Mes chers frères et sœurs,

Nous vivons dans l’époque de l’hyper-connexion, avec nos moyens et réseaux qui nous font vivre matraquage médiatique qui façonne notre manière penser et de voir le monde et les événements. Au-delà de la pollution de la planète que cela peut causer (internet pollue beaucoup, parait-il), Internet peut aussi causer une sorte de pollution intellectuelle et spirituelle en formattant notre vision du monde et de l’humain.

A cause de cette pollution médiatique et globale, nous ne savons plus voir les nombreuses merveilles tellement évidentes sous nos yeux ! Nous tellement le nez et les yeux dans les écrans dès le lever que nous ne savons pas voir un beau lever ou coucher de soleil, la beauté des fleurs en cette saison de printemps, un paysage exotique, remarquer le sourire sincère du matin du collègue râleur que nous n’avions pas vu depuis longtemps à cause du télétravail. Nous avons du mal à nous émerveiller de la beauté de la nature, les chants d’oiseaux…Je pense toujours à ce jeune couple normand et leurs trois enfants que j’ai rencontrés il y a quelques années pendant mes vacances à Bukavu. Partis en coopération pour avec Fidesco, ils m’ont raconté combien ils ont réalisé que la vie d’une petite famille française et aristocratique n’était pas toujours facile à Bukavu, dans ce Kivu victime de la guerre et autres calamités depuis des décennies.  Nous avions beaucoup échangé sur les difficultés mission de coopérant, difficultés accrues à cause du décalage culturel. C’était un moment difficile pour eux. En se quittant le soir, je leur ai promis de prier pour eux. Le matin, en me levant, je regarde mon portable et j’avais texto : une très belle photo du lever d’un beau soleil sur le lac Kivu avec ce message : « Père Joseph, un grand merci de nous avoir écouté hier ! Oui, ce n’est pas toujours facile, mais, vivre avec ces gens toujours souriants. C’est tellement merveilleux. N’est-elle pas belle la vie ! Nous avons la chance de nous lever chaque jour avec un beau lever de soleil sous ce beau lac Kivu et nous rendons grâce à Dieu ! »   Ne fut-ce que cela faisait pencher la balance dans la décision de rester et prolonger leur mission malgré les autres difficultés.

Sachons voir ce que Dieu nous donne à travers les petites choses au quotidien, dans la nature, les petits détails de la vie qui sont comme cette graine de moutarde la semence de la parabole de cet évangile nous invite à la fascination quotidienne en contemplant un semeur. Soit qu’il veille ou qu’il dorme, cette semence germe et grandir sans savoir comment.  « D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. Et dès que le blé est mûr, il y met la faucille, puisque le temps de la moisson est arrivé. » Dieu est présent dans les petites choses qui peuvent paraitre même comme des échecs.  Jésus qui nous dit qu’en dépit des épreuves ou des sentiments d’échecs, Dieu est toujours à l’œuvre, et nous conduit patiemment, humblement, par des voies inattendues et imprévisibles à la plénitude de la vie

En fin d’année pastorale, nous sommes appelés à contempler ce Dieu présent qui agit et travaille en nous et autour de nous pour faire grandir son royaume dans tout ce que nous faisons. En fin d’année pastorale, après une année deuxième année pastorale presque entièrement confinées, ne sommes-nous pas peut-être découragés, fatiguéscomme ces déportés à Babylone de la première lecture dont nous parle Ezéchiel ?

Je viens de faire des réunions de bilan et relecture avec certaines équipes des catéchistes de l’Eveil à la Foi, du primaire, de la préparation au baptêmes…  Un constat qui revient : les bénévoles se sentent fatigués et découragés de cette année, non seulement à cause de la pandémie, confinement, mais aussi de n’avoir pas des résultats excellents, le retour sur investissement immédiat de ce que ce qu’ils ont fait et enduré, des parents qui ne jouent pas toujours le jeu… et certains sont tentés de jeter l’éponge. Dans ce contexte, Jésus nous rassure à travers ces paraboles en nous invitant à jeter la semence de sa Parole en terre, dans le cœur de ces enfants, parents, familles, catéchumènes, sans compter. Comme nous dit le pape François, nous devons sortir et jeter la semence, sans nous préoccuper des calculs des bilans comme les experts comptables. Avec le Seigneur, la logique comptable ne marche pas, car il n’est pas un bon comptable, sinon il mettrait chaque jour le doigt sur nos déficits ! Nous sommes tellement médiocres par rapport à lui, loin du compte.

Il nous appelle à parler, travailler pour lui et avec lui, témoigner, prier, simplement et en vérité. Les résultats ne dépendent pas toujours de nous ! D’autres facteurs comme, la qualité de la terre, du climat, de l’ambiance familiale et ecclésiale, de la liberté personnelle… Nous ne sommes que des disciples en mission, mais l’Esprit du Christ nous accompagne et nous précède. Jésus nous appelle à la patience, à vaincre la tentation de maitrise, de contrôle, de tout programmer, planifier dans la vie spirituelle, pastorale et personnelle.  C’est l’orgueil qui nous fait penser que tout dépend exclusivement de nous, de notre volonté, de notre efficacité. Nous faisons des prévisions, même en ce qui concerne l’action de Dieu. Quand ça ne marche pas, nous disons que Dieu n’a rien fait, alors que nous avions tout planifié sans lui demander son avis !  A cause de la fatigue et de l’échec, nous pensons que Dieu est absent. Nous risquons alors de douter de lui et de nous-même. Jésus nous demande de le laisser faire, d’être sereins et confiants, de patienter, prendre le temps et de voir ce qui est simplement vécu, en prenant la logique de cette parabole.

La vie dans l’Esprit, celle dont Dieu est maître, la naissance et la croissance du Royaume, se fait par des petits pas, par petites touches, faite de petits signes. Soyons attentifs aux petits signes en nous et autour de nous, comme cette semence qui pousse humblement jusqu’à maturation. En nous, dans nos familles, dans l’Eglise, au sein de notre communauté, dans le monde, même en temps de pandémie, des petits gestes d’amour, de petits engagements pastoraux, des petits pas franchis, un petit don venu du cœur, une petite ouverture aux autres et au Seigneur, tout cela conduit timidement, progressivement à de grandes réalisations, à des résultats surprenants. On dit que ce sont de petits ruisseaux qui font les grands fleuves. Le sage Pierre Rabhi nous apprend la légende du Colibri.

L’Eglise est née d’une petite communauté de 12 apôtres autour de Jésus, une petite communauté persécutée dès le premier siècle, mais qui a transformé l’histoire, malgré ses fragilités et ses erreurs. Aujourd’hui, le monde a encore besoin des chrétiens. Ne dites pas que nous sommes minoritaires dans la société. Témoignons seulement là où nous sommes, dans nos familles, missions, au travail, auprès de nos amis, simplement, humblement. C’est ce qui fait grandir l’Eglise, fait naître le Royaume de Dieu. C’est la dynamique de Dieu : elle est simple, humble et concrète. Que Seigneur ouvre nos yeux aux petits signes de sa présence dans notre vie et nous donne la grâce de sa divine patience qui fait grandir l’espérance. Amen.