Mes chers frères et sœurs !
Dans la première lecture, le prophète Isaïe nous rappelle une donnée fondamentale de notre foi : il n’y a qu’un seul Dieu et Seigneur devant qui chaque humain doit révérence et obéissance totale en se soumettant à sa volonté « que ta volonté soit faite sur terre comme au ciel » disons-nous dans le Notre Père. Yahvé dit en effet : « Je suis le Seigneur, il n’en est pas d’autre : hors moi, pas de Dieu. Je t’ai rendu puissant, alors que tu ne me connaissais pas, pour que l’on sache, de l’orient à l’occident, qu’il n’y a rien en dehors de moi. Je suis le Seigneur, il n’en est pas d’autre. »
Ces paroles sont une invitation à observer la volonté de Dieu même quand celle-ci s’oppose à certaines opinions et lois sociales. C’est là que les choses se compliquent car elles posent la question du rapport entre la religion et la politique, débat qui existe depuis toujours, et dont on parle beaucoup surtout lorsque certaines lois s’opposent objectivement aux préceptes chrétiens. Je pense surtout aux lois autour de la vie humaine, de la conception à la mort. Pensons aux dernières lois bioéthiques, à la clause de conscience pour les médecins…. Il s’agit ici d’une question très difficile du rapport entre foi, conscience, religion et la loi civile ou politique. Il est évident que le chrétien doit être un bon citoyen, appelé à respecter la loi, mais nous savons aussi que parfois nous sommes confrontées à des lois qui ne sont pas moralement bonne. Ce n’est pas parce qu’une loi a été voté au parlement que celle-ci devient moralement acceptable. Il est inutile de vous donner des exemples, tellement ils sont nombreux.
L’évangile de ce dimanche nous rappelle que même Jésus a été mis face à ce même débat : « Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à l’empereur ? » Pas facile de répondre à cette question pour Jésus : certains ont commencé à contester son autorité comme messie, nous sommes sous la domination romaine, avec l’empereur Tiber, qui exige de tous les citoyens de 14 à 65 ans de son empire de payer un impôt annuel qui était aussi une sorte de reconnaissance de la divinité de l’empereur. Cet impôt ne plaît pas à certains groupes nationalistes en Israël qui, au nom de l’Unique Dieu d’Israël à qui tous doivent obéissance et respect, faisaient de la résistance pour se libérer de la domination de l’empire Romain.
« Est-il permis oui ou non de payer l’impôt de César ? » Si Jésus répond par l’affirmatif, il aurait vu se déchaîner sur lui la colère de tout le peuple l’accusant de nier l’autorité exclusive du Dieu d’Israël. Si au contraire il avait répondu par le négatif, Jésus aurait été considéré comme un rebelle qui s’oppose à l’autorité de l’empereur. Jésus était bien piégé de part et d’autre Dans sa réponse : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. », Jésus expose le principe fondamental du rapport chrétien par rapport à l’autorité civile ou politique. La foi chrétienne ne dispense pas de l’obéissance aux autorités auxquelles elle reconnaît l’autonome légitimité dans leur domaine.
Notre prof de la Doctrine Sociale de l’Eglise rappelait que normalement, l’orsqu’un bon chrétien devait signer sa fiche d’impôt, il devait le faire avec le sourire car, il rendait service à son pays et à ses frères et sœurs. C’est la justice distributive qui fait que nous avons un bon système social en France. Je sais qu’il n’est pas parfait, mais il n’est pas mal… Vous n’avez qu’à aller dans les pays voisins ou ailleurs dans le monde pour vous en rendre compte. Nous ne nous en rendons compte que quand nous en sommes directement bénéficiaires, lorsque nous sommes malades par exemple. Je pense à cet ami, âgé de 40 ans, père de deux enfants, qui doit faire de la dialyse 5 jours par semaine et qui m’avoue être personnellement impressionné par tout le coût de ses soins pris intégralement en charge par la Sécu ! Sa sœur lui a donné son rein et il est presque sorti d’affaire…. Dieu merci !
Combien parmi nous, comme moi-même, ne nous rendons compte de ce à quoi servent nos impôts que quand nous sommes malades ou en difficulté ? De même, le Denier que vous donnez à l’Eglise ici sur l’ensemble paroissial est un geste de Solidarité (et un devoir) qui permet à toute l’Eglise de Toulouse de vivre, cela permet aux paroisses plus riches de porter et soutenir aussi l’action des paroisses plus pauvres car tout va dans la même caisse de solidarité. Il nous faut donc payer nos impôts et obéir aux lois de la République. Il nous faut aussi être solidaires en donnant généreusement au Denier de l’Eglise, surtout nous qui sommes pratiquants et chaque dimanche à la messe.
Parlons un peu de votre générosité au Denier de l’Eglise ! Si l’impôt au Trésor Public est un geste de solidarité, rappelons-nous aussi que le Denier est la principale ressource de l’Eglise catholique en France qui ne reçoit aucune subvention de l’Etat. Et quand vous donnez au Denier, qui est déductible des impôts, (65%) vous obligez l’Etat à soutenir la vie de l’Eglise. Mais, pour vous dire, je suis convaincu que même vous, qui êtes à la messe le dimanche, vous ne donnez pas au Denier. La preuve : à Tournefeuille nous avons seulement 340 donateurs, 140 à Lardenne, 101 à Saint Simon, 132 à Plaisance du Touch et 45 à La Salvetat. Au total, 600 donateurs sur un ensemble paroissial qui compte presque 85 000 habitants. Les 80% des donateurs sont âgés de plus de 65 ans. Où sont toutes ces jeunes familles qui ont des enfants au KT, au scoutisme, à l’aumônerie, baptêmes des petites enfants, les jeunes mariés, ces jeunes grands cadres dans les grosses boîtes qui ne sont pas payés au SMIC en plus… Il est temps que chacun de nous interroge sa propre générosité et son souci de faire vivre l’Eglise qui a besoin de vous, comme vous avez besoin d’elle. Notre famille ecclésiale ne vivra pas sans vous !
Jésus souligne dans cet évangile : « rendez à Dieu ce qui est à Dieu » et là, les choses sont plus compliquées car il ne s’agit pas d’un parallèle entre César et Dieu. Le changement est radical. La monnaie portait l’image et l’effigie de César, et donc lui appartenait. Nous, nous portons en nous l’image de Dieu car nous avons été faits à l’image et à la ressemblance de Dieu. En plus, grâce au baptême, nous sommes marqués par le saint Esprit qui fait de nous le temple du Seigneur. Saint Paul nous rappelle que nous appartenons au Seigneur. Dieu est celui en qui nous recevons l’être, la vie, l’agir, Celui qui nous donne d’exister et à qui nous devons tout. « Qu’as-tu que tu n’aies reçu du Seigneur ? Et si tu as tout reçu du Seigneur, pourquoi en tirer orgueil ? » Notre relation avec le pouvoir public est celui du donner et recevoir, donner et avoir. On se rappelle tous du donnant-donnant de Ségolène Royal il y a quelques années.…
Une relation donnant-donnant est simplement impossible avec Dieu. Au Seigneur nous devons tout donner parce que tout ce que nous avons et plus encore, tout ce que nous sommes, vient de lui et tout lui appartient. Avec lui, nous ne pouvons pas entrer dans une relation de marchandage servile. « Seigneur, je ferai ceci pour toi si tu fais cela pour moi ». Du chantage ! Ça ne marche pas comme ça avec Dieu ! Si nous pouvons donner ou retirer le pouvoir à l’autorité politique par les urnes et le vote démocratique, nous ne pouvons rien donner ni retirer à Dieu car tout lui appartient et nous n’avons aucun pouvoir sur lui.
Très souvent, pourtant, nous nous comportons avec Dieu avec des calculs, des petits chantages. Les citoyens de l’empire romain obéissaient à l’empereur et lui versait les impôts tout en le détestant, comme nous parfois parce qu’il nous arrive d’obéir à l’Etat sans l’aimer vraiment.
Dieu lui est notre Père, il nous aime, nous donne tout et attend de nous une relation vraiment filiale, dans une joie et confiance totale. Puisse cette eucharistie nous faire grandir dans cette relation filiale, confiante, joyeuse et généreuse avec Dieu de qui nous tenons la vie, le mouvement et l’être. Amen.