Mes chers frères et sœurs !

Ce dimanche est l’avant dernier de l’année liturgique. La semaine prochaine, ce sera la fête du Christ-Roi de l’Univers.  L’Evangile aborde une de ces thématiques parmi les plus difficiles de la théologie qu’on appelle « l’eschatologie » qui traite des choses ultimes, les fins dernières, celles qui s’accompliront à la fin de l’histoire présente.  Dans cet évangile Jésus est de quelques disciples : Pierre, Jacques, Jean et André qui étaient en train de s’émerveiller et d’admirer la beauté, la grandeur et la structure archéologique du temple de Jérusalem. C’est l’occasion pour Jésus de leur annoncer la prochaine destruction du temple : « Comme Jésus sortait du Temple, un de ses disciples lui dit : « Maître, regarde : quelles belles pierres ! quelles constructions ! » Mais Jésus lui dit : « Tu vois ces grandes constructions ? Il ne restera pas ici pierre sur pierre ; tout sera détruit. »  Et comme il s’était assis au mont des Oliviers, en face du Temple, Pierre, Jacques, Jean et André l’interrogeaient à l’écart : « Dis-nous quand cela arrivera et quel sera le signe donné lorsque tout cela va se terminer. » (Mc13,1-4).

C’est l’introduction de tous les faits annonçant une série des catastrophes tels que l’avènement de faux prophètes, les tremblements de terre, les étoiles et la lune qui tombent du ciel, le soleil qui s’obscurcit ….ainsi que la persécution des chrétiens. Historiquement, le temple est réellement détruit en l’an 70 après JC par le général romain Tutus tandis que la persécution des chrétiens commence avec l’empereur Néron au tout début du christianisme.

Au lieu de nous faire, Jésus explique que tous ces événements objectivement terrifiants marquent l’épilogue de notre histoire et sa Parousie, c’est-à-dire le retour de Jésus dans la gloire annoncée d’avance par le prophète Daniel dans la première lecture : « En ce temps-là se lèvera Michel, le chef des anges, celui qui se tient auprès des fils de ton peuple. Car ce sera un temps de détresse comme il n’y en a jamais eu depuis que les nations existent, jusqu’à ce temps-ci » (Dn12,1). Le langage est à la fois fascinant et bouleversant. Jésus annonce son retour à la fin des temps comme étant sa victoire définitive sur le mal et sur la mort, ainsi que le Jugement Dernier comme nous soulignons dans le Crédo : « Il reviendra dans la gloire, pour juger les vivants et les morts et son règne n’aura pas de fin. »

Ce qui provoque notre la joie (alors que cet évangile pourrait littéralement nous terroriser), c’est cette perspective que Jésus vient réaliser réellement un jugement, mais pas à la manière des hommes. Chacun sera l’objet de la miséricorde et de l’amour de Jésus venant réconcilier l’humanité avec le Père. Il a racheté le monde en s’offrant lui-même comme victime pour nous libérer de l’esclavage du péché et de la mort éternelle.

Ce qui se produira définitivement à la fin des temps est donc déjà réalisé et est présent en germes dans notre vie présente :  par l’incarnation, Dieu a rencontré chaque humain. En Jésus, humanité et divinité se rencontrent réellement. Le Christ nous a sauvé par sa croix et sa résurrection mais chaque fois que nous célébrons les sacrements, en particulier l’eucharistie, notre humanité s’unit et à la divinité du Christ qui nous sauve. Nous disons à l’anamnèse « Jésus est venu, il vient et il viendra encore ».  Lors de sa Parousie, nous rencontrerons définitivement le même Jésus que nous avions déjà rencontré et qui nous sauve déjà à travers notre foi. Aujourd’hui, nous le connaissions seulement de manière confuse, imparfaite, mais nous attendons de le rencontrer tel qu’il est : « Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous le savons : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est. » (1 Jn3,2). Saint Paul le dit par d’autres mots : « Nous voyons actuellement de manière confuse, comme dans un miroir ; ce jour-là, nous verrons face à face. Actuellement, ma connaissance est partielle ; ce jour-là, je connaîtrai parfaitement, comme j’ai été connu. » (1Co13,12)

Cette rencontre finale avec le Christ constitue notre libération définitive du mal et de la mort en entrant dans la Vie éternelle avec Dieu. Dans la vie présente, nous exerçons la foi, nous cultivons l’espérance et l’Amour, mais ce jour-là, nous serons pleinement dans l’Amour car nous verrons Dieu tel qu’il est.

Attention cependant ! Dit comme ça, nous risquons de chanter : « nous irons tous au paradis ! » Je l’espère pour chacun de nous ! Mais, nous savons bien que les choses ne sont pas aussi simples que ça ! La volonté de Dieu, c’est que nous vivions tous au paradis avec lui. Au Dernier Jour, nous serons effectivement jugés, dans un jugement fait avec et dans la Miséricorde de celui qui a donné sa vie pour nous sur la Croix. Mais Jésus ne pourra pas nous sauver contre notre propre liberté : le salut est un don gratuit de Dieu, mais nous sommes aussi malheureusement capables, par notre liberté de refuser le salut donne par Dieu.

Pensons par exemple aux deux larrons qui sont condamnés avec Jésus : « L’un des malfaiteurs suspendus en croix l’injuriait : « N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! » Mais l’autre lui fit de vifs reproches : « Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi !  Et puis, pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal. »  Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. » Jésus lui déclara : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » (Lc 23, 39-43).

Dans ce récit, nous voyons comment l’exercice de la liberté est la condition de salut ou de condamnation. Un des deux larrons refuse jusqu’au bout le salut de Dieu tandis que l’autre se reconnait pécheur et s’abandonne à l’Amour du Christ. L’Enfer en effet, c’est une auto-condamnation, une auto-exclusion libre, le refus libre du salut qui nous est donné dans le Christ Jésus. Dieu ne peut pas nous obliger à aller au paradis !

Cela commence ici et maintenant ! C’est dans la vie présente que nous devons accueillir le salut en vivant dans l’Amour. Saint Jean rappelle que celui qui vit dans l’Amour demeure en Dieu et celui qui refuse de croire se condamne déjà : « Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. Celui qui croit en lui échappe au Jugement ; celui qui ne croit pas est déjà jugé, du fait qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. Et le Jugement, le voici : la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises » (Jn3, 17-19)

Rappelons-nous cependant qu’à la fin de temps, Jésus ne viendra pas comme Dieu vengeur, rancunier et sévère sans miséricorde. L’attente du jugement dernier ne doit pas être quelque chose de traumatisant, d’angoissant, de terrifiant pour les chrétiens. Bien au contraire, elle nous invite à vivre pleinement le temps présent dans l’espérance, conscients que Jésus est déjà présent, qu’il nous donne gratuitement le salut que nous pouvons librement accueillir ou refuser. Que cette eucharistie nous donne de nous ouvrir, de désirer, d’accueillir le salut donné par le Christ. Nous sommes pèlerins en ce monde mais appelés à partager éternellement la vie divine avec le Christ vainqueur du mal et de la mort. Amen.