Mes chers frères et sœurs
« Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. C’est en vain qu’ils me rendent un culte ; les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains ». Avec cette citation du prophète Isaïe, Jésus nous renvoie nous ouvre son cœur et invite chacun de nous à regarder son propre cœur pour vérifier, si mon cœur est petit ou grand, large ou étroit, fait de chair, sensible ou dur comme une pierre. Jésus me demande de regarder objectivement et en vérité ce qui sort de mon propre cœur, quels sont mes désirs les plus profonds, quelles questions sont fondamentales pour moi car elles sont au cœur de ma vie.
Tout est parti du comportement des disciples, un agir qui scandalise et choque les scribes et les pharisiens car il est contraire à la tradition. La polémique tourne autour de l’halakah, c’est-à-dire la pratique des préceptes et prescriptions reçus de la tradition, et en l’occurrence, le fait que les disciples prennent leur repas (littéralement manger des pains) sans se laver les mains, c’est-à-dire avec des mains impures. Il s’agit ici d’hygiène. Imaginez un peu si nous étions en période Covid19 avec les gels et le lavement de mains à répétition ! Les disciples de Jésus auraient eu beaucoup de problèmes avec les défenseurs du respect des mesures barrières que sont les scribes et pharisiens ! Là, je fais de l’anachronisme qui ne veut pas dire que ceux qui respectent ou appellent à respecter les mesure barrières sont des scribes et pharisiens, car dans ce cas, j’en fais partie.
En réalité, dans la Torah, la Loi de Moïse exigeait de faire des ablutions rituelles des mains seulement aux prêtres, surtout lorsqu’ils offraient le sacrifice. Mais au temps de Jésus, il y avait quelques mouvements des radicaux. Des radicaux, il y en a à toutes les époques, comme aujourd’hui et dans tous les domaines : nous avons des radicaux politiques de gauche comme de droite, des radicaux écolo, des radicaux économiques, des radicaux en morale, des radicaux religieux, comme les talibans… et il y a même des talibans dans le christianisme ! Ces radicaux du légalisme religieux multipliaient les prescriptions de la Loi, avec une particulière obsession autour du thème de la pureté.
Jésus lui était totalement libre et laissait ses disciples libres de ces observances qui n’avaient pas été demandées par Dieu. Jésus fait une distinction entre ce qui est une volonté de Dieu de ce qui est une coutume humaine, forgée par des hommes qui se déclarent fidèles au Dieu d’Israël. En réalité, ces radicaux religieux, ces puritains appellent « tradition » tout ce qu’ils ont eux-mêmes réfléchi, inventé et mis en place au cours de l’histoire. Jésus dénonce cette hypocrisie de la distance entre cette adhésion des lèvres à Dieu et le cœur qui restent totalement éloignés de lui. Ces scribes et pharisiens allaient certainement très fréquemment au culte, ils célébraient chaque semaine le Shabbat, étaient assidus à la liturgie, bref, des gens qui extérieurement étaient très croyants. Cependant il leur manquait une authentique adhésion du cœur, celle qui exige que l’on vive et agisse en cohérence avec ce que nous disons en parole. Jésus nous disait de nous méfier d’eux car ils disent mais ils ne font pas.
Croire et adhérer au Seigneur, c’est l’aimer vraiment et aimer son prochain. Saint Paul nous dit dans son « l’hymne à l’Amour », dans sa première lettre aux Corinthiens que j’ai beaucoup entendu lors des mariages célébrés cet été que c’est la Charité, c’est-à-dire l’Amour théologale qui est le critère ultime de vérification de ce qui est dans notre cœur, et non pas ces prescriptions que les scribes et pharisiens objectent à Jésus et à ses disciples en parlant de nourriture impure, des mains impures et des personnes impures avec lesquelles nous pouvons entrer en contact. Nous parlons très souvent actuellement cas-contact pour lutter contre la pandémie de la Covid19. De même, toute personne qui étaient cas-contact avec un lépreux à cette époque était considéré comme impure.
Chacun de nous devrait se demander s’il ne lui arrive pas de considérer certaines personnes comme impures, à mettre à part, avec qui il ne faut pas se mélanger parce que gens ne font pas les choses comme on le voudrait, parce que nous n’avons pas la même sensibilité politique, idéologique, ou pour des raisons sociales, philosophiques, sanitaires, religieuses ? Jésus nous invite à ne jamais traiter un frère ou une sœur d’impur, et cela interroge ma manière de regarder et de traiter ceux qui m’entourent. Dans ma vie, il y a un « toucher les autres » qui craint et fait mal, comme celui des scribes et des pharisiens, et un toucher qui aime et qui sauve, comme celui de Jésus. Comment touchons-nous les autres, comment regardons-nous les autres ? En ayant peur d’eux, en les écartant, en les traitant d’impurs comme les scribes et les pharisiens, ou en les accueillant, en les aimant comme le Seigneur ?
Jésus nous laisse libre ! La liberté est bien le grand thème qui est au cœur de l’évangile. En cette période rentrée, je pense à la communauté que nous formons. La paroisse, la communauté, c’est ce lieu dans lequel rien et personne ne peut nous rendre impur, lieu où rien et personne ne peut être considéré comme impur, car tout le monde doit trouver sa place au sein de la communauté. N’oublions jamais qu’un scribe et un pharisien peut se cache en chacun de nous, avec leur hypocrisie qui sépare la foi en Dieu de l’Amour du prochain. Les lois de la tradition humaine avec ses les lois ajoutées disaient qu’il fallait séparer l’amour de Dieu de l’amour du prochain. Jésus nous dit au contraire que le premier et le plus grand des commandements, inséparable, c’est aimer Dieu de tout son cœur, de toutes ses forces, de toute son âme, et d’aimer son prochain comme soi-même.
Jésus nous rappelle l’importance du cœur ! C’est du fond de notre cœur que sortent les intentions mauvaises. Le cœur est le centre des décisions et des sentiments. Le cœur est le centre des intentions, pensées, sentiments et Jésus nous dit que peuvent être mauvais. Jésus dit dans l’évangile :« C’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses : inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. Tout ce mal vient du dedans, et rend l’homme impur. »
Il nous arrive tous de pécher par intention, en pensées. Mes intentions mauvaises, je peux certes les cacher à tout le monde, mais Dieu sait et voit tout ce qui se passe dans mon coeur, tout ce qui pollue mon âme appelée pourtant à être sa demeure. Imaginez que quand on laisse ces intentions et pensée mauvaises s’entasser dans notre cœur, c’est comme quelqu’un qui laisse le désordre et la poussière, la saleté s’entasser dans sa maison au point que nos amis n’ont plus envie de se faire inviter chez nous à cause de cette poussière et mauvaises odeurs que dégage notre maison !
De la même manière, Dieu n’a plus envie d’habiter dans mon âme polluée par mes pensées et intentions mauvaises, cette rancœur que je laisse grandir, cette jalousie que je nourrie envers les autres. Le Seigneur nous connait plus intimement que nous même. Il sait de quoi nous sommes pétris. Il nous aime, non pas parce que nous sommes des gens bien, vertueux, pour nos qualités, mais bien parce qu’il est Amour et veut nous sanctifier si nous lui ouvrons notre cœur en lui demandant de le purifier par sa présence.
Puisse l’eucharistie que nous célébrons aujourd’hui nous donner la grâce d’un cœur pur et d’une âme purifiée de tous ses sentiments, pensées et intentions qui risquent de nous polluer. Amen.