Mes chers frères et sœurs !

Aujourd’hui encore, dans la tradition religieuse juive, tous les juifs pratiquants recitent chaque jour une prière qui, par sa première parole en Hébreux s’appelle « Shema ! », c’est-à-dire « Ecoute Israël ». J’étais impressionné il y a quelques années d’aller rendre visite à un paroissiens qui était en train de mourir, et à l’entrée, sur le mur dans le salon, il y avait un tableau avec cette prière. Dans notre échange, Apollinaire m’a alors dit qu’il avait appris cela à ses enfants et ils le récitaient en famille tous les soirs ! Pourtant il n’était pas juif, mais bien catholique !

Cette prière juive nous est donnée ce dimanche dans la première lecture. Elle est tirée du livre du Deutéronome, et nous la retrouvons reprise par Jésus dans l’évangile. : « Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’Unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. Ces paroles que je te donne aujourd’hui resteront dans ton cœur.  Tu les rediras à tes fils, tu les répéteras sans cesse, à la maison ou en voyage, que tu sois couché ou que tu sois levé ; tu les attacheras à ton poignet comme un signe, elles seront un bandeau sur ton front, tu les inscriras à l’entrée de ta maison et aux portes de ta ville » (Dt 6, 4-9). C’est ce texte très précieux qui est le sujet de l’échange entre Jésus et un scribe, c’est-à-dire, un spécialiste dans les questions religieuses juives.

En étudiants la Torah, c’est-à-dire la Loi de Moïse, qui est constituée par les 5 premiers livres de la Bible qu’on appelle aussi le Pentateuque, les spécialistes juifs de l’époque en avaient tiré plus de 600 préceptes plus ou moins importants les uns que les autres. Dans ce code de la Loi, les Dix Commandements donnés à Moïse étaient les plus importants, alors que d’autres préceptes comme par exemple « Verser au temple le dixième de la valeur des feuilles de menthe cueillies dans son jardin, ou donner le dixième de son salaire au Denier » étaient considérés comme moins important. Comment pouvez-vous retenir 600 préceptes impossible et s’en rappeler dans son comportement de chaque jour ? Ces préceptes constituent pourtant un trésor législatif et religieux pour le peuple juif à l’époque de Jésus.

Etant donné la difficulté d’assumer et hiérarchiser ces 600 préceptes, et parce que tout le monde pouvait s’y perdre que le scribe de l’évangile de ce dimanche veut aller à l’essentiel. Il voudrait observer fidèlement l’essentiel et la substance de la Loi divine. C’est pour cette raison qu’il s’adresse à Jésus en lui demandant quel est le principal commandement. Jésus lui répond en citant textuellement le « Shema Israël » qui souligne que le premier devoir du croyant est d’aimer Dieu de toute son âme, son cœur, son esprit et ses forces.

Mais Jésus ne s’arrête pas là ! Il ajoute immédiatement quelque chose qui ne lui est pas demandé, un deuxième commandement : « Et voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. » Par ce complément de réponse, Jésus rappelle au Scribe, et à chacun de nous, le lien étroit et indissociable entre l’amour de Dieu et celui du prochain. C’est là le cœur de toute morale chrétienne, comme elle est développée et exprimée dans tous les évangiles. Chaque être humain est appelé à aimer Dieu, comme réponse à l’amour que Lui, le premier, a reversé et déverse dans cesse en nous.

            Aimer Dieu signifie le respecter, l’honorer, chercher faire sa volonté, en particulier en aimant ceux que Lui-même aime, c’est-à-dire, tous ses enfants, nos prochains, nos frères et sœurs dont il est à la fois le Créateur et le Père. « Voici en quoi consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés, et il a envoyé son Fils en sacrifice de pardon pour nos péchés. Bien-aimés, puisque Dieu nous a tellement aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres. Dieu, personne ne l’a jamais vu. Mais si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et, en nous, son amour atteint la perfection » (1Jn 4, 10-12)

Celui qui n’aime pas son prochain ne peut pas prétendre aimer Dieu. C’est l’amour du prochain rend crédible notre amour pour Dieu.  Sans l’amour du prochain, notre foi, notre amour pour Dieu reste finalement quelque chose de purement conceptuel et cérébral. C’est cela que souligne saint Jean : « Si quelqu’un dit : « J’aime Dieu », alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas. Et voici le commandement que nous tenons de lui : celui qui aime Dieu, qu’il aime aussi son frère. » (1Jn 4, 20-21).

Je me rappelle encore de cet enfant de 5 ans qui, lors d’une messe dans l’une des églises, était heureux d’aller donner la paix du Christ à ses voisins de banc. On n’avait pas encore la Covid et ses restrictions. Cet enfant, au moment de la paix s’est retourné, grand sourire aux lèvres, pour donner la paix autour de lui… Quelle fut sa déception de voir que le paroissien qui était à sa droite refuser de lui serrer lui donner la paix en lui serrant la main. Et vous savez pourquoi ?  Pour ce paroissien, au moment du geste de la paix, le Christ est déjà présent dans le pain et le vain consacré…. et qu’il ne fallait plus faire du bruit, se donner la main, mais se mettre à genou, aimer et adorer le Seigneur présent dans l’eucharistie. Ça m’avait fait de la peine de voir cet enfant pleurer parce qu’il ne comprenait pas pourquoi ce voisin du banc refusait de lui donner la paix du Christ ! C’est cela la contradiction entre penser aimer Dieu et manquer d’amour pour son prochain, en particulier un petit enfant heureux de découvrir la dimension ecclésiale de l’eucharistie.

Celui qui n’aime pas le prochain ne peut en réalité aimer Dieu, et celui qui n’aime pas Dieu ne trouvera jamais les motivations les plus fortes, vitales pour aimer le prochain. Quand Dieu nous remplit d’amour, cet amour est débordant et doit se déverser sur ceux qui sont autour de nous. C’est un binôme que nous sommes appelés à tenir. Mais alors, en quoi consiste l’amour du prochain ? Les évangiles l’expliquent amplement. Il suffit de penser aux béatitudes que nous méditerons demain pour la fête de tous les saints : être pauvre de cœur, être doux, être artisan de paix… Il suffit de penser à certaines paraboles du royaume comme celui du Bon Samaritain, au jugement dernier dans l’évangile de Mt : « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ». Tous ces passages soulignent une chose :  le minimum, qui nous est demandé, négativement, c’est de ne faire du mal à personne, et le maximum, positivement, est de dédier nos propres richesses d’esprit, de cœur, d’âme, de temps, et même de portefeuille, au service de nos frères et sœurs.

Pour finir, en écoutant la Parole de Dieu de ce dimanche, demandons la grâce et engageons-nous pour connaitre le Seigneur un peu plus chaque jour, car pour aimer le Seigneur, nous sommes appelés à Le connaitre vraiment. Amour et connaissance font un autre binôme, comme aimer Dieu et son prochain. Cela veut dire aussi que pour aimer le prochain, nous sommes appelés de nous approcher de lui, comme le bon samaritain qui se penche sur le mourant tombé sous les mains des brigands. Que cette eucharistie nous aide à chercher toujours à mieux connaitre Dieu, pour mieux L’aimer et le faire aimer de nos frères et sœurs dont nous nous approcherons, en leur apportant l’amour, la tendresse de Dieu, en les aimant chaque jour un peu plus, malgré nos différences et nos fragilités. Amen.