Homélie du Père Joseph du XI° dimanche du Temps Ordinaire, année A (2023)

Mes chers frères et sœurs !

Le publicain Lévi, qui était collecteur d’impôts pour les Romains est devenu l’apôtre et l’évangéliste saint Matthieu. Un jour, il a rencontré Jésus ! Il a vu dans son regard la possibilité d’une vie nouvelle, une vie différente et libre. La miséricorde de Jésus l’a converti : il a vu cette miséricorde au fond du regard de Jésus qui l’a appelé à quitter sa table de bureau pour le suivre ! Il ne s’attendait pas à ce que Jésus puisse appeler un pécheur public comme lui. Il a découvert que Jésus l’aimait d’un amour infini. Mais trente années sont passées depuis leur première rencontre. Saint Matthieu, avec beaucoup d’émotion, s’est résolu à témoigner par écrit à la communauté chrétienne des juifs convertis de sa propre expérience avec le Christ.

Matthieu n’est pas le seul à avoir fait cette expérience. Il nous raconte que Jésus avait le regard identique sur chaque humain, sur la foule entière. Dieu éprouve pour toute humanité un amour sans limite. Saint Matthieu nous dit que ce jour-là : Jésus fut saisi de compassion envers les foules parce qu’elles étaient désemparées et abattues comme des brebis sans berger. Jésus a de la pitié et de la compassion envers nous parce qu’il nous connaît. Il voit toute l’angoisse et les soucis que nous portons dans nos cœurs, notre besoin infini de donner sens à notre vie, la soif de bonheur enfoui dans nos cœurs. Jésus sait que nous avons du mal à trouver ou donner une réponse à nos inquiétudes les plus profondes. Il sait que nous sommes prêts à vendre notre âme pour être aimé, pour l’amour vrai et le bonheur. C’est cela qui rend semblables et égaux les humains, tout humain, de tout temps et de tout lieu. Mais Jésus voit bien que nous sommes perdus, abattus comme des brebis sans berger, parce que nous n’avons pas toujours les réponses par nous-mêmes !

Toute cette semaine, j’ai entendu parler de l’intelligence artificielle comme si c’était elle qui allait être notre salut, la solution à tous nos problèmes ! Quelle illusion ! C’est signe que nous sommes perdus voulant nous sauver par nous-même ! Nous n’y arrivons pas, et cela accentue notre angoisse existentielle. Du coup le bonheur nous est vendu à très cher prix par le système ! Perdus et désespérés, nous finissons par croire à l’idée séduisante que le bonheur peut s’acheter. Nous comblons alors notre soif de bonheur par tout un tas de choses superficielles et sans consistance. Et Jésus voit en cela que nous sommes perdus.

Qui sait ? Peut-être que Dieu regrette de nous avoir créés libres et raisonnables ! Ce que nous vivons n’était pas son projet initial à Dieu, quand il nous a créés libres ! La liberté est un don compliqué à gérer, une force qui nous dépasse parfois. Elle nous conduit à suivre volontiers l’enchanteur du moment, l’influenceur des réseaux sociaux dont les catéchèses ont remplacé l’Evangile pour beaucoup de gens. C’est la preuve que nous sommes perdus, comme des brebis sans berger ! Alors Jésus a pitié de nous parce qu’il veut notre bonheur.

Pour nous libérer, nous aurions voulu que Jésus se propose lui-même comme solution, lui qui est le Vrai Berger. Mais non ! Pris de compassion, Jésus invente l’Eglise. Comme c’est difficile de parler de l’Eglise aujourd’hui, surtout dans notre pays. Beaucoup parmi nous ont une expérience ecclésiale pauvre, contradictoire et parfois douloureuse. Vous vous êtes déjà confrontés à une Eglise parfois incohérente et sévère. Et pourtant, l’Eglise est la réponse que donne Jésus aujourd’hui : des compagnons de route envoyés ensemble, dans une recherche commune, regardant dans la même direction, des disciples capables ensemble de chercher la plénitude et le sens à la vie.

Je sais qu’il n’est pas toujours facile de comprendre et d’aimer l’Eglise, parfois fragilité, blessée et blessante à cause de trop de contre-témoignages, trop de chrétiens qui vivent sans un minimum d’humanité, trop d’incohérences, d’erreurs passées, récentes (désolé de vous décevoir, futures aussi !!!) pour ne pas être méfiants quand on nous parle de l’Eglise. Et pourtant, Jésus la choisit à travers ces douze apôtres pour commencer à construire le Règne, douze qui sont d’abord avec lui et qui nous conduisent à lui qui est notre Bonheur. La mission de l’Eglise est de conduire au Christ. Aucun Manager n’aurait osé faire ce que Jésus fait : mettre ensemble douze personnes aussi radicalement différentes pour réaliser un projet aussi ambitieux. Parmi eux, il y a des pêcheurs, des gens concrets et pragmatiques habitués à la dureté de la vie ; des intellectuels comme Matthieu ou Jean ; des traditionnalistes comme Jacques, des pécheurs publics et notoires comme ces publicains, des extrémistes partisans de la libération violente come Simon le Zélote, prêts à partir en guerre contre les romains.

Tout Israël est représenté dans ce groupe, l’entière humanité figure dans la diversité des douze. L’Eglise est la communauté des disciples, différents entre eux mais unis dans leur désir commun d’aimer Jésus et appelés ensemble à annoncer l’Evangile avec simplicité et vérité. A notre humanité blessée, fragile et perdue qui a besoin de guide et de Berger, Jésus propose une partie d’humanité, tout aussi fragile et blessée, mais transfigurée par l’Amour qu’est l’Eglise.

La mission des Douze est déconcertante. Ils doivent s’adresser d’abord aux brebis perdues d’Israël. L’invitation actuelle et urgente. L’Eglise a besoin de témoins qui la conduisent au Père ! Les premiers destinataires de l’annonce de l’Evangile sont d’abord les chrétiens. Nous sommes parfois trop catholiques, tellement convaincus d’être de bons cathos que nous avons du mal à être des vrais disciples, tellement convaincus que nous sommes devenus incapables d’écouter l’Evangile, trop enfermés dans un christianisme socio-culturel et refusant la rencontre véritable avec Jésus. Trop des chrétiens qui visitent les églises au cours des voyages et vacances, mais qui ne savent rien sur l’évangile, qui ne connaissent aucune parabole, ont du mal à aller à la messe ! Nous célébrons les fêtes chrétiennes (Noël, la Toussaint…) tout en oubliant le Christ qui est célébré dans ces fêtes ! C’est à nous que l’Eglise est envoyé pour recevoir, encore et encore la bonne nouvelle d’un Dieu proche et concret qui nous appelle au bonheur parce qu’il voit que nous sommes perdus. Les premiers destinataires d’Evangile ne sont pas en dehors de l’Eglise. Il s’agit de nous qui sommes là, appelés à devenir sel de la terre et lumière du monde, comme disait l’évangile de mardi dernier : « De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. »

J’aime l’Eglise… même si elle n’est pas parfaite parce qu’elle est ce rêve de Dieu que nous sommes appelés à vivre et à réaliser ensemble. Il ne s’agit pas de cette Eglise caricaturée par Mediapart, tel journal et réseaux sociaux ! Il s’agit de la communauté des gens pardonnés qui se reconnaissent fils et filles de Dieu, et donc frères et sœurs ! Il ne s’agit pas de ces gens parfaits qui deviennent insupportables, mais de gens différents comme les Douze apôtres, qui cherchent cependant tous à suivre Jésus. Des compagnons de route, des gens ordinaires, inconstants, imparfaits, qui doutent, comme vous et moi mais qui cheminent en prenant soin les uns des autres et qui rendent présent le Bon Berger par leurs gestes et leurs paroles qu’ils recherchent continuellement à réformer et convertir. Puisse cette eucharistie nous aider à cheminer ensemble, à faire ensemble Eglise, conduits par le Christ et au service de notre monde, à la suite des douze apôtres. Amen.

Homélie du Père Joseph du XI° dimanche du Temps Ordinaire, année A (2023)2023-06-18T09:34:40+02:00

Homélie du Père Josselin pour le dimanche de la Sainte Famille, année B (2020)

Car rien n’est impossible à Dieu… pour celui qui croit !

Nous voilà au dimanche de la Sainte Famille, dimanche où l’Église nous invite à exalter les vertus de la vie familiale, et à prendre la Sainte Famille comme modèle. J’imagine déjà toutes les familles qui galèrent – celles où ça ne va pas bien dans le couple, celles où l’éducation des enfants (en particulier des ados) ne cesse de provoquer des crises, celles où les fins de mois sont toujours compliquées, celles que les confinements et la crise ont ravagé, celles dont les parents viennent de perdre leur travail suite à l’épidémie ou vont le perdre, celles dont les enfants n’ont pas suivi le chemin de la foi, celles… -, je les imagine ces familles dire : c’est bien beau de regarder la Sainte Famille, de la contempler et de la prendre pour modèle, mais pour eux, c’était facile : parce que, quand même, le moins parfait des 3, c’est saint Joseph. Y a pire quand même… ! A cela on peut répondre deux choses.

La première, c’est que les galères, la Sainte Famille les a connues. Conception dans une situation pas tout à fait catholique (comme on dit !) avec suspicion d’adultère… Naissance loin de chez soi, au terme d’un voyage assez long et fatigant, et dans une étable, entre l’âne et le bœuf (on a vu plus glamour)… terreur par le massacre des nouveau-nés et exil en Égypte… une visite de mages qui peut faire craindre pour la sécurité de l’enfant s’il devient trop célèbre… un vieillard, Syméon, qui prononce une prophétie pas rassurante du tout, un jeune ado qui fugue dans le Temple de Jérusalem (même s’il est vrai qu’il y a plus dangereux que le Temple)… une vie de charpentier qui n’était pas toujours facile… Bref, la Sainte Famille a connu les galères, et elle sait donc rejoindre toutes les familles dans leurs galères.

Et la deuxième chose, c’est que justement la Sainte Famille nous montre le secret de la sainteté familiale : la foi. Oui, Marie est l’Immaculée Conception ; oui, Joseph est ce saint si grand et bon. Et c’est par la foi qu’ils sont cela. Ils ont cru. C’est par leur fidélité inébranlable à Dieu qu’ils ont tenu bon, c’est par leur foi immense qu’ils ont toujours su trouver les chemins de vie et d’amour même quand l’épreuve était là. C’est la foi qui est le grand trésor. C’est la foi qui est le secret de la vie familiale. Une foi très profonde, comme celle qui fait vraiment croire à Marie que rien n’est impossible à Dieu ; qui fait croire à Abram que Dieu peut lui donner une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel alors qu’il n’a aucun enfant, un enfant qu’il est même prêt à sacrifier si Dieu le lui demande, et qui le fait partir vers un pays inconnu pour recevoir les promesses d’une terre promise ; qui fait croire à Sara qu’elle peut être à l’origine d’une descendance innombrable. La foi inébranlable peut tout, obtient tout. C’est par la foi que nous sommes sauvés, c’est par la foi que le monde est sauvé. C’est cette foi qui nous fait prier le Notre Père, et demander à Dieu notre pain quotidien, le pardon de nos péchés… Avec la foi, tout chemin d’épreuve est franchissable et devient un chemin de vie et d’amour. Avec la foi, toute famille, quelles que soient ses galères, devient une image de la Sainte Famille. Avec la foi, tout amour familial, même blessé et cabossé, conduit au ciel. Avec la foi, toutes les situations de détresse familiale deviennent le lieu où fleurit la grâce. La seule et vraie question, au bout, et au cœur des épreuves, c’est celle de la foi et de la confiance en la grâce : croyons-nous que la miséricorde du Seigneur peut tout, car rien n’est impossible à Dieu ? La plus grande aide aux familles, c’est, tout en les aidant humainement, de les aider à devenir une icône de la Sainte Famille dans la prière et la charité, de devenir une petite Église domestique, d’être à l’image de l’amour du Christ pour l’Église. La grande mission des chrétiens c’est d’aider les familles dans leur vie de foi, dans leur fidélité à la prière et à l’Église. Et alors le reste suit.

Donc, oui, il faut continuer de montrer la Sainte famille. Car la Sainte Famille nous dit que l’amour familial est beau, qu’il est possible. La Sainte Famille nous dit aussi qu’elle prend dans sa prière toutes les familles qui galèrent, pour qu’elles aient foi en Dieu, et que les croix de la vie familiale soient des bornes sur un chemin de sainteté.

Amen.

Homélie du Père Josselin pour le dimanche de la Sainte Famille, année B (2020)2021-01-26T19:49:34+01:00
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