les outils dont le Seigneur veut se servir pour nourrir, guérir et prendre soin de nos contemporains souffrant. Que cette eucharistie nous obtienne à chacun de nous la grâce chacun d’avoir un cœur généreux comme ce jeune garçon de l’évangile. Amen