Homélie du Père Joseph de l’Assomption, année C (2022)
Mes chers frères et sœurs !
Pour le faire comprendre la signification de la fête l’Assomption de la Vierge Marie au Ciel, l’image qui m’a été donnée lorsque je préparais cette homélie, c’est celle de la grossesse. Nous contemplons, dans le ciel, le signe d’une femme enceinte, comme nous le décrit le livre de l’Apocalypse : « Un grand signe apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. Elle est enceinte, elle crie, dans les douleurs et la torture d’un enfantement. » Dans l’évangile, nous contemplons la scène de la rencontre entre de deux femmes enceintes : Marie, la Vierge Mère est déjà enceinte de porte l’enfant Jésus après l’annonciation par l’Ange Gabriel. Elle va à la rencontre d’Elisabeth, sa cousine qui, elle aussi, est enceinte de Jean-Baptiste, le précurseur du Seigneur. « En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. »
La grossesse est un signe qui appelle à l’espérance. Quand une femme est enceinte, elle porte dans son sein le don de la vie d’un enfant. Il s’agit d’un d’abord d’un don de Dieu, le Maître de la Vie. La grossesse n’est jamais une décision humaine. On le saurait déjà. Combien de couples ont un désir d’enfant mais malheureusement n’ont pas encore ou n’ont pas eu cette chance. Certaines personnes qui pensent qu’un enfant de décision, de droit, et qu’on peut avoir quand et comme on veut, à la commande ! La femme enceinte est en attente, dans une attitude de gratitude mêlée, parfois à un peu d’angoisse, de la naissance du bébé. Elle sait que cette gestation n’est pas du tout une promenade tranquille, mais elle se prépare, chaque jour et vit déjà, pendant la grossesse, quelques moments de douleurs qui culminent avec dans les douleurs de l’accouchement. C’est cela l’espérance : attente d’une nouvelle naissance, attente d’un accomplissement. Marie est profondément dans l’espérance. Elle est enceinte et partage cette attente de l’accomplissement du mystère de l’incarnation avec sa cousine Elisabeth. Marie a aussi vécu et partagé la joie de cet accomplissement lors de la naissance de Jésus, avec Joseph à Bethléem.
Marie a aussi porté, on dirait, la grossesse de la nouvelle naissance à la vie éternelle de son Fils, en ayant accepté d’affronter de près, la Passion et la Mort en croix de Jésus et le silence de son ensevelissement jusqu’à la naissance inattendue et extraordinaire de la résurrection qui inaugurait le temps du Saint Esprit. Marie a aussi porté la grossesse de la naissance du Corps Mystique du Christ, c’est-à-dire de l’Eglise, parce que nous la contemplons comme Mère, présente et assise parmi et au milieu des apôtres, dans l’attente de la Pentecôte qui est le jour de la naissance de la nouvelle communauté des croyants.
Marie a aussi porté en dans son cœur la grossesse de l’avènement du Règne de Dieu dans le monde. C’est la joie de cet avènement du Règne devant sa cousine, à travers le Magnificat : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur ! ». Oui, si nous voulons que Règne de Dieu s’installe en nous et parmi nous, ouvrons les yeux pour voir toutes les merveilles que Dieu accomplit dans nos vies. Exaltons le Seigneur, chantons-lui notre reconnaissance car Il fait tellement de belles choses pour nous et en nous. Seule l’espérance nous met dans cette louange qui fait grandir notre joie chaque jour. Le Magnificat, chant de l’espérance de Marie nous décrit aussi le renversement de la logique du monde : « Le Seigneur renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. »
Dans tout son corps, une femme enceinte est prédisposée à l’accueil de cette vie toute nouvelle qui, en elle, se développe et grandit. De la conception à la naissance, toute l’énergie du corps et du cœur de la mère se concentre sur la nouvelle vie, la vie de ce petit être minuscule qui grandit petit à petit, étape par étapes, processus par lequel nous sommes tous passés dans le sein de notre maman. La vie d’un chrétien devrait ressembler à la vie d’une femme enceinte car tout notre être chemine et prépare notre nouvelle naissance, cette vie nouvelle à laquelle nous goûtons déjà ici-bas, et que nous contemplerons pleinement quand, avec Marie montée au Ciel, nous verrons Dieu tel qu’Il est.
Marie est une femme d’espérance, couverte par le Saint Esprit. Son sein maternel est fécondé par le saint Esprit, qui la couvre de son ombre, pour donner naissance au Fils Unique de Dieu, le Verte fait chair. Mais n’oublions pas que Jésus est formé dans la chair et le sang de la Vierge Marie. C’est pour cela qu’elle est vraiment la Mère de Dieu, Théotokos. Marie a réellement porté en elle son propre Créateur. Notons aussi que Marie a porté d’autres grossesses, et pas les moindres ! Les autres grossesses symboliques, qui la virent présente au jour de la nouvelle ère de la résurrection de Jésus, au jours de la naissance de l’Eglise à la Pentecôte et aussi de la réalisation complète du Règne de Dieu dans son propre corps emporté au ciel, sans être altéré ni détruit par la décomposition…se sont réalisées parce que Marie avait accepté et décidé d’être, dans son corps et dans son âme, chaque jour et pour toujours, une humble et silencieuse demeure du Saint Esprit.
Comme Marie, choisissons aussi de porter le Saint Esprit, dans notre corps et dans notre âme. Depuis notre baptême, nous sommes devenus temple du saint Esprit qui demeure en nous et veut faire grandir la vie nouvelle des enfants de Dieu dans notre âme. Alors, parce que le saint Esprit est en nous comme un enfant qui grandit dans le sein maternel, vivons et agissons de manière à lui permettre de se déployer vraiment. Comme Marie, pouvons-nous compter sur Dieu et lui redonner la première place dans nos vies. Comme Marie, refrénons nos désirs terrestres pour nous ouvrir aux désirs célestes. Demandons la grâce d’être, comme Marie, toujours humbles et apprenons, grâce à la rencontre entre Marie et Elisabeth, à nous accueillir mutuellement, pour former ce Corps Mystique du Christ, l’Eglise, qui naquit en présence de Marie à la Pentecôte.
En contemplant Marie enceinte, femme, Mère et Reine de ceux qui espèrent et qui se laissent portés par le Saint Esprit, nous pourrons alors être une communauté chrétienne appelée à faire naitre Jésus, c’est-à-dire, Le faire connaitre et aimer par tous. Nous formons une Eglise fondée sur cette couronne des douze étoiles que nous contemplons sur la tête de Marie : ces douze étoiles qui symbolisent les apôtres de Jésus. Nous sommes appelés à être une Eglise resplendissante parce qu’elle est revêtue de soleil de la gloire de Dieu. Nous sommes appelés à être une Eglise qui, comme le corps d’une femme enceinte de l’Apocalypse, pose ses pieds sur la lune, c’est-à-dire, dont les pieds sont réellement insérés dans l’histoire de l’humanité marquée par le temps qui passe. Si l’Eglise est dans l’histoire de l’humanité, c’est pour y témoigner de la présence lumineuse de Jésus, le Maître de l’Histoire. Nous sommes appelés à être une Eglise qui fait naître le Christ malgré les menaces du Dragon de l’indifférence religieuse, de cette mentalité qui, au nom de l’argent, du pouvoir, et autres idéologies tellement à la mode, continue à opprimer et persécuter ceux qui croient, idéologies qui tentent de supprimer la présence du Christ Ressuscité et s’opposer à l’avènement de son Règne qui déjà est présent à travers cette Eglise tellement fragile, et pourtant toujours sainte, que nous formons quand nous laissons le saint Esprit prendre la première place.
Que cette solennité de l’Assomption fasse naitre en chacun de nous le désir d’imiter Marie chaque jour dans ses vertus et dans cette dimension maternelle qui nous fait naître Jésus dans notre cœur pour Le porter au monde, aux hommes et femmes qui cherchent à rencontrer Jésus. C’est cela qui permettra au monde entier de tressaillir de joie comme Elisabeth, lorsqu’elle rencontre, à travers et grâce à Marie, portant dans son sein, notre Dieu et Seigneur Jésus-Christ. Amen.