Mes chers frères et sœurs !

Nous vivons dans un monde où tout le monde veut parler. Ceux qui parlent plus fort pensent avoir toujours raisons. Nous n’avons qu’à voir dans les manifestations politiques : des minorités très insignifiantes mais qui écrasent les autres et crient plus fort, convaincus d’avoir plus raison que cette extragrande majorité silencieuse qui ne dit rien. En Eglise, certains veulent faire entendre leurs voix, réclament des droits,exigent des réformes, critiquent, militent pour deschangements dorientations, de discipline ecclésiale, la modernisation de l’Eglise…

Dans le diocèse, on a vu lors des dernières nominations des paroissiens qui ont écrit à l’évêque, qui ont fait des pétitions pour que leur curé ne change pas de paroisse. D’autres crient déjà très fort pour exiger de la prochaine assemblée ordinaire du synode sur la synodalité des grands changements et qui le font en se servant de la voix médias et des réseaux sociaux. Dans les communautés paroissialescomme dans les familles, il y en a qui gueulent toujours plus fort que les autres et tout le monde doit se taire quand ils parlent, et ceux-là croient qu’ils ont toujours raison. Vous verrez avec ces réunions de famille pendant ces vacances d’été : il y en aura parmi vous qui parleront sans arrêt, sans laisser les autres en placer une, avec une logorrhée, victimes d’une sorte de « diarrhée verbale » car ils ne peuvent se taire un instant pour écouter les autres.

Inutile de penser de qui je parle ! Ne cherchez pas le coupable ! Je ne parle pas du voisin, de la voisine, la belle-sœur ou le beau-frère… Essayons de voir si cela ne nous concerne pas d’abord personnellement, chacun à son niveau, nous souffrons de ce déficit d’écoute en monopolisant la parole. Parfois, nous parlons fort et mal des autres, nous répandons du venin par nos critiques méchantes, nos calomnies qui causent des blessures énormes.que nous regrettons après….. Dans cette culture de la parole, très peu de gens veulent vraiment écouter.

Transposons cela dans notre vie spirituelle. Combien des chrétiens parlent beaucoup à Dieu, sans arrêt, dans leur prière sans jamais prendre le temps de l’écouter…Nous verbalisons tellement nos prières que nous « récitons », que nous « disons ». Nous récitons le bréviaire, le chapelet, nous lisons et récitons des prières déjà prêtes depuis des générations… Parfois, nous disons ces prières machinalement, en toute vitesse : un rosaire récité à la va vite en 30 minutes, tous les mystères compris. Pourquoi ? Simplement parce que nous vivons la prière comme un devoir à accomplir, et non plus un dialogue qui implique écoute,silence, intériorité et expression verbale

Notre Eglise souffre du déficit des chrétiens en quête d’intériorité, qui prient dans le silence, qui écoutent d’abord ce que Dieu veut nous dire. Ecouter d’abord la Parole de Dieu avant de lui parler, telle est la grande leçon de la liturgie de la Parole de ce dimanche « Ainsi parle le Seigneur : La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer, pour donner la semence au semeur et le pain à celui qui mange ; ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce que je veux, sans avoir accompli sa mission »

Isaïe rappelle l’efficacité de la Parole de Dieu qui produit des fruits en abondance mais à une seule condition : se laisser toucher par elle. Comme la pluie qui inonde et féconde la terre à la seule condition que ce ne soit pas des cailloux ou de la pierre. La parole de Dieu produit en nous des fruits de bonté et de sainteté si nous la laissons toucher notre coeur. C’est aussi la signification de la parabole du Semeur. La Parole de Dieu produit toujours de fruits dans notre vie si elle touche notre cœur, (et seulement après notre intelligence). C’est le cœur, siège de la vie et des sentiments qui, une fois touché par la Parole de Dieu, lui permet d’avoir un impact existentiel, nous donnant la joie, l’espérance, le courage, l’amour, la conversion.

Le baptisé se nourrit de la Parole de Dieu pour la mettre en pratique. Ecouter sa Parole sans la mettre en pratique, c’est comme construire sur du sable alors qu’écouter la Parole de Dieu et la mettre en pratique est comme construire sa maison sur un roc inébranlable qui la fait tenir intacte au milieu des intempéries, des vents et tempêtes que sont les douleurs, les épreuves et des joies qui risquent de nous distraire et étouffer cette Parole de Dieu….

Quand Jésus raconte la Parabole du Semeur dans l’Evangile selon saint Matthieu, il traverse un moment de crise et difficile. Il a l’impression que ses paroles n’ont plus d’impact dans la vie des gens. Il lui semble vivre un échec dans sa prédication parce les gens sont préoccupés par autre chose que du Royaume de Dieu : leur centre d’intérêt est ailleurs… Mais Jésus ne se décourage pas. Il parle, il enseigne, il sème… et ne se préoccupe pas des résultats immédiats….

 Il en va de même de notre vie de foi et notre mission. Des prêtres, des catéchistes, préparateurs au mariage ou au baptême, des chrétiens engagés dans différents services se demandent parfois à quoi ils servent devant le peu de résultat, le manque de foi des gens que nous rencontrons : les enfants du catéchisme qu’on ne voit pas forcément à la messe, les fiancés disparaissent après leur mariage, pour réapparaitre après la naissance du premier enfant pour demander son baptême, et pour ensuite disparaître, en attendant le deuxième enfant…. D’où le découragement des prêtres et des laïcs engagés dans l’Eglise !

Ce découragement vient parfois de notre orgueil : nouspensons que tout dépend de nous ! Nous ne sommes pas les maîtres de la moisson. Nous semons mais c’est Dieu qui est leMaître, le Semeur qui sème en se servant de nous. Tout le reste dépend de Dieu et des conditions psychologiques,familiales, sociales, matérielles, les distractions, les angoisses, les ronces, les cailloux, les mauvaises herbes… dans notre vie et celle des gens que nous préparons. Un enfant du KT qui ne peut entendre parler de Dieu dans sa famille ou dont les parents ne vont pas à la messe aura du mal à y venir seul ou prier par lui-même. Donc au KT, essayons de lui permettre d’avoir une vie de prière. J’avais rencontré, lors d’un camp scout il y a quelques année un chef un gars vraiment bien et de très bonne volonté qui m’a avoué qu’il venait de vivre la toute première messe de sa vie. Il avait 20 ans. Il m’a ensuite assommé de question sur la messe, la Bible ! Un louveteau dont les parents sont musulmans, a voulu que je le bénisse pendant la messe ! Quelle grâce ! De petites choses de ce type nous booste et nous invite à ne jamais se décourager parce que Dieu est à l’œuvre dans les cœurs, et se servant de chacun de nous, à travers ce que nous proposons et offrons.

Mais nous rencontrons aussi parfois des terrains durs, des vrais cailloux où il nous semble que rien ne pourra jamais pousser. Tout cela nous dépasse et nous ne pourrons jamais avoir un contrôle sur ces aspects de la vie des gens.Cependant, il nous faut quand même semer, avec confiance, générosité et espérance qui nous nous permettent de voir quelques fruits dans la vie des gens….

Que le Seigneur nous aide à voir les fruits de sa présencedans nos vies, dans l’Eglise et dans le monde. Que le Seigneur nous apprenne à savoir ouvrir nos yeux pour voir les signes, les germes et les fruits de sa Parole et de son Royaume déjà présent, mais pas encore pleinement accompli.