Mes chers frères et sœurs !

Pour nous aujourd’hui, la foi en la résurrection est presque évidente ! Quoique ! Il parait que plus de 50% des catholiques pratiquants en France ne croient pas en la résurrection, qu’ils confondent parfois avec la réincarnation. Nous en avons parlé jeudi soir lors de notre conférence sur l’eschatologie chrétienne. Mais, ça, c’est un autre débat ! Je suppose que comme moi, ce qui fonde votre foi, c’est la mort et la résurrection de Jésus. Cependant, mettons-nous un peu à la place des apôtres pour comprendre leur désarroi. Après la dernière Cène, ils ont vu Jésus arrêté, jugé, condamné, flagellé, crucifié et mis à mort au Golgota. Personne parmi eux n’a pu ni eu le courage de le suivre, le réconforter, sauf le plus jeune parmi eux avec quelques femmes restées au pied de la croix. Alors, dans leur cœur, il y a beaucoup de culpabilité, de remord et de tristesse.

Mais au matin de Pâques, une rumeur commence petit à petit à se répandre disant qu’il est ressuscité. Le tombeau a été retrouvé vide par quelques femmes y sont allé tôt le matin, Pierre et Jean ont aussi fait le constat d’un tombeau vide mais ils n’ont pas trouvé le corps. Les disciples ne savent que penser. Leur moral vacille entre des sentiments de joie, d’enthousiasme et des doutes, de la fatigue. Tout ceci les perturbe. Ils ont tellement peur au point aller s’enfermer dans la même maison où ils avaient célébré le dernier repas, le soir avant la l’arrestation de Jésus. C’en est trop tout ça ! Les disciples n’en peuvent plus ! La nouvelle de la résurrection de Jésus ?  La ficelle est tellement grosse. C’est tellement radical, nouveau, inattendu, excessif pour être vrai !

Il est vraiment ressuscité ? Mais alors ! Les femmes leur ont raconté leur rencontre avec des anges au matin de Pâques, mais les disciples ne les ont pas cru ! Difficile de croire tout ce que peuvent raconter les femmes qui s’imaginent souvent des choses. Pour les disciples marqués par une culture juive assez machiste, les femmes sont tellement instables émotionnellement qu’il faut prendre cette nouvelle avec des pincettes. Mais, Cléophas et son compagnon d’Emmaüs ont aussi parlé de leur étrange rencontre sur la route. Simon Pierre, peu enclin aux bavardages, est fermé dans ce mutisme qui le caractérise depuis l’arrestation de Jésus et son reniement. Il leur a pourtant dit qu’il a rencontré Jésus vivant. La ficelle est trop grosse ! Les apôtres sont dans une sorte de débat et de discussion sans fin, enfermés !

C’est à ce moment-même que Jésus leur apparaît ! Inutile de parler de foi ! Tellement évident et massif ! Plus de discussion possible ! C’est bien lui, Jésus. Nous sommes là devant une donnée solide et évidente devant laquelle on s’incline et on obéit. Jésus est là présent physiquement, vivant, et leur parle. Sa présence n’appelle pas la foi, mais à la constatation, quelque chose de phénoménologique qui refuse le doute.

Et pourtant, la foi est le protagoniste du dimanche de la Divine Miséricorde, avec un acteur d’exception : l’apôtre saint Thomas, le croyant, pas l’incrédule comme on l’appelle souvent. Mais que veut vraiment dire « croire » ! En Français, ce concept est ambigu car il peut signifier « doute ».  Par exemple, « je crois qu’il fera beau demain », « je crois qu’il, qu’elle, qu’il m’aime » qui signifie que je ne suis pas si sûr, que j’ai quelques doutes.  Dans la Bible par contre, pour décrire l’acte de foi, on utilise en hébreu deux verbes « Aman » et « hatah » qui indiquent un point d’appui sûr, une certitude absolue. Ce qui a donné naissance à notre affirmation « amen » qui signifie « j’en suis certain ». Croire signifie s’appuyer sur quelque chose de solide, faire confiance à quelqu’un qui est digne de confiance. En ce sens, Thomas ne croit pas, pas plus que les autres apôtres !

Ce sur quoi Thomas s’appuyait s’est écroulé le vendredi saint. Son enthousiasme s’est éteint ! Tout semble avoir été perdu, le Royaume attendu devient une illusion. Il n’a plus des certitudes parce que la mort en croix les a toutes balayées !  Cela nous arrive parfois. Cela veut dire qu’il est parfois providentiel, nécessaire et préférable que certaines certitudes sur lesquelles nous appuyons notre foi puissent s’écrouler parce que trop fragiles et inconsistantes. Thomas ne le sait pas encore, mais bientôt sa foi va renaitre, une renaissance qui s’appuiera sur la prédication de Jésus et non plus sur les projets que Thomas lui-même avait élaborés.

Une fois écroulée, nous voici prêt pour la vraie foi qui signifie aussi faire confiance en quelqu’un. Thomas ne fait plus confiance en ses compagnons, ni dans l’Eglise. Pourtant, c’est à ses compagnons et à cette Eglise auxquels il ne fait plus confiance et dont il se méfie, comme beaucoup parmi nous aujourd’hui, que l’annonce de la résurrection est confiée. Mais comment croire au message des apôtres, qui lui annoncent que Jésus est ressuscité, alors qu’ils s’étaient tous montrés lâches et incohérents comme lui-même la veille ! Ils s’étaient tous enfui, le plus grand parmi eux, en la personne de Simon Pierre allant même jusqu’à renier Jésus. C’est vrai, Thomas a raison ! Comment croire en l’évangile si les apôtres, les chrétiens, les fidèles l’Eglise qui le proclament et l’enseignent n’en témoigne pas dans sa vie, quand ils posent parfois carrément des actes contraires à l’Evangile ? Si nous voulons être crédibles, le monde attend de nous une cohérence de vie, en dépit de nos fragilités. Le monde actuel a plus besoin de témoins crédibles que des maîtres.

Une chose importante est à souligner ici. Thomas ne s’en va pas du groupe ! Il ne quitte pas la barque même si le message de la résurrection est confié à une Eglise, une communauté ecclésiale et à des disciples trop fragiles et incohérents. L’apôtre Thomas ne comprend pas, mais il reste là, avec les autres. Il ne va pas chercher une communauté ailleurs, une qui lui corresponde. Il ne part pas pour fonder une Eglise alternative comme les pasteurs des certaines confessions protestante ou sectes qui vont de schisme en schismes, fondent une nouvelle secte ou communauté chaque fois qu’ils ne sont plus d’accord.

Ne se sentant pas meilleur que les autres, Thomas reste avec eux. Le fait de rester dans l’Eglise, au sein de la communauté, avec les autres, même quand on est blessé, est une des meilleures décisions prises par Thomas parce que 8 jours après, le Maître revient seulement pour lui. Voici le Ressuscité présent, léger, splendide, le visage radieux et serein dont émane une grâce qui apaise : « La paix soit avec vous ! », dit-il à cette communauté réunie. Les autres le reconnaissent et vibrent de joie ! Il y a huit jours, ils l’ont vu en l’absence de Thomas. Ce dernier lui, encore blessé, le regarde abasourdi. Le Seigneur s’approche de Thomas, lui montre ses mains et son côté transpercé ! Thomas craque ! Sa colère, sa douleur, sa peur, tout cela fond comme la neige au contact de la chaleur du soleil. Le voici à genou, en adoration, embrassant les plaies du Seigneur. Il pleure de joie, de foi et rit : « Mon Seigneur et mon Dieu »

Saint Thomas est le saint patron de tous les enthousiastes dont le cœur bat fort au-delà des obstacles et des blessures, ceux qui croient que Jésus vient en notre secours quand nous sommes perdus, quand nous sommes tombés plus bas dans notre vie. Saint Thomas est le saint patron de ceux qui, comme aujourd’hui, tout en étant profondément blessés et scandalisés, ceux qui ont perdu confiance dans les disciples et dans l’Eglise… ont choisi quand même de ne pas être débaptisés, de ne pas enfermer ni l’Eglise, ni les disciples dans leurs fragilités, mais qui fixent leur regard sur le Ressuscité dont ils professent la foi, avec et au milieu des autres chrétiens, tous pécheurs et indignes les uns que les autres.

Saint Thomas est le saint patron de ceux qui ne se sentent pas meilleurs même quand ils s’aperçoivent des fragilités des autres, en matière de foi ou de morale, mais qui choisissent de rester, d’aimer la communauté, la famille ecclésiale, fidèles au Christ Jésus qui nous appelle à nous convertir. Il est saint le patron des disciples qui aiment l’adoration, comme ceux qui vont vivre l’heure de la miséricorde cet après-midi ! Il est le premier, parmi les apôtres, à avoir professé la divinité du Christ Ressuscité « Mon Seigneur et mon Dieu » et qui nous invite à la spontanéité dans la profession de notre foi en Jésus Ressuscité, vivant à jamais. Amen.