Mes chers frères et sœurs !

Depuis le mercredi des cendres, nous avons commencé le Carême ! Moi j’ai commencé le Carême en quarantaine ! Ça m’a fait bizarre de célébrer seul la messe et de m’imposer moi-même les cendres ! Cette période de quarante jours nous conduira aux fêtes pascales.  Comme chaque année, le premier dimanche de Carême nous invite à écouter le récit des tentations de Jésus au désert, épisode est tellement important qu’il est rapporté par les trois évangiles synoptiques.  Au-delà de ces petites différences, ces trois récits ont quelque chose en commun :  le fait que même notre Seigneur Jésus fut soumis, comme nous, aux tentations, c’est-à-dire, à cette possibilité malheureuse d’agir contre Dieu, voire même, de plier Dieu à son propre avantage, l’instrumentaliser.

Cet épisode est à la fois inquiétant et rassurant. Inquiétant parce qu’il pose la mystérieuse question de savoir comment, en Jésus, pouvait coexister de manière paradoxale la perfection divine et la fragilité humaine. C’est un mystère présent dans beaucoup de pages de l’évangile. Comment est-ce possible que Celui qui manifestait la puissance divine dans la multiplication des pains et des poissons, celui qui guérissait les malades, ressusciter les morts…pouvait être fragile en ayant faim et soif, fatigue et angoisse, et toutes les manifestations de la fragilité humaine comme nous ?

Ce récit est aussi très rassurant pour nous parce qu’il rend Jésus encore plus proche de nous, semblable à nous en toute chose, même dans les tentations, mais lui n’a pas péché. Il a combattu et vaincu les tentations.  Au début de carême, Jésus nous appelle à nous mettre à son école et à entrer dans le même combat avec lui contre toutes les tentations du Malin.  Ne soyons pas scandalisés ni désespérés de nos propres tentations, car même le Seigneur n’y a pas échappé.

De la méditation du récit des tentations au désert, il en est ressorti, de mon point de vue, trois dimensions des tentations, de péchés possibles que nous devons affronter dans notre vie : péché contre nous-même, contre le prochain et contre Dieu.

Péché contre-nous-même : « Pendant quarante jours, il fut tenté par le diable. Il ne mangea rien durant ces jours-là, et, quand ce temps fut écoulé, il eut faim. Le diable lui dit alors : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain. » Ici, nous sommes devant la tentation de ne penser seulement qu’à nos besoins premiers et primaires, à nos pulsions les plus élémentaires, nos besoins physiques et corporels :  manger quand nous avons faim, boire quand nous avons soif, répondre à nos envies et pulsions corporelles et physiques. Rien de mystérieux ! Quand nous ressentons un besoin primaire, naturel et corporel, ceci parait tellement irrésistible et c’est cela que Satan veut faire croire à Jésus. Le marketing et les publicitaires savent bien nous attraper par nos 5 sens : une musique, des odeurs précises, un visuel adapté…dans une structure commerciale, un magasin pour susciter le besoin et inciter ceux qui passent ou osent entrer pour qu’ils achètent.…

La Bonne nouvelle, c’est que nous pouvons vaincre ce combat qui voudrait nous limiter à notre seule dimension corporelle et physique. Nous ne sommes condamnés et ni conditionnés que par nos besoins physiques. Nous sommes capables de résister aux tentations corporelles et physiques. Le remède, c’est la fameuse formule spirituelle à vivre pendant le carême : « jeûne et abstinence » pour nous ouvrir à notre dimension spirituelle, aux besoins de l’âme.  « Jésus répondit : « Il est écrit : L’homme ne vit pas seulement de pain. », ce qui veut dire que nous valons plus que nos besoins physiques et corporels. Pouvons-nous essayer pendant ce carême de lutter contre toutes ces tentations physiques et corporelles en cherchant à nourrir aussi nos âmes par la prière, la lecture de la Parole, le jeûne, la vie sacramentelle…

Ensuite péché contre les autres : « Alors le diable l’emmena plus haut et lui montra en un instant tous les royaumes de la terre.   Il lui dit : « Je te donnerai tout ce pouvoir et la gloire de ces royaumes, car cela m’a été remis et je le donne à qui je veux. Toi donc, si tu te prosternes devant moi, tu auras tout cela. » J’imagine presque Poutine qui veut reconquérir le monde pour assouvir son orgueil !

C’est la deuxième catégorie des tentations, le pouvoir provoqué par notre orgueil et qui blesse les autres autour de nous : la tentation de dominer, de soumettre, commander les autres, de manipuler les autres. Cela se vit en politique, mais aussi en famille, dans les relations professionnelles ou dans les affaires, et dans tous les secteurs de la vie, même dans l’Eglise. Toutes les cruautés et horreurs dont on parle actuellement l’Eglise trouvent en partie leur racine dans ce pouvoir que nous pouvons avoir et dont nous pouvons abuser. En famille, tel conjoint qui veut montrer que c’est lui ou elle qui porte la culotte, l’autre qui manipule par un chantage en appuyant sur les faiblesses des autres, l’enfant qui terrorise ou manipule ses parents par ses larmes qui sont une arme redoutable de pouvoir, le manager ou le chef qui écrase les membres de son équipe par la pression et les menace de licenciement…Vendre son âme au diable pour avoir le pouvoir et garder ce pouvoir à tout prix !

Chacun de nous a une portion de pouvoir, et peut se demander combien et comment nous cherchons à nous imposer, à écraser les autres, de manière consciente ou inconsciente. Cela trouve sa racine dans l’orgueil. Pour en guérir, contemplons et imitons : « Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix » (Phil 2, 6-8). Le jeudi saint, nous verrons Jésus laver les pieds de ses disciples et les appeler au service humble les uns envers les autres. Le vendredi saint, nous le verrons porter sa croix, accepter toutes les humiliations par amour pour nous. Allons à l’école de Jésus, doux et humble de cœur, demandons-lui la grâce de l’humilité en acceptant ces petites humiliations qui blessent notre orgueil. Les grands saints nous apprennent que nous ne pouvons pas grandir dans l’humilité et vaincre l’orgueil si nous n’acceptions les humiliations.

Enfin, le péché contre Dieu : « Puis le diable le conduisit à Jérusalem, il le plaça au sommet du Temple et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, d’ici jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera pour toi, à ses anges, l’ordre de te garder ; et encore : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. »

Cette troisième catégorie des tentations est cette sorte de vanité qui nous pousse à tenter même Dieu en le rendant responsable et coupable de tous nos malheurs et des conséquences de nos propres péchés. Dès le péché originel, Adam et Eve cherchaient à responsabiliser Dieu de leurs fautes. Adam répondit à Dieu en disant : « La femme que tu m’as donnée, c’est elle qui m’a donné du fruit de l’arbre, et j’en ai mangé. » Le Seigneur Dieu dit à la femme : « Qu’as-tu fait là ? » La femme répondit : « Le serpent m’a trompée, et j’ai mangé. » (Gn 3, 12-13) Bref, si nous en sommes là, c’est la faute de Dieu a créé Eve, ou alors qui a créé le Serpent ! Nous voulons nous dédouanons de toute responsabilité.

Dans cette tentation, le diable, ange déchu tente Jésus en citant la Parole de Dieu. C’est tellement sournois et malin. Le Diable cite quelques extraits du psaume 90, 8-13) : « Il suffit que tu ouvres les yeux, tu verras le salaire du méchant. Oui, le Seigneur est ton refuge ; tu as fait du Très-Haut ta forteresse. Le malheur ne pourra te toucher, ni le danger, approcher de ta demeure : il donne mission à ses anges de te garder sur tous tes chemins. Ils te porteront sur leurs mains pour que ton pied ne heurte les pierres ; tu marcheras sur la vipère et le scorpion, tu écraseras le lion et le Dragon. »  La classe ! Satan qui cite par cœur un psaume…pour mettre Dieu à l’épreuve et le culpabiliser ensuite.

Nous procédons parfois de la même manière : au lieu d’assumer nos comportements, nous accusons le Seigneur. Se jeter du haut du temple pour faire le beau, le fort, et prétendre que Dieu va nous sauver comme le suggère Satan, c’est vouloir éprouver Dieu, c’est chercher à le rendre responsables de toutes les conséquences de nos comportements à risque et dangereux. Par exemple, refuser toute mesure sanitaire contre la Covid19 parce que c’est Dieu qui va nous sauver ! Conduire sous influence d’alcool, de drogue et rendre Dieu responsable de l’accident parce qu’il ne m’a pas protégé ! Se lancer dans une guerre en pensant que Dieu me défendra. Tant de guerres, malheurs, de famine, d’injustice, de haine…et c’est toujours la faute de Dieu qui ne fait rien, passif, qui regarde, impassible sans rien faire ! Au lieu de penser à notre propre responsabilité, nos haines, égoïsme, vengeance, jalousies qui font naître et perpétuer ces malheurs.

En ce temps de carême, contemplons Jésus qui a été tenté comme chacun de nous, et qui nous montre que nous pouvons aussi vaincre ce combat contre le mal, car nous ne sommes jamais seuls. Depuis le baptême et dans les sacrements, le Saint Esprit nous est donné pour combattre le mal et le péché. Que ce temps de conversion nous permettre de mener fermement ce combat contre le Malin pour grandir dans l’Amour de Dieu.